Historique
La Waffen-SS est la branche armée de l’organisation SS du III. Reich au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle est officiellement créée le 2 mars 1940 et devient ainsi la quatrième branche militaire du III. Reich aux côtés de la Heer (l’armée de terre), la Kriegsmarine (la marine) et la Luftwaffe (l’armée de l’air) mais sans pour autant dépendre de la Wehrmacht qui regroupe les trois dernières. La Waffen-SS puise initialement ses origines dans :
- La Leibstandarte SS, le détachement de protection d’Adolf HITLER
- La SS-Verfügungstruppen (SS-VT) qui regroupe les SS-Sonderkommandos mis en place dans les principales villes allemandes pour faire office de police auxiliaire dévoué au parti nazi
- Les SS-Totenkopfverbände qui sont en charge des camps de concentration
- L’Ordnungspolizei
Elle prend une place de plus en plus importante au fur et à mesure que le conflit avance et se radicalise avec l’invasion de l’URSS.
Premières fondations
Paul HAUSSER est l’organisateur et l’instigateur de cette branche armée quand il en est nommé inspecteur général le 1er octobre 1936. Avant le déclenchement du conflit, une première division est mise sur pied sous le dénomination de SS-Verfügungstruppen (SS-VT) tandis que grossit la Leibstandarte SS Adolf Hitler qui devient un régiment autonome. A l’issue de l’invasion de la Pologne, la SS-Totenkopf-Division est progressivement formée en octobre 1939 à partir d’éléments en charge de la garde des camps de concentration.
Le 2 mars 1940, la Waffen-SS est officiellement instaurée et devient la quatrième branche de l’armée allemande. Dès lors, elle n’a de cesse de se développer et de lever de nouvelles unités. Elle possède ses propres grades, uniformes et signes distinctifs, des écoles, des centres de dépôts, des unités de combat endivisionnées et autonomes ainsi que des états-majors allant jusqu’à à la taille d’une armée (6. SS-Panzer-Armee et 11. SS-Panzer-Armee) à la fin conflit. Plus la guerre dure, plus les revers s’accumulent, plus Adolf HITLER place sa confiance en des chefs militaires qui partagent la même vision idéologique que la sienne, l’attentat du 20 juillet 1944 confortant davantage cette orientation.
Le virage international
Le 1er décembre 1940, la Waffen-SS amorce son rôle d’armée européenne avec la mise sur pied de la SS-Division Wiking (initialement appelée Germania) formée avec des volontaires “germaniques” originaires initialement du Danemark, de la Norvège, de Hollandais et de Flamands.
L’invasion de l’URSS représente un véritable tournant pour la Waffen-SS. La dimension idéologique de l’affrontement nazisme contre communisme lui permet de capitaliser sur l’image de “croisade contre le bolchevisme” en cherchant à recruter des volontaires issus d’autres nations. C’est ainsi que sont levées les premières légions d’origine étrangère [SS-Freiwilligen-Legion Flandern, SS-Freikorps Danmark, SS-Freiwilligen-Legion Niederlande, SS-Freiwilligen-Legion Norwegen (SS-Norske-Legion)].
Après l’Europe du Nord, l’Europe centrale devient une source de recrutement à partir de 1942 où sont levées plusieurs divisions. Cette même année, la Waffen-SS constitue son premier corps blindé avec ses trois divisions historiques (Leibstandarte, Das Reich, Totenkopf) qui se sont considérablement étoffées depuis le début de la guerre au point de devenir de véritables divisions blindées dotées chacune d’une compagnie du nouveau char lourd Panzer VI Ausf. E Tiger. Alors que le III. Reich est traumatisé par la défaite de Stalingrad et la destruction de la 6. Armee, le SS-Panzer-Korps remporte une victoire essentielle à Kharkiv en mars 1943 sous la direction de Paul HAUSSER. Alors que les débuts au combat de la Waffen-SS ont pu paraître laborieux aux yeux des états-majors traditionnels de l’armée allemande, la démonstration est enfin faite que seule une armée politisée peut venir à bout de l’Armée Rouge. Cette illusion est cependant bien courte, l’impossibilité de remporter la décision à Koursk en juillet 1943 lors de l’opération Zitadelle démontrant que la politisation des unités ne fait pas tout. Cependant, instruction est donnée de former de nouvelles unités qui sont amenées à jouer un rôle de premier plan dans toutes les principales opérations des deux dernières années du conflit (Hohenstaufen, Frundsberg, Nordland, Hitlerjugend, Reichsführer SS, Götz von Berlichingen). Pour alimenter les besoins liés aux nouvelles unités et aux pertes à remplacer, les critères de volontariat, physiques et ethniques sont abaissés : de plus en plus de conscrits sont envoyés directement dans les rangs de la Waffen-SS.
