Impressions d’Ukraine (I) – Le premier jour…

24 février 2022, Vladimir POUTINE ordonne à son armée d’envahir l’Ukraine, pays voisin, après des mois de préparation, de concentration de forces et de tensions diplomatiques. C’est le début d’une guerre conventionnelle de haute intensité comme le continent européen n’en a pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit également du premier conflit symétrique entre armées modernes depuis la première guerre du Golfe en 1990/1991 et de l’invasion de l’Irak en 2003 par les Etats-Unis même si le rapport de force n’était déjà plus le même que treize ans auparavant. De quoi nourrir nombre comparaisons, d’établir des parallèles, mais aussi d’éclairer le passé à la lumière du présent. Pour ce premier article, retour sur l’importance du premier jour avec un parallèle entre les débuts de l’offensive russe et Fall Gelb le 10 mai 1940…

Ukraine 2022

Les intentions russes semblent être connues depuis longtemps des Etats-Unis qui choisissent d’alerter bruyamment la communauté internationale. De son côté, l’Ukraine tente de dédramatiser la situation afin de ne pas fournir un prétexte à son puissant voisin qui le menace et avec lequel il est en guerre larvé depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Malgré les avertissements occidentaux, Vladimir POUTINE lance ses troupes à l’assaut de l’Ukraine dans la nuit du 23 au 24 février 2022.

Personne n’accorde officiellement beaucoup de chance à l’armée ukrainienne en cas d’affrontement avec l’armée russe. Les positions de départ paraissent très avantageuses (un peu comme au début de l’invasion de la Pologne le 1er septembre 1939) et le rapport de force bien disproportionné. Les spécialistes s’accordent également à dire que l’armée russe s’est largement améliorée depuis son engagement en Tchétchénie et s’est bonifiée en Syrie, alors que l’armée ukrainienne n’a pas su se transformer réellement.

Mais, surprise, les forces ukrainiennes résistent et réagissent. L’impossibilité des Russes à sécuriser l’aéroport de Hostomel après sa prise par un assaut héliporté contrarie l’acheminement de renforts puis la poussée des forces terrestres vers la capitale ukrainienne, Kyiv (Kiev). Les commandos envoyés dans la ville peuvent ainsi être neutralisés. Le 25 février 2022, les Ukrainiens tiennent toujours leur capitale et l’échec de ce qui devait être le choc initial pour rapidement renverser le régime est clairement un échec. Malgré le communiqué victorieux des forces russes en fin journée, il semble déjà que quelque chose ne se passe pas comme prévu. Dès lors, les retards ne font que s’accumuler permettant de mobiliser et de galvaniser l’armée et la population ukrainiennes. Le pouvoir ukrainien survit à cette première journée ce qui concourt à déclencher plus vite et plus fort un élan national et international en sa faveur.

Bien sûr, la guerre n’est pas finie, mais la Russie rate son pari de rafler la mise en un coup de main pour mettre l’Occident devant le fait accompli. De fait, faute d’avoir pris de vitesse son adversaire, Vladimir POUTINE se voit contraint de mener une vraie guerre et de mener des opérations lourdes face à une population hostile qui rendra de toute façon compliqué l’après. Cet échec motive également les pays occidentaux à fournir une assistance militaire plus directe aux Ukrainiens tout en déployant des mesures de rétorsion massive à l’encontre de l’économie russe. D’une position où il a tout à gagner, Vladimir POUTINE se retrouve dans une posture où il peut désormais tout perdre, y compris le pouvoir, condamné à une fuite en avant ou à un repli peu glorieux.

La capacité ukrainienne à contrecarrer les plans russes trouve probablement ses racines dans sa parfaite connaissance du dispositif adverse grâce à la présence massive des renseignements électroniques et visuels américains dans les pays baltes, le ciel d’Ukraine et au-dessus de la Mer Noire avant le début des opérations.

A noter également que les Américains justifient a posteriori leur volonté de ne pas jouer les prolongations en Afghanistan à l’été 2021. Heureuse coïncidence ou anticipation ?

Le renseignement occidental joue «un rôle décisif», estime Cédric Mas. L’Ukraine semble ainsi «avoir été particulièrement bien informée des mouvements russes, ce qui leur a permis de garder certaines réserves» et d’anticiper les déplacements de troupes. Si bien que le pays a choisi de disperser son aviation avant la phase d’acquisition de l’espace aérien pour échapper aux frappes, «n’a pas encore eu à utiliser son matériel le plus moderne et a pu préparer sa contre-offensive autour de Kiev», précise l’historien. Ces renseignements ont également permis aux forces ukrainiennes de «ralentir la progression russe et de provoquer du chaos», analyse Joseph Henrotin. «Il est déjà certain que les Ukrainiens ont fait sauter des ponts pour entraver la mobilité russe», précise-t-il.

Le Figaro, 02/03/2022

Un certain 10 mai 1940…

Quand les Allemands déclenchent leur offensive à l’Ouest un certain 10 mai 1940 avec l’opération Fall Gelb, leurs adversaires ne sont pas surpris. L’attaque des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg est bien intégrée dans les plans alliés, la manœuvre Dyle-Breda est automatiquement enclenchée ! L’historiographie traditionnelle de la Seconde Guerre mondiale tend à se focaliser essentiellement sur Sedan et oublie les toutes premières heures sur la Meuse, le canal Albert et aux Pays-Bas

En effet, les parachutistes allemands sautent sur la Hollande. Plusieurs opérations aéroportées et commandos permettent de s’emparer des points de franchissement sur la Meuse en aval de Maastricht, des ponts sur le canal Albert tout en neutralisant le fort d’Eben-Emael. Au soir du 10 mai 1940, Dyle-Breda est donc déjà obsolète. La percée de Maastricht remet en cause la liaison avec les troupes hollandaises et la planification de la couverture de la trouée de Gembloux. Les plans alliés ne tiennent déjà plus.

Un contraste saisissant avec l’Ukraine un certain 24 février 2022…

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