D-Day, l'essentiel du Débarquement et de la bataille de Normandie (OREP, 2023)

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Il existe pléthore d’ouvrages qui traitent du Débarquement du 6 juin 1944 et de la bataille de Normandie. En fonction des auteurs, des collections et des époques, ils peuvent être plus ou moins précis, compréhensifs, synthétiques. Chaque public peut trouver ce qui lui convient, à condition de bien cibler son besoin et l’ouvrage qui y répond. Jérémie HALAIS, déjà auteur de nombreuses publications sur cette thématique publie en 2023 chez OREP un livre, non pas pour les nuls, mais une synthèse qui se veut claire et accessible sur l’essentiel à connaître sur cette page clef de la Seconde Guerre mondiale en Europe…

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Présentation

La force de l’infographie et de la cartographie

En ouvrant pour la première fois le livre, le lecteur peut être surpris : pas une photo n’accompagne le contenu ! Ce choix assumé s’avère en fait largement payant. En effet, plutôt que de présenter des clichés déjà maintes fois publiés, l’auteur fait le pari de s’appuyer sur une infographie et une cartographie étoffées qui ont le mérite de renouveler le genre.

Cet exercice, expérimenté notamment dans l’Infographie de la Seconde Guerre mondiale en 2018 et dans le mook De la guerre, tous deux poussés par Jean LOPEZ, donne un résultat vivant et dynamique. En parcourant les pages, le rêve serait d’ailleurs d’imaginer l’éditeur britannique Osprey prendre ce virage pour transformer certains de ses tableaux en données réellement visuelles en pensant notamment à la collection New Vanguard par exemple. Mention spéciale ainsi à la carte des opérations commandos alliées en France entre 1940 et 1944 (page 8), la densité du Mur de l’Atlantique et des défenses allemandes (pages 11 et 25) la différence entre le stationnement des unités alliées en Grande-Bretagne et la perception allemande (page 23), les combats à la Pointe du Hoc (pages 50 et 51), répartition géographique et journalière des victimes civiles normandes (pages 60 et 61), l’aide alliée à la Résistance française (page 63),la concentration de forces et de feu sur La Chapelle-en-Juger lors de l’opération Cobra (page 83), la percée américaine par Avranches et Pontaubault (page 85).

Egalement, au lieu de reprendre les antédiluviennes cartes fournies par les historiques officiels américains, le livre en propose à la fois de très nombreuses (65) mais également originales. Le résultat donne une vision claire des positions et des mouvements.

La chronologie circulaire fournie en pages 104 et 105 représente une véritable originalité avec en son centre une cartographie stylisée de la ligne de front à plusieurs dates. Sur le fond, peut-être pourrait-on regretter que les différentes tentatives allemandes de reprendre l’initiative en juin et juillet ne soient pas représentées, au risque de laisser penser que le défenseur ne se contente seulement de tenir pied à pied le terrain sans chercher dès le Jour-J à reconquérir celui qu’il a perdu ou tout simplement à reprendre l’initiative. S’ils ne parviennent jamais à la reprendre, les Allemands entrent cependant bien dans la bataille avec l’objectif d’y parvenir et s’en donnent les moyens.

De l’importance stratégique de l’opération Overlord

L’avant-propos finement ciselé de Jérémie HALAIS évoque en quelques lignes seulement l’enjeu historiographique de cet épisode ultra connu de la Seconde Guerre mondiale mais également très « occidentalo-centré ». En évoquant la concomitance de l’opération Bagration qui « ouvre les portes de Berlin », il relativise l’importance des opérations à l’Ouest en 1944 dans la défaite du Troisième Reich qui se trouve ainsi vaincu par deux mâchoires qui l’étranglent. Sans entrer dans un long débat sur qui a vaincu la Wehrmacht des Alliés occidentaux ou de l’Armée rouge, cette page introductive rappelle simplement mais directement que les deux fronts contribuent à la victoire.

Le même avant-propos évoque également une certaine complexité de la bataille de Normandie qui ne se déroule pas façon linéaire, mais séquentielle et surtout ponctuée s’opérations successives avec plus ou moins de succès. Le Débarquement du 6 juin 1944 n’ouvre en effet qu’une page de trois mois de batailles.