L’année 1943 représente également un autre tournant pour la Waffen-SS puisqu’une division musulmane est créée (13. Waffen-Gebirgs-Division der SS Handschar) avec des volontaires et des conscrits croates et bosniaques. Si la mise sur pied est compliquée compte tenu de l’écart culturel qui existe entre les hommes et l’encadrement allemand, elle ouvre cependant les portes à un recrutement beaucoup plus large faisant fi des standards raciaux initiaux et liés à l’idéologie nazie. La Waffen-SS récupère ainsi la main-mise sur quasiment tous les contingents étrangers se battant aux côtés des Allemands (français, wallons, hindous, britanniques, serbes, lituaniens, estoniens, lettons) et sur les Osttruppen, n’hésitant pas à siphonner des contingents et des cadres de l’armée traditionnelle.
Valeur militaire
Très inégales, les unités de la Waffen-SS ont des résultats allant du très mauvais au très bon. Grâce à quelques personnalités, les premières unités se professionnalisent rapidement après leurs premiers engagements opérationnels en Pologne et à l’Ouest en mai et juin 1940. L’endoctrinement et le fanatisme poussent également certaines unités à se sacrifier pour des résultats pas toujours au niveau des pertes consenties. Les faits d’armes sont cependant liés à un nombre restreint de divisions qui ne peuvent éviter le délitement à la fin du conflit. Le manque d’efficacité et l’échec des 1. SS-Panzer-Division et 12. SS-Panzer-Division dans les Ardennes en témoignent.
Les Waffen-SS sont de tous les combats décisifs des dix-huit derniers mois de la guerre, en particulier en Normandie, face à Market-Garden, dans les Ardennes, à Budapest, en Poméranie, sur le Lac Balaton, à Vienne et à Berlin. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de la Seconde Guerre mondiale de voir la capitale du III. Reich défendue finalement par de multiples contingents d’origine européenne combattant sous l’uniforme SS. Cette situation ne sera pas sans conséquence sur les tentatives de récupération et de transformation de l’image de la Waffen-SS après 1945 en pleine Guerre froide et en plein essor de la construction européenne.
Au total, ce sont trente-huit divisions, sans compter deux à l’existence éphémère dont le numéro est repris immédiatement, qui sont levées au cours du conflit et plus d’un million d’hommes qui servent sous l’uniforme SS. Ses effectifs sont multipliés par dix entre 1940 et fin 1944. La quantité n’est pas gage de qualité et la Waffen-SS apparaît comme un ensemble très hétéroclite où le meilleur côtoie le pire. En fait, seules quelques unités s’illustrent militairement parlant, même si elle perdent elles aussi beaucoup d’efficacité à la fin de la guerre (à l’image de la 12. SS-Panzer-Division Hitlerjugend dans les Ardennes en décembre 1944). La Waffen-SS est tentaculaire à la fin de la guerre. Sept nouvelles divisions sont prévues d’être constituées mais la capitulation allemande empêche leur mise sur pied. Une branche aérienne (SS-Flieger) est aussi en gestation sur la base de Bachem BA 349 Natter. Le programme balistique allemand passe dans le giron de la Waffen-SS à l’été 1944.
Il n’en reste pas moins que la Waffen-SS est profondément marquée par l’idéologie nazie et qu’elle se rend coupable de très nombreuses exactions. Elle est impliquée de façon répétée dans des crimes de guerre, tant en URSS, dans les Balkans et à l’Ouest que ce soit en 1940 ou en 1944/1945. La Waffen-SS cesse naturellement d’exister avec la chute du III. Reich et plusieurs de ses hommes et responsables sont traduits en justice pour crimes de guerre.
Postérité
Intimement liée au régime, la Waffen-SS bénéficie d’une couverture médiatique renforcée proportionnellement bien supérieure à son poids militaire réel. Son engagement dans quelques combats clefs du conflit en Europe lui offre un rayonnement historiographique important mais disproportionné par rapport à sa représentativité réelle sur les champs de bataille. Le nombre de publications sur la Waffen-SS symbolise également le biais germanique récurrent qui habite l’historiographie des opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale en Europe, même si, là encore, ce sont généralement toujours les mêmes unités et périodes qui sont abordées.
Après-guerre, ses anciens combattants se retrouvent au sein d’une puissante association [Hilfsgemeinschaft auf Gegenseitigkeit der Soldaten der ehemaligen Waffen-SS (HIAG)] qui édite un journal (der Freiwillige) de 1956 à 2014. La Guerre froide et le besoin de remettre sur pied une armée en République Fédérale allemande engendre une certaine tolérance vis-à-vis des anciens qui peuvent s’exprimer plus librement et ouvertement, n’hésitant pas à contribuer à construire l’image erronée d’une armée allemande propre et à faire de la Waffen-SS une branche armée comme une autre niant ainsi son caractère politique pourtant clairement affirmé lors du recrutement et par la propagande. La disparition progressive des anciens responsables, la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS permettent une prise de recul qui aboutit à des analyses historiques beaucoup plus équilibrées et nuancées.
