Ligne de Front n°104 (Caraktère, 2023)

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Un numéro qui s’articule autour de cinq articles traitant de la Seconde Guerre mondiale ou de ses conséquences immédiates. Encore une fois, la présence ostentatoire d’un auteur connu pour ses propos publics (réseaux sociaux et vidéos) à la fois controversés sur l’Ukraine et particulièrement haineux, interroge sur la crédibilité de la ligne éditoriale. Surtout quand ledit auteur fait le lien entre les thématiques de ses contributions et le conflit russo-ukrainien dans la présentation dans ses propres présentations vidéo…

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Présentation

En ouvrant le numéro de fin d’été, le lecteur commence par lire dix pages de billets d’un blog dont l’accès est gratuit (Zone militaire). A une époque d’inflation où de nombreux passionnés doivent faire des choix dans leurs dépenses, le principe même et l’importance de la place ici accordée font quelque peu désordre…

Résistance dans les pays baltes après 1945 !

Nombre de pays de l’Europe de l’Est connaissent une existence particulièrement précaire et dure au XXème siècle en raison de la présence et des ambitions de leurs ambitieux et expansionnistes voisins. La Russie (ou URSS) et l’Allemagne ne cessent en effet de vouloir pousser leurs limites territoriales. Malgré leurs haines idéologiques, les deux dictatures parviennent cependant à s’accorder pour mener à bien leurs désirs d’asservissement des autres à travers le pacte germano-soviétique. Celui-ci, loin de se limiter au seul dépeçage de la Pologne honnie, laisse les mains libres à l’URSS pour s’accaparer plusieurs territoires par la force ou sous la pression, puis d’y mener une politique de nettoyage des oppositions qui n’envie en rien les horreurs du nazisme.

Après la Pologne et la Finlande, les pays baltes font partie de la vague suivante des annexions soviétiques par la force avant même la Bessarabie et la Bucovine. Une posture en tout point similaire à celle du Troisième Reich et de l’Italie fasciste à la même période.

Compte tenu de l’horreur de l’occupation soviétique et de la purge qui s’en suit, il n’est pas étonnant que les Baltes accueillent quelque peu en libérateurs les Allemands qui viennent repousser les précédents envahisseurs. Aveugler par leur sentiment de supériorité, les Allemands sont cependant incapables de mesurer l’opportunité qui s’offre à eux et cassent rapidement l’ambiance de libération, comme d’ailleurs en Ukraine (voir ainsi 39/45 Magazine n°376), en refusant les mouvements nationaux d’exister et de prendre en main leurs propres territoires.

L’impasse de la guerre contre l’URSS puis le reflux vers le point de départ de l’opération Barbarossa place les habitants des contrées concernées dans un dilemme impossible. Certains s’engagent aux côté des Allemands qui finissent par ouvrir en grand les portes de la Waffen-SS à ces opposants au “bolchevisme” qui savent surtout ce qui les attend et veulent défendre leurs terres.

Fait peu connu en Occident et en France, dans les contrées reculées de ces régions, plusieurs milliers de personnes prennent le maquis et mènent une guérilla contre l’Armée rouge et les collaborateurs communistes. Ces rebellions s’éteignent progressivement après quelques années.

Loïc BECKER rappelle ces curieux événements de façon très sommaire et globale. Sans s’attarder sur l’attitude soviétique qui provoque un tel rejet et sur les conditions d’annexion de ces territoires en conséquence du pacte germano-soviétique, il montre que le phénomène de résistance après la fin officielle de la Seconde Guerre mondiale en Europe représente un combat loin d’être anecdotique qui se traduit par plusieurs milliers de morts.

Des laborieuses offensives alliées…

En dépit d’une supériorité matérielle et logistique écrasante, la performance des Alliés à l’Ouest après le Débarquement en Normandie lui-même peut sembler quelque peu laborieuse. L’exemple de la Normandie le montre quelque peu, surtout l’exploitation qui est faite des possibilités d’encerclement et d’anéantissement de l’adversaire. A contrario, la réactivité allemande ne cesse de surprendre.

Sylvain FERREIRA analyse ainsi les combats en Normandie, et plus particulièrement les opérations Cobra et Bluecoat, ainsi que les actions pour border le Rhin (Veritable et Blockbuster en parallèle de Grenade). Le texte est assurément bien construit, structuré, et, chose toujours appréciable, l’auteur indique généreusement ses sources. Pour la boutade (les initiés comprendront), on pourra s’étonner de l’absence de référence à aux ouvrages La campagne du Rhin (Daniel FELDMANN et Cédric MAS) et La course au Rhin (Nicolas AUBIN) pourtant très prolixes (et passionnants) sur les pensées militaires et les doctrines alliées de l’époque.

