La Wehrmacht remplace à partir du 21 mai 1935 la Reichswehr issue du Traité de Versailles. Sa création symbolise l’abandon par l’Allemagne des restrictions militaires imposées par les Alliées à la suite de sa défaite durant la Première Guerre mondiale. Son expansion rapide repose sur les préparatifs entrepris par les militaires allemands dès les années 1920 en secret que ce soit dans le domaine de la doctrine, des matériels et des fondations organisationnelles. La Wehrmacht couvre la Heer (armée de terre), la Luftwaffe (armée de l’air) et la Kriegsmarine (marine). Dès sa création, elle doit également composer avec différentes structures paramilitaires nazies, dont la Waffen-SS qui prend une par grandissante au fur et à mesure du conflit.
Historique
Chronologie
- 21 mai 1935 : la Wehrmacht remplace la Reichswehr
Racines
Postérité
L’histoire écrite par les vaincus, une situation assez unique !
Dès la fin de la guerre, les Américains lancent une initiative assez unique de collaboration avec leurs anciens adversaires afin de les inclure dans la rédaction de leur historique de la Seconde Guerre mondiale. Ils conduisent ainsi des centaines d’entretiens et confient à plusieurs dizaines d’officiers et généraux la rédaction d’analyses à froid des opérations auxquelles ils ont participé. Nombre d’entre eux peuvent ainsi présenter les faits selon leurs propres perceptions et surtout à leur avantage d’autant que leurs écrits et leurs témoignages ne font pas l’objet de remise en cause.
Assez rapidement, plusieurs témoins clefs, militaires mais aussi civils, font paraître leurs mémoires. Très souvent, ils en profitent pour prendre leur distance avec les crimes nazis, gommer leurs erreurs et surtout transférer la responsabilité des échecs puis de la défaite sur Adolf HITLER et ceux qui ont disparu entre temps.
Une escroquerie historique, qui a permis à la mémoire des vaincus de 1945 de devenir un totem adulé par ses vainqueurs.
Nicolas AUBIN, La Wehrmacht, la fin d’un mythe [Perrin, 2023], page 53.
Dans l’imagerie populaire, les mythes d’une Wehrmacht “propre”, non liée aux crimes du nazisme, et “invincible” mis à part part le nombre de ses adversaires se propage par des écrits grand public au large succès. Les livres de Paul CARELL ou de Franz KUROWSKI, Werner HAUPT contribuent à une vision héroïque de la guerre menée par des hommes intrépides qui doivent affronter des adversaires presque déloyaux qui n’en viennent à bout que par des ressources humaines sans limite (l’Armée rouge), des moyens matériels sans limite et une domination aérienne oppressante. La collection Die Wehrmacht im Kampf ou les bandes dessinées type “Der Landser” démultiplient cette vision en parallèle des mémoires des uns et des autres. Les associations de vétérans, particulièrement actives, éditent également de nombreuses revues à destination de leurs membres qui apportent de nombreux détails sur des combats parfois peu étudiés mais toujours en soulignant le caractère héroïque des soldats allemands.
Des alliés atteints du syndrome de Stockholm ?
Les Alliés occidentaux prennent également une large part de responsabilité dans cette glorification a posteriori comme en témoignent les écrits de Basil Henry LIDDELL HART ou de Desmond YOUNG. D’autres auteurs connaissent également de vastes succès littéraires en contant les exploits des combattants germaniques, comme par exemple Jean MABIRE. Il n’y a guère que les Soviétiques pour développer une littérature peu admirative de leur adversaire vaincu mais celle-ci apparait souvent vite comme de la propagande un peu trop grossière. Cela dit, il faudra plusieurs décennies avant d’appréhender dans une plus juste mesure la bataille de Koursk et revoir le soi-disant massacre des Panzer VI Tiger allemands à Prokhorovka…
Dans les années 1970, 1980 et 1990, les auteurs bénéficient ainsi d’une manne d’écrits déjà bien documentés qu’ils peuvent exploiter à peu de frais et sans réellement se replonger dans les archives.
