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La bataille des haies est l’appellation traditionnellement donnée aux combats dans le bocage en Normandie à l’été 1944. Ce paysage très caractéristique du massif armoricain constitue une bonne partie du champ de bataille, du Cotentin à l’arrière-pays en se densifiant particulièrement au-delà du Bessin, ce n’est qu’à l’est de Caen et de l’Orne en direction de Falaise que le terrain s’ouvre sur de vastes plaines de culture sèches et découvertes. Les haies dressées sur des levées, parsemées de chemins creux, cloisonnent le terrain sur lequel se répartissent une multitude de hameaux. Les combattants sont confrontés à ce terrain particulier dès les premiers largages de parachutistes dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, tout particulièrement dans le secteur américain mais aussi dans le secteur britannique même si le bocage est plus aéré. Dans l’historiographie traditionnelle, la bataille des haies désigne cependant la période qui suit la prise de Cherbourg jusqu’à l’opération Cobra, soit du 1er au 25 juillet 1944, quand les Américains concentrent leurs efforts en direction du sud.
Historique
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie. Le V US Corps prend pied à Omaha Beach dans le Bassin tandis que le VII US Corps, couvert par le largage de deux divisions aéroportées à l’intérieur de la péninsule, débarque sur la façade est du Cotentin à Utah Beach.
La sécurisation des têtes de pont américaines en Normandie
D’Omaha Beach à Caumont-l’Eventé (7-13 juin 1944)
Après un débarquement plus difficile à Omaha Beach que sur les autres plages, le V US Corps peut ensuite progresser plus rapidement en direction d’Isigny-sur-Mer à la rencontre du VII US Corps et vers l’intérieur des terres en profitant de l’effondrement de la 716. Infanterie-Division quasiment anéantie après avoir affronter l’essentiel du choc du Débarquement allié sur Omaha Beach, Gold Beach, Juno Beach et Sword Beach. De son côté, la 352. Infanterie-Division est également très affaiblie et ne peut que se replier vers l’intérieur des terres mais sans parvenir à maintenir la jonction avec l’est du front allemand. La 1st US Infantry Division peut ainsi s’emparer de Caumont-l’Eventé le 13 juin 1944 avec l’appui du 743rd US Tank Battalion.
Cotentin, la tête de pont sécurisée mais toute avance directe vers Cherbourg est bloquée (7-16 juin 1944)
Dans le Cotentin, la sécurisation de la tête de pont passe par la prise de Carentan qui est effective le 12 juin 1944. La 17. SS-Panzergrenadier-Division, qui vient d’arriver en renfort, tente immédiatement de reprendre la ville, mais elle est repoussée par la 101st US Airborne Division et la 2nd US Armored Division. La progression direct vers Cherbourg est cependant bloquée devant Montebourg. Reste alors la solution de forcer le passage plein ouest pour couper en deux la péninsule du Cotentin. L’avance est également laborieuse. Pont-l’Abbé ne tombe que dans la nuit du 12 au 13 juin 1944. Le 16 juin 1944, la 82nd US Airborne Division s’empare de Saint-Sauveur-le-Vicomte au coeur du Cotentin et établit un tête de pont sur au-delà de la Douve, dernière coupure humide avant de parvenir à la côte opposée à Utah Beach.
Premier encerclement en Normandie (17-18 juin 1944)
A partir de la tête de pont de Saint-Sauveur-le-Vicomte, la 9th US Infantry Division s’élance le 17 juin 1944 en direction de la côte ouest du Cotentin. Il est temps car une nouvelle division allemande est en train d’arriver (77. Infanterie-Division) en longeant la façade ouest de la péninsule. La côte est atteinte le 18 juin 1944. La 709. Infanterie-Division est isolée, les 77. Infanterie-Division, 91. Infanterie-Division et 243. Infanterie-Division sont coupées en deux.
