L’Amérique en guerre, 1933-1946 (Perrin, 2024) : #lecture (1), introduction

Il ne faut vraiment pas longtemps pour se retrouver totalement happé par le lecture de cette volumineuse étude qu’est L’Amérique en guerre, 1933-1946 rédigée par Christophe PRIME aux Editions Perrin.

Si l’introduction reste courte, cinq pages à peine, elle donne immédiatement le ton et pique la curiosité.

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L’auteur rappelle tout d’abord que la Seconde Guerre mondiale fait l’objet d’une attention qui ne se dément toujours pas. Bien au contraire d’ailleurs puisque les tensions géopolitiques actuelles ne cessent d’y faire référence, que ce soit en Russie ou en Chine. Ce qui ne veut pas dire que la façon de regarder ce conflit n’évolue pas, bien au contraire.

En effet, il souligne ensuite que son écriture reste encore un vaste champ d’exploration. Et ce pour deux raisons principales. La première est que certaines zones restent encore très peu abordées et très souvent biaisée par l’angle de vue géographique. La seconde est que son écriture se renouvelle en continu en raison de l’apparition de nouvelles sources, de la prise de recul, etc. On pourrait y ajouter également du fait du travail de certains historiens et auteurs qui ne se contentent pas de reproduire du contenu déjà fabriqué par les historiques officiels ou d’autres, mais qui cherchent réellement à faire progresser la connaissance de cette Histoire, quitte à prendre des risques.

Car force est de constater que l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale demeure profondément marquée par l’empreinte de la propagande de l’époque, des interprétations officielles et des querelles politiques de l’après-guerre. La France n’est pas épargnée par ces biais, loin de là, comme en témoigne le laborieux travail parfois chaotique en raison des implications politiques immédiates toujours présentes sur les causes de la défaite de 1940, le régime de Vichy, la Résistance, la position de l’URSS et plus globalement des partis communistes dans les deux premières années du conflit jusqu’au déclenchement de l’opération Barbarossa, etc.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, la manipulation par cette dernière de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale pour en justifier son déclenchement, le poids des conséquences du pacte germano-soviétique et des annexions d’après-guerre, y compris dans la configuration actuelle de rapports de force, montrent qu’il reste un important travail pédagogique à faire, surtout qu’il passe par la remise en cause d’idées reçues.

Il en est de même concernant les Etats-Unis. La perception de l’Amérique en guerre est en France particulièrement imprégnée par l’histoire officielle américaine qui a représenté une source d’inspiration facile pour les auteurs que le poids des productions hollywoodiennes exacerbe pour le pire et le meilleur. Spécificité française, le rapport à l’Amérique est durablement marqué par les vives tensions qui opposent alors Charles DE GAULLE et les dirigeants américains. Une matrice qui marque aussi l’après-guerre et qui à elle seule alimente toujours aujourd’hui des fantasmes et justifie des positionnements pour le moins ambigus. Si le Kremlin qualifie exagérément de façon caricaturale de russophobe tous ceux qui ne partagent pas ses points de vue, il faut reconnaître qu’il existe un vrai anti-américanisme primaire dans certaines couches de la société française, y compris parmi ses élites intellectuelles et politique.

Quand il introduit l’architecture de son livre, Christophe PRIME ne peut qu’interpeller immédiatement le lecteur qui se rend compte que l’Amérique en guerre, ce ne sont pas uniquement que quelques centaines de milliers de GI’s parcourant la globe à la poursuite de leurs adversaires ou le principal fournisseur d’armes de pays en guerre contre les puissances de l’Axe (terme plus approprié qu’arsenal des démocraties car il est quand même difficile de considérer la régime soviétique comme en étant une). En cela, son livre éclaire les questions que rappellent le recueil de contributions dirigé par Claudia SENIK sur la rationalité et la justification morale de la guerre, la nature des interactions stratégiques entre les acteurs du conflit, la mobilisation de la population civile, le consensus (ou pas) au sein de élites, la question des armes et des cibles.

Bref, une lecture passionnante pour la compréhension renouvelée du conflit mais également pour aider à bien capter les enjeux du présent.

A suivre…

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