Présentation
80 ans après la défaite française de 1940 et 75 ans après celle du III. Reich, voilà enfin une biographie (en français de plus) de l’un des principaux commandants opérationnels de la Wehrmacht de 1939 à 1945. L’exercice est d’autant plus méritoire que les sources premières sur l’homme sont rares. Mais cela n’empêche pas son auteur Laurent SCHANG de nous en faire un portrait complet et éloquent qui apporte une pierre essentielle à l’historiographie de l’avènement du III. Reich, de la faillite morale de l’un de ceux qui aurait dû être un garde fou comme doyen de l’armée dans les années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale. Certainement moins convaincu politiquement que certains de ses plus jeunes collègues (il est cependant difficile de savoir ce qu’il pensait réellement), n’aspirant qu’à une retraite paisible, il se retrouve en première ligne et se laisse manipuler par HITLER sans réellement résister. Un destin accepté faute de caractère pour se rebeller.
Le chaînon manquant ?
Depuis 1945, l’historiographie des principaux responsables militaires allemands de la Seconde Guerre mondiale se concentre sur quelques acteurs seulement. Choisis généralement en raison de la matière qu’ils ont laissée ou de leurs autobiographies, ce sont généralement des plaidoyers pro domo ou biaisés jusqu’à ces dernières années. Le mythe de la Wehrmacht propre vient de là avec une certaine duplicité des alliés occidentaux.
Laissant très peu d’écrit et s’exprimant finalement peu sur ses sentiments, il faut donc analyser la vie de von RUNDSTEDT et croiser des informations indirectes pour recréer le parcours du personnage. Type même du Prussien aristocratique, hautain mais distingué et classieux, celui-ci semble incompatible avec Adolf HITLER. Et pourtant… Il joue un rôle clef dans les années qui précèdent immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Avec BLUMENTRITT et von MANSTEIN, il sort de sa retraite pour relire le plan d’invasion de la Pologne et l’améliorer à la demande expresse d’Adolf HITLER qui lui confie également le commandement d’une Heeresgruppe. Il participe ensuite aux opérations à l’Ouest (son groupe d’armées est en charge de la percée des Ardennes) puis en URSS. Démis de ses fonctions fin 1941, il reprend du service à l’Ouest, d’abord pour se préparer contre le Débarquement allié qui y est attendu, puis contre lui. Démis une nouvelle fois, il est rappelé un peu plus tard. Mais avant, il doit présider la cour qui doit juger les militaires qui ont trempé dans l’attentat du 20 juillet 1944 et représenter Adolf HITLER à l’enterrement d’Erwin ROMMEL…
Von RUNDSTEDT serait-il l’une des pièces manquantes du puzzle ? Assurément. Il est à la fois actif et passif. Drapé dans son devoir d’obéissance, il symbolise la soumission, la complicité et la duplicité de tout un peuple, de son armée en particulier. Difficile à comprendre à notre époque, mais beaucoup moins en essayant de comprendre son éducation et son caractère.
Un Gamelin allemand ?
Très bien formé par ses études militaires et son parcours, von RUNDSTEDT n’est ni un génie militaire, ni un leader né. Son autorité naturelle, sa capacité de synthèse et de prise de recul en font un parfait homme d’état-major. Cette distance volontaire avec le terrain, il la partage avec son adversaire français Maurice GAMELIN. Sauf qu’à la différence de celui-ci, von RUNDSTEDT sait s’entourer d’esprits brillants qu’il sait faire travailler ensemble, qui s’épanouissent avec lui et et qu’il laisse s’exposer. MANSTEIN en est un exemple.
Mais dans les moments où tout s’écroule, où il faut que le chef descende dans l’arène pour donner l’impulsion qu’il est le dernier à pouvoir faire, il n’est pas là, il ne peut plus être là : trop âgé, diminué par des soucis de santé et probablement blasé voire fataliste comme nombre de ses pairs. A l’Ouest, face au débarquement allié qui se précise, il est bien en peine de faire bouger significativement les lignes à la différence d’un ROMMEL beaucoup plus disruptif. Quand l’heure n’est plus à la distanciation et à la réflexion, mais à l’urgence, von RUNDSTEDT comme GAMELIN est dépassé et incapable de peser sur les événements.
Un autre angle de vue sur les principales opérations militaires
Analyser l’invasion de la Pologne, l’opération Fall Gelb, la percée des Ardennes, la course à la Manche, l’opération Barbarossa, le Mur de l’Atlantique (Atlantikwall), la lutte contre le débarquement allié et la situation à l’Ouest en 1944 du point de vue de von RUNDSTEDT offre des perspectives nouvelles. Alors que la stratégie de ROMMEL pour faire face au débarquement allié est généralement mise en avant dans l’historiographie (voir Countdown to D-Day, The German High Command in Occupied France, 1944), Laurent SCHANG se garde bien de privilégier l’une des deux alternatives qui s’opposent au sein des états-majors allemands de l’époque. Force est de constater que von RUNDSTEDT et ROMMEL ne trouvent pas l’osmose, à la différence du travail réalisé avec von MANSTEIN pour préparer les opérations militaires en Pologne et en France en 1939 et 1940.
A défaut d’être visionnaire et disruptif, il possède un indéniable coup d’œil pour identifier ce qui ne va pas opérationnellement et évaluer les risques potentiels au point de parfois être trop prudent. Le portrait dressé est celui d’un réaliste et d’un professionnel qui ne fait que remplir son contrat sans se poser de question existentielle.
Cette biographie, remarquablement construite et présentée (elle se dévore), est donc indispensable pour comprendre comment l’Allemagne bascule dans le III. Reich et comment son armée et ses cadres se soumettent à la volonté de HITLER. Elle rappelle que nous avons besoin d’étudier encore davantage les décisionnaires de cette époque, que ce soit en Allemagne, mais aussi en France. Des livres comme celui sur Pierre HERING ou sur les chefs militaires français et la politique étrangère de 1935 à 1939 font sortir des situations et des cas de conscience beaucoup plus complexes qu’il n’y parait.
L’auteur sait être factuel, ni complaisant, ni à charge. A chaque lecteur de porter son propre jugement.
Au-delà de l’aspect historique, le parcours de von RUNDSTEDT est une source de réflexion pour tous ceux qui ont des responsabilités et qui doivent un jour arbitrer entre le confort d’exécuter professionnellement ce qui leur est ordonné ou le risque de prendre position voire d’entrer en sécession.
Thèmes abordés
Sommaire détaillé
- Introduction, le prisonnier n°816209
- Un officier issu de la pure tradition prussienne
- D’un front à l’autre
- L’épée affilée, le bouclier brillant
- « Befehl ist Befehl »
- Si vis bellum, para bellum !
- Le Fall Gelb : plan Rundstedt-Manstein ou pla Brauchitsch-Halder ?
- La campagne des miracles
- « L’immensité de la russie nous dévoreé
- Le second intermède francilien
- Runstedt s’efface
- Annexes
- Notes
- Bibliographie
- Index
- Remerciements
Caractéristiques
- ISBN : 9782626043216
- Nombre de pages : 396
- Langue : Français
- Couverture : souple
- Reliure : collée
- Dimensions : 14 x 21 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 24 € TTC
Historique de la page
- 27/11/2022 : création à partir de l’article publié initialement le 07/02/2020