Devant Caen, Saint-Lô et La Haye-du-Puits, le front allié se fige
La percée américaine du 18 juin 1944 pulvérise le front allemand à l’ouest du Cotentin. Mais l’objectif est de prendre Cherbourg au nord de la péninsule. Au sud du Cotentin, la situation se stabilise sur une ligne Portbail – Saint-Sauveur-le-Vicomte – Pont-l’Abbé – Carentan en s’appuyant les prairies marécageuses et les marais qui inondent la base de la péninsule.
Dans le secteur de Caumont-l’Eventé, toute avance vers le sud devient impossible après le 13 juin 1944 quand la 3. Fallschirmjäger-Division arrive en renfort dans le secteur suivie peu après par des éléments de la 2. Panzer-Division. L’échec de la tentative de débordement britannique initiée avec l’opération Perch ne permet pas de créer une nouvelle brèche dans le front allemand qui vient de se refermer. Saint-Lô reste hors de portée des Américains.
Seule la fin des combats dans le Cotentin qui s’achèvent le 1er juillet 1944 par la prise de La Hague permettent aux Américains de redéployer leurs forces vers le sud et de relancer leur progression sur l’ensemble de l’étendue du front de part et d’autre de la Vire. Il y a désormais urgence. Caen est toujours aux mains des Allemands et la tête de pont reste relativement étroite entraînant un certain nombre de tensions au sein des états-majors alliés.
Les forces en présence début juillet 1944 dans le secteur américain
Unités allemandes
Les unités allemandes engagées face au secteur américaine début juillet 1944 appartiennent toutes à la 7. Armee qui dispose de deux corps d’armée sur le front de Normandie.
LXXXIV Armee-Korps
La ligne de front de la mer à la Vire au niveau de Pont-Hébert est sous la responsabilité du LXXXIV. Armee-Korps. Celui est commandé par Dietrich von CHOLTITZ depuis le 17 juin 1944 suite à la mort de son précédent commandant, Erich MARCKS, tué le 12 juin 1944 lors d’une attaque aérienne alliée. Ce corps d’armée est engagé depuis le 6 juin 1944 face aux troupes alliées puisqu’il était en charge du secteur côtier concerné par le Débarquement. Sa responsabilité se concentre progressivement sur le Cotentin avec l’arrivée d’états-majors arrivés en renfort qui prennent en charge les autres secteurs du front. Dietrich von CHOLTITZ est un général aguerri qui connaît ses principales heures de gloire en Hollande et à Sébastopol, rompu au commandement de corps d’armée et aux combats défensifs.
Pour assurer sa ligne de front, le LXXXIV. Armee-Korps dispose de deux unités principales :
- La 353. Infanterie-Division qui rejoint le front la troisième semaine de juin dans le secteur de la La Haye-du-Puits,
- La 17. SS-Panzergrenadier-Division qui depuis sa contre-attaque ratée sur Carentan verrouille les débouchés au sud de cette ville.
En complément, plusieurs groupes de combat sont constitués à partir de restes de divisions ou d’éléments envoyés en renfort à partir de divisions encore en position sur un secteur du Mur de l’Atlantique :
- La Kampfgruppe constituée des restes de la 77. Infanterie-Division,
- La Kampfgruppe constituée des restes de la 91. Infanterie-Division,
- La Kampfgruppe constituée des restes de la 243. Infanterie-Division,
- La Kampfgruppe constituée des éléments détachés de la 265. Infanterie-Division,
- La Kampfgruppe constituée des éléments détachés de la 275. Infanterie-Division,
- Les restes du Fallschirmjäger-Regiment 6.
II. Fallschirm-Korps
A droite du LXXXIV. Armee-Korps se trouve le II. Fallschirm-Korps commandé par Eugen MEINDL, lui aussi particulièrement expérimenté. Il couvre Saint-Lô à partir de Pont-Hébert sur la Vire jusqu’à la Drôme.