L’une des raisons de ces succès relatifs repose en effet sur ces “habitudes” culturelles qui privilégient déploiements et préparations méthodiques à l’image des grandes offensives de la Première Guerre mondiale. Il faut dire que les Alliés occidentaux, grâce à l’arsenal inégalé américain, disposent d’une gamme de moyens ne les obligeant ni à faire des choix, ni à se restreindre, ni à compenser leur manque de moyens matériels par du sang. Dans ce cadre, la tentation de privilégier la puissance de feu contre l’adversaire au risque de dévaster un territoire censé être libéré peut sembler afin de préserver ses forces peut paraître un reflexe initial logique, même si problématique ensuite sur l’adhésion des populations durement touchées notamment dans des contextes d’engagement de contre-insurrection ou de contre-terrorisme.

Cependant, les premiers jours de la bataille de Normandie voient un certain nombre de mouvements opérationnels côté britanniques. Ainsi, la 3rd Canadian Infantry Division entame dès le 7 juin 1944 un vaste mouvement de contournement de Caen par Carpiquet avant de se retrouver refoulée par les pointes avancées de la 12. SS-Panzer-Division et adopter une posture défensive. De même l’opération Perch se veut un mouvement osé qui se termine brutalement à Villers-Bocage face à l’arrivée des renforts allemands (schwere SS-Panzer-Abteilung 101 et 2. Panzer-Division).

Après avoir cherché la manœuvre au début du conflit, les Allemands vont tenter de privilégier la supériorité technologique contre leurs adversaires, tandis que les Soviétiques ne sont pas avares du sang de leurs propres hommes pour forcer la rupture et chercher un succès décisif par une succession d’opérations. Que cela soit avec Cobra ou Bagration, les attaquants bénéficient et gèrent leur initiative et parcourent ensuite plusieurs centaines de kilomètres en infligeant des dégâts colossaux à leur adversaire mais non décisif.

… au coup d’arrêt allemand devant Varsovie

Dans les légendes historiques tenaces, il est souvent indiqué que STALINE fait stopper ses chars en vue de Varsovie afin de laisser les Allemands écraser l’insurrection qui vient de débuter. La réalité est quelque peu différente (même si les Soviétiques ne font, à dessein, pas grand chose pour aider les insurgés – voir Les Grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale) puisque le retour défensif allemand permet de donner un coup d’arrêt brutal aux pointes soviétiques quelques semaines après le déclenchement de l’opération Bagration qui pulvérise la Heeresgruppe Mitte. Le sujet est cependant désormais assez bien connu (voir par exemple 39/45 Magazine362).

Dans les références, il manque également l’un des rares ouvrages en français, à savoir celui de Jean LOPEZ sur l’opération Bagration, même s’il faut apprécier le récent From the Realm of the Dying Sun volume 1 de Douglas NASH.

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… et à la lutte informationnelle de la guerre en Ukraine

Les textes en eux-mêmes ne posent pas de difficulté et encore une fois, ils sont plutôt bien ficelés. Ce qui pose question, c’est l’image que l’auteur se forge lui-même (personne ne l’a forcé à tenir des propos abjects et injurieux par ailleurs). Sa contribution à la mission de “réinformation” des opinions appartient (officiellement) désormais au passé en ce qui concerne Sylvain FERREIRA (les vidéos restent cependant accessibles). Elle fait désormais place à un exercice en apparence moins clivant et plus consensuel de présentation de ses travaux historiques. Sauf que ces travaux alimentent directement certains sous-entendus et lien avec l’actualité comme dans la vidéo du 25/08/2023 où l’auteur fait le lien avec les difficultés actuelles avec le “proxy” (sic) actuel des armées américaines et britanniques. Le terme “ukro-nazi” n’est cette fois pas publiquement utilisé, mais tout le monde aura compris que le lien est établi avec la contre-offensive “otano-ukrianienne”. Au-delà de la question historique, il s’agit donc indirectement de démystifier la suprématie occidentale et revaloriser celle de l’armée russe capable de pousser sur plusieurs centaines de kilomètres lors de Bagration et de réaliser des chefs d’œuvre opérationnels. Sans parler de distribuer quelques coups de griffes aux auteurs avec lesquelles un gouffre s’est creusé, pas tant à cause du fond, mais en raison encore une fois des mots employés qui relèvent de l’injure.

Conclusion

On comprendra donc que la suspicion ne peut être désormais que de rigueur en ouvrant les pages de Ligne de Front. Les lecteurs se retrouvent donc insidieusement à savourer une soupe dont ils n’ont pas forcément envie, otages de luttes informationnelles partisanes bien éloignées du plaisir de se plonger dans l’Histoire militaire et ses controverses. Pourtant l’exemple des conflits actuels et plus généralement la période post-1945 peuvent (et doivent) être l’occasion de redécouvrir et d’analyser avec un regard moins conventionnel les interprétations établies de longue date. A condition de savoir prendre du recul et d’adopter en tout temps un comportement qui reste compatible avec un exercice grand public. Certaines images restent malheureusement collées comme le sparadrap du capitaine Haddock.

