Présentation
Racisme systémique
Les collectionneurs de photos de vétérans allemands de la campagne de France de mai et juin 1940 le constatent. Les soldats coloniaux de l’empire français attirent les objectifs ainsi que les légendes plus que douteuses sur ces combattants de « couleur » et plus généralement sur l’armée française coupable d’employer de telles ressources. Les clichés témoignent d’un racisme ordinaire et d’un sentiment de supériorité affirmé. Mais cela ne s’arrête pas à des images ou des mots uniquement. Il y a aussi les actes… Et là, l’historiographie est de suite plus floue, moins palpable.
En effet, les crimes de guerre à l’encontre des troupes coloniales sont nombreux. En termes de nombre de victimes et en occurrences. C’est donc bien une violence systémique et non pas un acte isolé que décortique ce livre de Thierry CHION. Un voile levé sur un bout d’histoire de la campagne de France de 1940. Si les Anglais n’ont pas oublié les victimes de Paradis qu’ils honorent, les soldats coloniaux sont des victimes et des oubliés. Victimes des Allemands bien sûr, seuls coupables des meurtres et des crimes de guerre. Mais oubliés des Français. Ceux des générations de la guerre, prompts à tourner la page de la défaite en refoulant tout ce qui peut avoir trait à cette période pour ne vénérer que la Résistance. Ainsi que ceux des générations plus contemporaines oscillant entre refoulement du passé colonial de la France ou condamnation sans fin son rôle colonisateur. Au final, le résultat est le même. Les soldats morts au combat et/ou assassinés par l’ennemi sont oubliés. Une seconde mort en quelque sorte.
Avant de décrire les faits, Thierry CHION décortique les ressorts de l’attitude allemande qui puise ses racines dans les figurations collectives de la Première Guerre mondiale puis de l’occupation de la Rhénanie où la présence de troupes coloniales est vécue par la population locale comme une double humiliation dans l’état d’esprit de l’époque. Expliquer ne veut pas dire excuser, mais l’exercice est cependant indispensable. L’auteur s’en tire d’ailleurs très bien. L’exemple des propos de Walther NEHRING alors chef d’état-major de Heinz GUDERIAN est clair. Il témoigne d’une attitude loin de ne concerner que des d’unités de la Waffen-SS. Mais bien d’unités régulières et de personnalités qui seront ensuite mises en avant après-guerre.
L’auteur fournit une liste des massacres recensés durant la bataille de France, quels que soient leurs auteurs. Force est de constater que les victimes sont essentiellement des troupes coloniales.
Avant les massacres, les combats !
Sur les événements eux-mêmes et plus généralement les combats qui les entourent, le livre aborde les épisodes d’Aubigny (4ème Division d’Infanterie Coloniale versus 13. Infanterie-Division (mot.)), de Condé-Folie / Hangest-sur-Somme / Quesnoy-sur-Airaines / Longpré-les-Corps-Saints (5ème Division d’Infanterie Coloniale versus 7. Panzer-Division), de Crouy-Saint-Pierre (5ème Division d’Infanterie Coloniale versus 46. Infanterie-Division), d’Airaines (5ème Division d’Infanterie Coloniale versus 2. Infanterie-Division (mot.) qui prend la suite de la 7. Panzer-Division et où le capitaine Charles N’TCHORERE prisonnier est abattu d’une balle dans la tête par un officier allemand), d’Erquinvillers (4ème Division d’Infanterie Coloniale versus Infanterie-Regiment (mot.) Groβdeutschland), de Dromesnil (5ème Division d’Infanterie Coloniale versus 5. Panzer-Division), de Vernon (5ème Division d’Infanterie Coloniale versus 46. Infanterie-Division), de Saint-Sauveur-le-Vicomte (27ème RICMS rattaché à la 28ème Division d’Infanterie Alpine versus 7. Panzer-Division). Outre la question de massacre, le texte laisse apparaître un esprit farouche de résistance. Là aussi, une réalité bien loin de l’imaginaire d’une armée française se débandant du premier au dernier jour de la bataille.
Conclusion
Ces quelques deux cent pages ont le grand mérite de décrire les faits mais aussi de les replacer dans leur contexte. Par le texte et la force des images, ces hommes trouvent une juste place dans le panthéon des soldats français de 1940, vaincus mais point lâches et couards.
Un ouvrage essentiel à la connaissance de la bataille de France (et plus particulièrement des combats sur la Somme et l’Oise dans les premiers jours de Fall Rot) et de l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.
Thèmes abordés
- Batailles : Somme 1940, Oise 1940
- Unités : 4ème Division d’Infanterie Coloniale (DIC), 5ème Division d’Infanterie Coloniale (DIC), 28ème Division d’Infanterie Alpine (DIA), 2. Infanterie-Division (mot.), 13. Infanterie-Division (mot.), 46. Infanterie-Division, 5. Panzer-Division, 7. Panzer-Division
Sommaire détaillé
- Avant-propos
- De la mobilisation au 10 mai 1940
- Premiers combats de mai 1940, premiers massacres
- 5 juin 1940, massacres au sud de la Somme
- 6 et 7 juin 1940, le défenseur d’Airaines tué
- Du 5 au 10 juin 1940, sur le front de la 4ème DIC
- Du 7 au 10 juin 1940, sur le front de la 5ème DIC
- Jusqu’à la Seine
- Troupes coloniales dans l’Eure
- L’indifférence générale en Seine-Maritime
- Derniers engagements des « Sénégalais » en Normandie
- Des massacres partout en France
- Bibliographie, remerciements
Caractéristiques

Historique de la page
- 07/01/2023 : création sur la base de l’article du 28/12/202