Il comprend deux composantes principales :
- La 352. Infanterie-Division, en ligne depuis le 6 juin 1944 et particulièrement affaiblie, elle intègre pour la renforcer la 30. schnelle Brigade, un bataillon de la 353. Infanterie-Division, des éléments de la 266. Infanterie-Division, de la 343. Infanterie-Division et de l’Artillerie-Schule Autun,
- La 3. Fallschirmjäger-Division arrivée totalement à la fin de la troisième semaine de juin 1944.
Le II. Fallschirm-Korps bénéficie également de l’appui d’unités qui lui sont propres comme la Fallschirm-Aufklärungs-Abteilung 12 et la Fallschirm-Sturmgeschütz-Brigade 12.
Unités américaines
Début juillet 1944, l’ensemble des unités américaines au sol relèvent de la 1st US Army sous le commandement d’Omar BRADLEY. Celui-ci de dispose de quatre corps d’armée.
VIII US Corps
Le VIII US Corps commence à arriver à partir du 14 juin 1944 via la plage d’Utab Beach. Il assure la liaison entre le V US Corps débarqué à Omaha Beach et le VII US Corps qui cherche alors à couper la péninsule du Cotentin. Quand celui-ci se tourne entièrement vers Cherbourg, le VIII US Corps assure le flanc sud de Carentan à Portbail. Une fois les opérations terminées pour le VII US Corps au nord du Cotentin, le VIII US Corps assume la responsabilité du front américain de Portbail au marais de Gorges. Il est commandé par Troy MIDDLETON, vétéran de la Première Guerre mondiale et des combats en Sicile et en Italie à la tête de la 45th US Infantry Division, commandement qu’il abandonne en janvier 1944 pour des raisons de santé avant de prendre la tête en mars 1944 du VIII US Corps. Début juillet 1944, celui comprend les divisions suivantes :
- La 79th US Infantry Division qui vient de combattre dans le secteur de Cherbourg,
- La 82nd US Airborne Division, en ligne depuis la nuit du 5 au 6 juin 1944 et devant être mise au repos,
- La 90th US Infantry Division qui a connu un baptême du feu douloureux ayant entraîné le limogeage de son chef lors des combats pour Pont-l’Abbé.
VII US Corps
En charge du débarquement sur Utah Beach, du nettoyage du Cotentin et de la prise de la Cherbourg, le VII US Corps est commandé par Joseph Lawton COLLINS qui a l’expérience du combat à Guadalcanal dans le Pacifique à la tête de la 25th US Infantry Division. Après la conquête du Cotentin, le VII US Corps prend en charge le secteur de Carentan. Il dispose de trois divisions, dont deux aguerries par les précédents combats :
- La 4th US Infantry Division qui est engagée depuis le 6 juin 1944 lors de son débarquement à Utah Beach,
- La 9th US Infantry Division arrivée quelques jours plus tard a déjà une bonne expérience des combats après son engagement en Afrique du Nord (opération Torch et Tunisie, en Sicile et son action dans le Cotentin qu’elle réussit à scinder en deux le 18 juin 1944,
- La 83rd US Infantry Division, débarquée troisième semaine de juin relève la 101st US Airborne Division dans le secteur de Carentan, elle n’a aucune expérience des combats.
XIX US Corps
Le XIX US Corps débarque en Normandie à partir du 12 juin 1944 par la plage d’Omaha Beach sous les ordres de Charles CORLETT après avoir commandé les forces débarquées à Kisaka dans les Aléoutiennes puis la 7th US Infantry Division. Il s’intercale entre le V US Corps en pointe dans la secteur de Caumont-l’Eventé et le secteur de Carentan en s’appyant sur le canal Taute-Vire.
Début juillet, il dispose de deux divisions d’infanterie et d’une division blindée :
- La 29th US Infantry Division, en ligne depuis son débarquement à Omaha Beach le 6 juin 1944,
- La 30th US Infantry Division, débarquée sur Omaha Beach à partir du 10 juin 1944,
- La 3rd US Armored Division, débarquée sur Omaha Beach à partir du 28 juin 1944.
