Table des matières
Recension
Projecteur sur un angle mort historiographique
A l’issue de l’opération Zitadelle, les Allemands passent définitivement sur la défensive en URSS. De Leningrad à la Mer d’Azov, le front s’enflamme et l’Armée rouge presse partout. Rjev représente bien évidemment le premier danger sur les arrières immédiats de la pince nord de l’offensive avortée sur Koursk. Mais durant six mois, une gigantesque bataille se déroule en Ukraine à partir de la ligne tracée par le Donets et le Mious qui marquent le ligne de front depuis mars 1943, et le Dniepr qui représente la dernière grande barrière naturelle avant le Boug, point de départ de l’opération Barbarossa le 22 juin 1941 dans la moitié Sud du front. Egalement, l’avance soviétique permet d’isoler la 17. Armee en Crimée, obligée de s’y maintenir pour des motifs à la fois géopolitiques (influence sur la Turquie) et militaires (contrôle de la Mer Noire).
Comme l’ensemble des combats entre l’opération Zitadelle et l’opération Bagration, l’affrontement pour la possession de l’Ukraine orientale attire peu l’attention. Pourtant, tout le second semestre 1943, les forces allemandes et soviétiques se livrent un combat sans merci. Le résultat est à l’avantage de l’Armée rouge car il marque une étape importante dans la reconquête des territoires perdus depuis 1941. Mais il montre aussi l’effort et les sacrifices qui restent à faire pour venir à bout de la Wehrmacht qui demeure encore une très solide force combattante.
L’historiographie tend également à intégrer les combats de l’été 1943, notamment sur le Mious et pour Kharkiv dans un ensemble opérationnel qui inclut l’opération Zitadelle conformément d’ailleurs à la vision côté russe (voir le Koursk de Jean LOPEZ et le Koursk 1943 de Roman TÖPPEL). L’ensemble parait en effet bien lié.
Avec Retribution, Prit BUTTAR complète son étude sur les combats en Ukraine durant la Seconde Guerre mondiale. Il s’insère après On A Knife’s Edge qui détaille les combats à partir du lancement de l’opération Uranus en novembre 1942 au rétablissement opéré par von MANSTEIN en mars 1943 avec la reconquête de Kharkiv et de Belgorod. Il précède The Reckoning qui s’intéresse aux combats menés en 1944 jusqu’à la reprise totale du contrôle de l’Ukraine par l’URSS qui se retrouve à la frontière roumaine en août 1944.
Rendre intelligible un théâtre d’opérations d’un million de km2
Ce livre parvient à rendre intelligible ces six mois de combat. Dans un style fluide, il aborde les points critiques les uns après les autres avec une réelle volonté pédagogique pour décrire la situation des deux camps, leurs intentions et la situation des belligérants.
Les affrontements peuvent se résumer en ces phases successives :
- L’attaque soviétique à travers le Mious à partir du 17 juillet 1943
- L’opération Roumiantsev à partir du 3 août 1943 dans le secteur de Belgorod qui aboutit à une percée en direction d’Okhtyrka et de Bohodoukhiv découvrant tout le nord de Kharkiv
- Les combats pour Okhtyrka et Bohodoukhiv en août 1943 qui empêchent l’enveloppement du front allemand à Kharkiv voire plus au sud
- La prise de Kharkiv le 23 août 1943
- Le repli allemand sur Dniepr à partir du Donbass
- Les combats sur le Dniepr au sud de Kiev (Krementchouk, Zaporijia, Myshuryn Rih) et l’exploitation en direction de Kryvyï Rih
- L’échec de la sortie de la tête de pont de Velykyj Bukrin et la percée au niveau de celle de Lyutizh sur le Dniepr au nord de Kiev qui permet la reprise de la capitale de l’Ukraine par l’Armée rouge le 5 novembre 1943
- L’exploitation soviétique en direction de Jytomyr
- Les combats pour la tête de pont de Nikopol fin 1943
Même si les Soviétiques prennent désormais clairement l’ascendant sur les Allemands, cette période de n’en reste pas moins passionnante car encore relativement équilibrée. De puissantes formations s’opposent de chaque côté. Malgré la violence des chocs, les mouvements de rocade et les manœuvres restent prépondérantes. L’Armée rouge consent à des pertes particulièrement conséquentes tout au long de cette période, mais elle use la Wehrmacht qui ne possède pas les mêmes moyens pour se regénérer.
1943, c’est un peu le verre à moitié vide ou à moitié plein pour les deux camps. D’un côté, l’Armée rouge continue son montée en puissance, mais elle ne parvient pas à défaire définitivement l’armée allemande à l’Est. Ses victoires sont acquises au prix de très lourdes pertes. Mais elle efface la moitié des gains territoriaux allemands obtenus en 1941 en isolant la Crimée, en libérant Smolensk et Kiev et en forçant la grande barrière naturelle que représente le Dniepr. Pour les Allemands, 1943 symbolise leur impuissance à reprendre victorieusement une offensive stratégique comme en 1941 et 1942.
L’espoir d’une victoire finale du III. Reich s’envole définitivement d’autant plus que les Alliés prennent pied en Italie, que la menace à l’Ouest se fait grandissante et que le territoire national est soumis à des bombardements aériens de plus en plus violents et dévastateurs. Si Kharkiv au printemps laisse espérer la possibilité de développer une stratégie intermédiaire faite de défense élastique et de contre-attaques vigoureuses, les combats autour de Jytomyr montrent la limite de ce concept. En fin d’année, la Wehrmacht n’est plus non plus capable de rééditer son exploit du printemps. La grande barrière naturelle que représente le Dniepr est enfoncée. 1944 s’annonce mal pour les Allemands qui pour le moment ont quand même évité tout effondrement définitif.