Segmentation

Globalement, le livre se divise en trois grandes parties :

Les préparatifs menés par les deux camps ainsi que le cheminement de la décision et de la conception de l’opération Overlord
Le Débarquement du 6 juin 1944
La bataille de Normandie

Chaque chapitre se compose de deux pages qui se font face. Un ou quatre paragraphes posent le sujet que complète schémas, cartes mais aussi encarts thématiques. En tournant chaque, le lecteur plonge donc dans une nouvelle séquence.

Des préparatifs et une mise en œuvre de longue haleine

Les premières pages se penchent sur le pourquoi de l’opération Overlord mais également sur l’immense travail de préparation entrepris par les Alliés. Il y a bien entendu la concentration des troupes et du matériel, mais également l’entrainement et la formation ainsi que les opérations préliminaires.

L’explication des préparatifs allemands se résument plus succinctement. Il faut apprécier la tentative graphique de montrer la complexité de la chaîne de commandement allemande. Peut-être aurait-il été intéressant de montrer la montée en puissance des forces de l’OB West dans les mois qui précèdent l’ouverture du « second front », symbole plus que tout autre que le Troisième Reich décide de délaisser temporairement l’URSS pour reporter ses efforts prioritaires à l’Ouest afin de battre les Alliés avant de se retourner à nouveau sur les Soviétiques.

Jour-J

Les opérations menées le 6 juin 1944 représentent naturellement un morceau de choix sur l’ensemble de la pagination. La décomposition des évènements s’effectue de façon assez classique détaillant chacun des axes d’effort alliés (chacune des deux têtes de pont aéroportées alliées, les cinq plages de débarquement, la Pointe du Hoc) sans oublier d’évoquer le sort douloureux des Normands sous les bombes, le rôle de la Résistance française ainsi que celui de Charles de GAULLE sur un plan plus politique.

Sainte-Mère-Eglise, la 82nd US Airborne Division (OREP, 2021)

La bataille de Normandie

Le livre présente également les différentes phases de la bataille de façon relativement classique et consensuelle.

On notera que l’opération Bluecoat n’est pas sous-estimée, même si elle intervient après le succès de Cobra qu’elle permet de consolider définitivement en rendu bien plus difficile les efforts allemands à boucher le trou créé dans le front. Idem pour l’opération Paddle et la poursuite sur la Seine qui bénéficient d’une double page complète.

Le sort des îles anglo-normandes n’est pas oublié ni le raid sur Granville en 1945. Bien vu !

Un prisme franco-français

Assez logiquement, l’auteur met l’accent sur la contribution française à l’opération alliée. Par le rôle de la Résistance bien sûr, mais également avec celui de la 2ème Division Blindée dont le symbole reste la libération de Paris. Ces temps forts du roman national tricolore, ainsi que le poids politique de Charles de GAULLE restent ainsi bien ancrés.

Ce prisme très cocardier se trouve renforcé par la page de conclusion qui se concentre sur la libération de la France en évoquant également le débarquement en Provence qui achève définitivement le timide espoir de la Wehrmacht de rétablir une ligne de front sans avoir à se replier jusqu’aux frontières du Troisième Reich ou presque.

Conclusion

Dans un marché déjà abondamment fourni, Jérémie HALAIS et les Editions OREP parviennent à se démarquer en proposant un ouvrage très agréable à consulter, bien équilibré dans ses thématiques abordés, fort bien conçu sur la forme. Cela en fait un livre idéal pour un public assez novice souhaitant plonger dans le Débarquement allié et de la bataille de Normandie sans s’arrêter aux quelques clichés populaires.

Les plus anciens prendront également du plaisir à regarder et à lire ces pages. Non seulement la mise en perspective est solide, mais la qualité de l’infographie et des cartes est au rendez-vous avec à la clef de bonnes suggestions à reprendre pour d’autres auteurs et éditeurs.

Victoire réelle et bien menée, surtout face à un adversaire qui a fait se priorité de repousser le débarquement allié, reste cependant imparfaite, notamment en vue de l’après-guerre et de la Guerre froide qui se profile. Une perspective qui dépasse la seule Seconde Guerre mondiale en Europe et la défaite du régime nazi. Et qui oblige à apprécier les opérations à l’Ouest en tenant compte de cet angle, sans s’arrêter à la seule libération des territoires occupés et à la fin du Troisième Reich. Une limite qui ne doit cependant empêcher de savourer ce livre bien structuré, très agréable à lire (même si à titre personnel je préfère les silhouettes marquées d’yeux, de nez et d’une bouche), particulièrement synthétique. Un complément idéal au Jour-J heure par heure et au Dictionnaire du Débarquement.