V US Corps
Le V US Corps a en charge le débarquement à Omaha Beach le 6 juin 1944 sous les ordres de Leonard GEROW. Il commande la 29th US Infantry Division avant de prendre le commandement du corps d’armée. Début juillet, il assure la jonction avec le secteur britannique et dispose de deux divisions d’infanterie et d’une division blindée :
- La 1st US Infantry Division qui possède déjà une longue expérience de combat aquise en Afrique du Nord, en Sicile et depuis son débarquement sur Omaha Beach le 6 juin 1944,
- La 2nd US Infantry Division, débarquée sur Omaha Beach à partir du 7 juin 1944 et engagée depuis les combats pour Trévières,
- La 2nd US Armored Division, engagée en Afrique du Nord et en Sicile, débarque sur Omaha Beach à partir du 7 juin 1944 et intervient à temps pour stopper la contre-offensive de la 17. SS-Panzergrenadier-Division sur Carentan.
Juillet 1944, cap au sud !
Bibliographie

Robert CITINO, The Wehrmacht’s Last Stand 1944-1945 (Kansas, 2017)

Jérémy ANDERSEN-BÖ, Le Brigadier General Theodore Roosevelt Jr., la légende d’Utah Beach, in Normandie 1944 Magazine n°34 (Heimdal, 2020) : article de trente pages sur la carrière militaire de Theodore ROOSEVELT Junior et plus particulièrement sur son action au sein de la 4th US Infantry Division sur Utah Beach, dans le Cotentin, à Cherbourg dont il fut gouverneur militaire le temps de deux journées, lors des combats dans le bocage jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque alors qu’il allait prendre le commandement de la 90th US Infantry Division – Texte, photos, reproductions couleurs d’objets d’époque.

Frédéric DEPRUN, Normandie 1944, 2. Panzer-Division, tome 2, Caen-Vire-Mortain, 1er juillet – 12 août 1944 (Heimdal, 2020) : livre de plus de trois cent trente pages sur les combats de la 2. Panzer-Division en Normandie (Gavrus, Baron-sur-Odon, Caumont-l’Eventé, Cahagnes, Saint-Germain-d’Ectot, Tessel, Noyers, Evrecy, Saint-André-sur-Orne, May-sur-Orne, Moyon, Tessy-sur-Vire, Saint-Martin-des-Besaces, Villebaudon, Troisgots, Pont-Farcy, Bellefontaine, Mesnil-Adelée, Mesnil-Tôve, Saint-Barthélemy et Sourdeval) durant la guerre des haies, les opérations Epsom, Atlantic, Spring, Cobra et Lüttich – Texte, cartes, photos, reproductions couleurs d’objets d’époque.

Frederick JEANNE, Combat in lessons n°4, in Normandie 1944 Magazine n°6 (Heimdal, 2012) : article de huit pages sur les tactiques de combat américaines dans la bataille des haies en Normandie – Texte, photos, schémas tactiques.

Tristan RONDEAU, Attaque d’une haie par une section d’infanterie ou les remarques d’un officier américain sur les combats dans le bocage, in Normandie 1944 Magazine n°20 (Heimdal, 2016) : article de six pages transcrivant des recommandations tactiques pour les combats dans le bocage rédigées par un officier de la 90th US Infantry Division – Texte, photos, schémas.

Charles TRANG, La 16. (Pionier)-Kompanie du régiment Deutschland au combat du 6 au 22 juillet 1944, in Normandie 1944 Magazine n°5 (Heimdal, 2012) : article de douze pages sur une Pionier-Kompanie de la 2. SS-Panzer-Division engagée dans la bataille des haies et plus particulièrement au Mont-Castre puis à Esglandes en appui de la 130. Panzer-Lehr-Division – Texte, photos, cartes.