Voir aussi…

Sommaire

  • Actualités
  • Loïc BECKER, Résister à l’URSS, les frères de la forêt : les pays baltes dans la Seconde Guerre mondiale, l’annexion soviétique, les faux espoirs de l’opération Barbarossa, actions de guérilla après-guerre contre l’Armée rouge, opération Jungle, un soutien occidental affaibli par la trahison de Kim PHILBY (6 pages)
  • Sylvain FERREIRA, Opération “Veritable”, l’assaut du Reichswald : opérations Veritable et Blockbuster en direction du Rhin (16 pages)
  • Sylvain FERREIRA, Opération Wolomin-Radzymin Model contre-attaque ! : coup d’arrêt coordonnée par Walter MODEL des points avancées soviétiques de la 2ème Armée soviétique de Chars devant Varsovie (14 pages)
  • Sylvain FERREIRA, Comment percer en Normandie ? Doctrine, moyens, résultats : analyse des doctrines américaines et britanniques en vigueur au moment de la bataille de Normandie, ilustration avec les opérations Cobra et Bluecoat (22 pages)
  • Nicolas PONTIC, “Jusqu’à la dernière balle, les raisons de la résistance à outrance de la Wehrmacht : redressement militaire allemand après les désastres à l’Ouest et en URSS en 1944, renforcement du contrôle nazi sur l’appareil militaire, terreur et résignation des civils, mobilisation des dernières ressources, impact des perspectives laissées par le plan Morgenthau (10 pages)

Thèmes abordés

Pacte germano-soviétique 1939, Estonie 1939/1941, Lituanie 1939/1941, Lettonie 1939/1941, Estonie 1941, Lituanie 1941, Lettonie 1941, Estonie 1941/1944, Lituanie 1941/1944, Lettonie 1941/1945, Estonie 1944/1991, Lituanie 1944/1991, Lettonie 1945/1991, Opération Jungle 1948/1955, Phil KILBY, Rhin 1944/1945, Opération Veritable 1945, Kleve (Clèves) 1945, Goch 1945, Weeze 1945, Kevelaer 1945, Udem 1945, Kalcar 1945, Reichswald 1945, Hochwald 1945, 1st Canadian Army, Henry CRERAR, XXX Corps, 84. Infanterie-Division, 2. Fallschirmjäger-Division, II. Fallschirm-Korps, 7. Fallschirmjäger-Division, 8. Fallschirmjäger-Division, XLVII. Armee-Korps, 6. Fallschirmjäger-Division, 116. Panzer-Division, 15. Panzergrenadier-Division, 2nd Canadian Infantry Division, 3rd Canadian Infantry Division, 43rd (Wessex) Infantry Division, 51st (Highland) Infantry Division, 53rd (Welsh) Infantry Division, 15th (Scottish) Infantry Division, Guards Armoured Division, 79th Armoured Division, 9th US Army, Opération Grenade 1945, II Canadian Corps, 4th Canadian Armoured Division, 11th Armoured Division, 3rd Infantry Division, Varsovie 1944/1945, Vistule 1944/1945, Walter MODEL, 19. Panzer-Division, Fallschirm-Panzer-Division 1, 5. SS-Panzer-Division, 4. Panzer-Division, 2ème Armée soviétique de Chars, 3. SS-Panzer-Division, schwere Panzer-Abteilung 507, 2. Armee, 9. Armee, 47ème Arme soviétique, XXXIX. Panzer-Korps, 73. Infanterie-Division, IV. SS-Panzer-Korps, Premier Front de Biélorussie, Opération Overlord 1944, Normandie 1944, 21st Army Group, Bernard MONTGOMERY, Opération Cobra 1944, Opération Bluecoat 1944, Poche de Falaise/Trun/Chambois 1944, Second Tactical Air Force, IX US Tactical Air Command, Divisions blindées américaines, Divisions d’infanterie américaines, Divisions blindées britanniques, Divisions d’infanterie britanniques, Allemagne 1944/1945, Unités terrestres allemandes, Wehrmacht, Kriegsmarine, Luftwaffe, Volksturm

Caractéristiques

  • Nombre de pages : 82
  • Langue : Français
  • Couverture : souple
  • Reliure : agrafée
  • Dimensions : 21 x 29,7 cm
  • Prix conseillé France à la date de parution : 7,80 € TTC

Historique de la page

  • Dernière mise à jour : 21/10/2023
  • Création : 25/08/2023

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