Pour joindre l’image au texte, ils bénéficient d’un fond iconographique assez exceptionnel issu des compagnies de propagande allemandes. Il n’en faut pas plus pour utiliser à grande échelle ces clichés par nature destinés à influencer ceux qui les voient. L’omniprésence d’appareils photos au sein des forces armées allemandes, notamment durant la première moitié du conflit, cela devient moins le cas à partir de 1943, donne également une profusion de clichés qui refont surface au fur et à mesure de la disparition de leurs propriétaires et d’un marché bien lucratif. Bref, écrire sur l’armée allemande est facile, illustrer les textes n’est pas compliqué et en plus, le public en redemande !
[Les Editions Heimdal,] écrites dans un style sobre sous forme de chroniques et donc, croit-on, sans parti pris, étayés par des archives minutieusement dépouillées, obsédées par la précision des matériels, elles ont l’apparence d’études objectives. Mais à bien y regarder, elles s’inscrivent aussi dans le registre de l’épopée.
Nicolas AUBIN, La Wehrmacht, la fin d’un mythe [Perrin, 2023], page 57.
Premières failles
A partir des années 1990, quelques historiens poussent, enfin, la porte des archives et les examinent de façon un peu plus critique.
Voir aussi…
- Article Wehrmacht de Wikipédia en français
Bibliographie
Repères bibliographiques
Les livres qui traitent de la Seconde Guerre mondiale en Europe traitent tous d’une façon ou d’une autre des forces armées allemandes, donc de la Wehrmacht. Cependant, quelques ouvrages paraissent indispensables à lire pour comprendre à la fois l’histoire de cette institution mais également son attitude vis-à-vis de régime nazi et son rôle dans la conduite générale de la guerre au-delà de ses aspects strictement militaires.
Quelque peu daté car s’appuyant beaucoup sur les sources parues immédiatement après-guerre, mais intéressant pour sa chronologie, l’Histoire de l’armée allemande écrit par Philippe MASSON propose une fresque chronologique à compléter également par son livre Hitler chef de guerre. Plus original et rédigé sur le vif, le livre de Jacques BENOIST-MECHIN sur l’armée allemande de 1919 à 1938 vaut le détour, ne serait-ce que pour comprendre la perception des contemporains à l’orée du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en Europe.
La compilation d’articles parus dans Science & Vie Guerres & Histoire, La Wehrmacht, le fin d’un mythe, agrémentée de quelques entrées supplémentaires s’attache à pondérer le mythe de l’excellence opérationnelle allemande, tout en lui reconnaissant d’indéniables qualités davantage taillées d’ailleurs pour des conflits du XIXème siècle que pour les guerres mondiales du XXème.
Centré sur la vision du soldat et réellement transverse à toutes les composantes de la Wehrmacht, Être soldat de Hitler écrit par Benoît RONDEAU permet de comprendre le fonctionnement de l’intérieur de la machine de guerre allemande et son implication dans le déclenchement du conflit et de sa contribution active aux crimes de guerre du régime nazi. Lui aussi possède un chapitre consacré à la postérité de la Wehrmacht.
Plus ciblé chronologiquement mais procurant une analyse sociologique assez extraordinaire, le livre de Jean-Luc LELEU, Combattre en dictature, fournit un éclairage introuvable par ailleurs sur l’armée allemande, même si limité à la bataille de Normandie. Aussi indispensable que son étude sur la Waffen-SS.
Livres

Collectif sous la direction de Jean LOPEZ, La Wehrmacht, la fin d’un mythe [Perrin, 2023]

Benoît RONDEAU, Être soldat de Hitler [Perrin, 2019]

Bruce CULVER, Panzer Colours 3 [Arms and Armour Press, 1984]

Bruce CULVER, Panzer Colours 2 [Arms and Armour Press, 1978]

Bruce CULVER & Bill MURPHY, Panzer Colours 1 [Arms and Armour Press, 1976]
Magazines et périodiques
- Benoît RONDEAU, Rückmarsch 1944, repli vers la Vaterland sur tous les fronts [Batailles hors-série n°13 (Ysec, 2021)]
- Nicolas PONTIC, Les Freikorps, terreau du nazisme ou racines de la Wehrmacht ? [Ligne de Front n°95 (Caraktère, 2022)]
Historique de la page
- 28/01/2023 : mise à jour (Historique, Livres)
- 13/12/2020 : création