Un récit opérationnel mais aussi humain
Prit BUTTLAR, outre le fait de clarifier cet enchainement d’opérations, montre également que la force de l’Armée rouge réside en sa capacité de lancer des attaques par de multiples unités tandis que les allemands concentrent leur puissance au sein de quelques divisions seulement. Ces dernières, ultra sollicitées tout au long du second semestre 1943, voient leur force se dissoudre inexorablement malgré l’apport de matériels plus puissants. La qualité des remplacements en effectifs se ressent également.
Le récit se concentre sur les grandes unités (armées et corps d’armées) mais sait plonger au niveau divisionnaire, voire moins, quand il s’agit de faire comprendre l’influence de certaines actions sur le déroulement plus général des opérations. Mais il n’oublie pas d’aborder la question de la terre brûlée menée par les Allemands ainsi que les conditions vécues par la population civile. Les préjugés raciaux et les atrocités commises par les Allemands dès leur arrivée ne leur permet pas d’acquérir l’adhésion de la population pourtant peu disposée à soutenir pouvoir bolchevique qui l’a volontairement affamée dans les années 1930.
Format
Avec près de cinq cent pages, Retribution représente assurément un pavé, même si une trentaine de pages sont réservées aux notes, à la bibliographie et à un utile index. Un cahier photos de seize pages trouve sa place en encart central avec une proportion équilibrées entre les sujets concernant les deux camps.
Vingt cartes filaires en noir & blanc parsèment le livre. Assez simples, elles permettent de visualiser certains mouvements ou des positions initiales. En point d’amélioration, il aurait bien d’avoir des cartes de l’ensemble du front à intervalle régulier, voire une carte générale non reliée permettant de l’avoir en permanence au cours de la lecture.
Thèmes abordés
- Périodes : Seconde Guerre mondiale 1939/1945, Europe 1939/1945
- Fronts : URSS 1941/1945
- Batailles : Mious 1943, opération Roumiantsev 1943, Belgorod 1943, Donbass 1943, Donets 1943, Okhtyrka 1943, Bohodoukhiv 1943, Kharkiv IV 1943, Dniepr 1943/1944, Krementchouk 1943, Zaporijia 1943, Myshuryn Rih 1943, Kiev 1943, Kryvyï Rih 1943, Velykyj Bukrin 1943, Lyutizh 1943, Jytomyr 1943, Nikopol 1943/1944, Crimée 1943/1944
- Unités : Heeresgruppe A, Heeresgruppe Süd, 1. Panzer-Armee, 4. Panzer-Armee, 6. Armee, 8. Armee, 17. Armee, II. SS-Panzer-Korps, III. Panzer-Korps, XXIV. Panzer-Korps, XXXX. Panzer-Korps, XXXXVII. Panzer-Korps, XXXXVIII. Panzer-Korps, IV. Armee-Korps, XI. Armee-Korps, XXXXII. Armee-Korps, XXXXIX. Armee-Korps, SS-Panzergrenadier-Division Das Reich, SS-Panzergrenadier-Division Totenkopf, SS-Panzergrenadier-Division Wiking, Panzergrenadier-Division Grossdeutschland, 1. Panzer-Division, 3. Panzer-Division, 6. Panzer-Division, 7. Panzer-Division, 8. Panzer-Division, 9. Panzer-Division, 11. Panzer-Division, 14. Panzer-Division, 19. Panzer-Division, 23. Panzer-Division, 24. Panzer-Division, 25. Panzer-Division, 10. Panzergrenadier-Division, 16. Panzergrenadier-Division, 20. Panzergrenadier-Division, 18. Artillerie-Division, 167. Infanterie-Division, 168. Infanterie-Division, 306. Infanterie-Division, 320. Infanterie-Division, Premier Front d’Ukraine, Deuxième Front d’Ukraine, Troisième Front d’Ukraine, Front du Sud-Ouest, Quatrième Front d’Ukraine, 1ère Armée soviétique de Chars de la Garde, 3ème Armée soviétique de Chars de la Garde, 5ème Armée soviétique de la Garde, 5ème Armée soviétique de Chars, 6ème Armée soviétique de la Garde, 7ème Armée soviétique de la Garde, 8ème Armée soviétique de la Garde, 27ème Armée soviétique, 37ème Armée soviétique, 38ème Armée soviétique, 40ème Armée soviétique, 44ème Armée soviétique, 53ème Armée soviétique, 57ème Armée soviétique, 60ème Armée soviétique
- Biographies : Hermann BALCK, Adolf HITLER, Sigfrid HENRICI, Hermann HOTH, Mikhail KATUKOV, Ivan KONIEV, Rodion MALINOSKI, Erich von MANSTEIN, Friedrich von MELLENTHIN, Kirill MOSKALENKO, Erhard RAUS, Pavel ROTMISTROV, Josef STALINE, Alexander VASILEVSKY, Nikolai VATUTIN, Kurt ZEITZLER, Georgi JOUKOV
Sommaire détaillé
- List of Maps
- Author’s Note
- Dramatis Personae
- Introduction
- Summer 1943: The Decisive Shift
- The Mius
- Operation Polkovodets Rumyantsev
- Akhtyrka and Bogodukhov
- Hkarkov
- Attrition: From the Mius and Donets to the Dnepr
- The Dnepr Bridgeheads
- Krivoy Rog
- Kiev and Zhitomir
- Year’s End
- A Year of Decision
- Notes
- Bibliography
- Index
Caractéristiques
- ISBN : 9781472835321
- Nombre de pages : 480
- Langue : Anglais
- Reliure : Reliée, couverture rigide avec jaquette
- Dimensions : 16 x 24 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : N/A