Historiographie
L’ouvrage de Jean-Luc LELEU fournit une synthèse exhaustive de la Waffen-SS en ne s’intéressant pas qu’aux combats et aux unités. Son livre analyse le phénomène dans son ensemble.
La littérature concernant les unités elles-mêmes est beaucoup plus étoffée, même si ce sont généralement toujours les mêmes qui reviennent. Les ouvrages de Jean MABIRE donnent un côté romanesque à ces hommes et une facilité de lecture qui n’est pas pour rien dans leur idéalisation. Les Editions Heimdal proposent un premier dictionnaire historique en 1998 qui propose une notice pour chacune des divisions constituées de la Waffen-SS au cours de la guerre ainsi que des corps d’armée et armées estampillés SS. Cet ouvrage est complété par un dictionnaire rédigé par Charles TRANG en quatre volumes dont le premier paraît en 2011. Les notices des divisions sont étoffées et intègrent les grands commandements ainsi que toutes les unités non endivisionnées.
Plusieurs historiques de divisions sont régulièrement proposés, mais tournent très souvent autour du triptyque Leibstandarte, Wiking et Hitlerjugend. Les autres unités sont traitées beaucoup plus rarement (la Division Handschar de Xavier BOUGAREL fait exception). L’engagement des divisions blindées de la Waffen-SS en Normandie est surexploité tout comme celui de la Kampfgruppe Peiper dans les Ardennes.
L’évocation des projets de la Waffen-SS à la fin du conflit est beaucoup plus rare et il faut se référer à Wehrmacht 46, l’arsenal du Reich volume 2 pour en savoir plus les divisions en projet et les diversifications dans la SS-Flieger et même les missiles balistiques.
Les études générales dans la presse magazine spécialisée sont plus rares. En 2007, Ligne de Front n°3 propose un dossier bien développer sur les origines et le développement de la Waffen-SS. Vincent BERNARD propose également un dossier en quatre parties, dont trois consacrées aux engagements militaires, dans 2e Guerre Mondiale thématique n°26 en 2011.
Références connexes
Voir aussi…
- Article Waffen-SS de Wikipédia en français
Bibliographie
Livres
- Georges BERNAGE & François de LANNOY, Dictionnaire historique Luftwaffe & Waffen-SS [Heimdal, 1998]
- Bruce CULVER, Panzer Colours 3 [Arms and Armour Press, 1984]
- Yann MAHE, Xavier TRACOL & Laurent TIRONE, Wehrmacht 46, l’arsenal du Reich, volume 2, Luftwaffe, Kriegsmarine, Waffen-SS, armes nucléaires… [Caraktère, 2018]
- Benoît RONDEAU, Être soldat de Hitler [Perrin, 2019]
- Benoît RONDEAU, L’armée d’Hitler [Ouest-France, 2017]
- Charles TRANG, Dictionnaire de la Waffen-SS, volume 4 [Heimdal, 2012]
- Charles TRANG, Dictionnaire de la Waffen-SS, volume 3 [Heimdal, 2011]
- Charles TRANG, Dictionnaire de la Waffen-SS, volume 2 [Heimdal, 2011]
- Charles TRANG, Dictionnaire de la Waffen-SS, volume 1 [Heimdal, 2011]
Magazines et périodiques
- Georges JERÔME, SS-Oberst-Gruppenführer und Generaloberst der Waffen-SS Paul Hausser (1880-1972), porte-parole et commandant de “ses” Waffen-SS [39/45 Magazine n°376 (Heimdal, 2022)]
- Georges JERÔME, SS-Obergruppenführer und General der Waffen-SS Wilhelm Bittrich (1894-1979), in 39/45 Magazine n°357 (Heimdal, 2019)
- Matthieu LONGUE, SS-Hauptscharführer Hans Siptrott (3ème partie), chef de groupe de mitrailleurs dans la Leibstandarte SS Adolf Hitler (1941) [39/45 Magazine n°369 (Heimdal, 2021)]
- Matthieu LONGUE, SS-Hauptscharführer Hans Siptrott (1ère partie), prémices d’une carrière dans la Waffen-SS (1938-1938) [39/45 Magazine n°367 (Heimdal, 2021)]
- Nicolas PONTIC, Infanterie greift an ! Les divisions d’infanterie allemandes au combat [Ligne de Front hors-série n°47 (Caraktère, 2022)]
- Nicolas PONTIC, Les derniers feux de la Waffen-SS, de la Hongrie à Berlin [Ligne de Front hors-série n°39 (Caraktère, 2020)]