L’Amérique en guerre, 1933-1946 (Perrin, 2024) : #lecture (2), la montée des tensions et l’entrée en guerre

Dans son ouvrage L’Amérique en guerre, 1933-1946, Christophe PRIME consacre les trois premiers chapitres à la période qui fait entrer les Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Leur lecture est captivante. D’une part, il s’agit d’une phase peu abordée dans sa globalité dans l’historiographie, d’autre part elle rappelle une actualité brûlante.

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Si les Etats-Unis adoptent une posture isolationniste durant l’entre-deux-guerres, cela ne signifie pas qu’ils se désintéressent du reste du monde.

Il existe cependant bien un courant influent qui plonge ses racines dans les origines même de la démocratie américaine, « un choix politique qui est pour ainsi dire inscrit dans le patrimoine génétique ». Outre cet héritage, l’idée que l’entrée en guerre en 1917 doit tout aux banquiers et fabricants d’armes avides de profits bénéficie d’une forte audience dans l’opinion publique. Cette image rappelle les débats et autres rumeurs qui agitent les opinions américaines, et plus généralement occidentales, actuellement vis-à-vis de la montée des tensions entre le cercle des démocraties et celui des autocraties regroupées dans une alliance qui ne porte pas (encore ?) le nom d’un pacte (Russie, Corée du Nord, Iran, Chine).

La lecture des pages consacrées aux campagnes d’influence, notamment en faveur d’un non soutien des pays en guerre contre le Troisième Reich, montre que les manœuvres hybrides auxquelles nous assistons de part et d’autre de l’Atlantique ne sont pas une nouveauté. Seuls les moyens changent, les réseaux sociaux remplaçant ainsi la presse papier, ainsi que probablement la sophistication des moyens employés. Alors qu’ils se retrouvent seuls à combattre le Troisième Reich alors soutenu par l’URSS, les Britanniques investissent également dans des opérations d’influence pour faire basculer l’opinion américaine en faveur d’un interventionnisme accru.

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Franklin ROOSEVELT apparait comme particulièrement habile pour progressivement préparer son pays et son armée, en toute discrétion d’abord, mais de façon plus visible une fois que l’opinion, donc le Congrès, prend progressivement la mesure des dangers qui menacent. Là encore, un sujet de grande actualité.

Les pages consacrées à la maîtrise des risques une fois la Seconde Guerre mondiale déclenchée en Europe valent également le détour. Et ici encore, elles ne peuvent que faire référence à l’actualité autour de l’Ukraine notamment. Entre protéger les mers et le trafic au profit de la Grande-Bretagne et ne pas risquer un affrontement direct avec la Kriegsmarine dans l’Atlantique, il n’y a pas beaucoup de marge. Cela n’empêche pas quelques échauffourées dramatiques, mais finalement sans incidence puisqu’il faut attendre Pearl Harbor pour voir la guerre se concrétiser avec le Troisième Reich assez inconséquent pour prendre l’initiative de la déclaration de guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941.

Plus peut-être qu’en France alors concentrée sur la guerre avec l’Allemagne, l’agression soviétique contre la Finlande dans la foulée de celle menée de concert avec les nazis contre la Pologne, le tout faisant suite au pacte germano-soviétique, provoque un élan de solidarité parmi les Américains. Mais pas suffisant pour déclencher une intervention massive et directe contre les deux alliés à l’origine de la Seconde Guerre mondiale en Europe. L’effort se limite à des collectes de charité, mais les opinions et quelques intellectuels basculent de plus en plus en faveur de davantage d’interventionnisme. Parallèle avec la situation qui préside en Ukraine, le Congrès donne finalement son aval pour aide financière après avoir trop longtemps tergiversé de peut que cela soit interprété comme « un soutien militaire par les Soviétiques ».

La défaite de la France provoque un véritable choc et accélère les préparatifs à la fois militaires, diplomatiques et industriels. Le réarmement américains bénéficie en fait des commandes passées par les franco-britanniques. Si l’Armistice ne permet pas la livraison des matériels commandés, ces derniers relancent la production américaine. Juin 1940 représente un tournant dans l’opinion américaine qui désormais soutien les programmes volontaristes de l’armée et de la marine. Cela se traduit par l’instauration de la conscription en septembre 1940, une première en temps de paix, tout en provoquant quelques remous au Congrès provoqués par des membres un peu caricaturaux (toute ressemblance avec des personnages contemporains étant évidemment fortuite).

La campagne électorale oblige Franklin ROSSEVELT à rester prudent dans son engagement auprès de la Grande-Bretagne. Accusé par son principal adversaire de préparer en cachette l’entrée en guerre des Etats-Unis, il joue sur un fil. Son troisième mandat acquis, il peut se consacrer à envisager plusieurs options pour le futur. Les forces américaines commencent à préparer leurs plans, y compris pour la libération de l’Europe. Le besoin de préserver la Grande-Bretagne dans la lutte plausible dans l’Atlantique et le Pacifique donne naissance à l’option « Germany First ».

L’opération Barbarossa déclenchée par les Allemands et ses alliés mettent fin au pacte germano-soviétique, provoquant ainsi un retournement d’alliance qui permet à l’URSS de se retrouver habilement du « bon côté de l’Histoire ». Le virage reste cependant difficile à négocier pour Franklin ROOSEVELT qui doit composer avec les isolationnistes mais également les anticommunistes qui voient d’un mauvais œil les Etats-Unis venir en aide au régime de Joseph STALINE.

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Pendant ce temps, la menace s’accroit dans le Pacifique et en Asie. L’aide américaine se veut discrète mais est réelle en direction de la Chine qui lutte contre le Japon. L’attaque nippone sur Pearl Harbor finit d’entrainer les Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. La réaction peut être brutale avec l’incarcération des ressortissants japonais. Mais les fondations pour la suite sont déjà prêtes. Le géant en phase d’éveil n’a plus qu’à mobiliser l’ensemble de ses moyens humains, économiques, financiers et militaires…

Ces trois premiers chapitres représentent un quart du livre. Outre le fait qu’ils rappellent une actualité brûlante, ils permettent de comprendre la vitesse et l’ampleur de l’effort américain qui devient en quelques mois seulement l’arsenal des pays (parfois très éloignés de la démocratie) en guerre contre l’Axe.

Absolument passionnant.

A suivre…

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