GBM n°139 (Histoire & Collections, 2022)

Une histoire d’amour, de conviction, de professionnalisme et de travail acharné… Voilà comment pourrait se résumer le parcours de François VAUVILLIER que ce numéro de GBM interroge pour un échange savoureux. Assurément, l’homme est pétri de conviction et le fait savoir. Ses éditoriaux en témoignent. Assez lyriques, toujours bien écrits, ils interrogent toujours, dérangent et agacent parfois. Le lien avec l’objet de la revue peut sembler parfois bien éloigné !

Et pourtant, que le lecteur soit d’accord ou pas avec lui, cette audace et parfois cet amusement à provoquer font partie du personnage. Et sans ces traits de caractère, sans cette sorte de panache, GBM n’existerait pas. La collection Vauvilier n’existerait pas. L’automobile sous l’uniforme n’existerait pas. L’encyclopédie de l’armée française au fameux ruban tricolore n’existerait pas. L’anthologie des blindés français de 1914 à 1940 n’existerait pas. Bref, l’image de l’armée française défaite en 1940 et de ses soldats serait figée dans tous ses préjugés condescendants depuis trente ou quarante ans.

Publicités

Outre ses projets éditoriaux, ces trois pages d’interview révèlent autre chose : l’exigence d’être auteur, rédacteur-en-chef et maquettiste (non au sens de modèles réduits, mais en terme de mise en page). Si l’édition est un business loin d’être un long fleuve tranquille, ce n’est pas que cela. Sans passion, il n’y a pas d’Histoire, il n’y a pas de volonté de rechercher du bon et du neuf pour le grand public. Car les magazines et les albums sont faits avant tout pour un large lectorat à la différence des productions universitaires et des ouvrages plus austères.

Et il en faut de la passion, de la volonté et de la rigueur pour mener à bien une telle œuvre… qui n’est visiblement pas prête à s’achever. Ouf ! Et surtout merci…

Un autre acteur de cette dynamique s’exprime également dans ce numéro de GBM. Jean-Yves MARY parle ainsi du projet de Musée du Combattant de 1940 sur la base de celui de l’ouvrage de Fermont (voir https://www.fort-de-fermont.fr/). Tout un programme qui concrétise les progrès historiographiques entamés jadis avec un certain Roger BRUGE…

Outre les habituels articles sur les matériels, ce numéro de GBM revient sur Maurice GAMELIN et la mécanisation de l’armée française. Le commandant-en-chef est-il un doctrinaire rétrograde ou tourné vers la modernité réinterroge ainsi Christophe AKNOUCHE en préambule ? Incontestablement intelligent et lucide, il perçoit les évolutions du moment, l’impact de la formation des divisions blindées allemandes et cautionne certaines initiatives comme la mise sur pied des Divisions Légères Mécaniques (DLM).

Son manque de caractère et de leadership, si cruellement décrit par Max SCHIAVON dans la biographie qu’il lui consacre, ne permet pas d’arbitrer entre les différentes écoles, de pousser les sujets quand ils sont paralysés par les querelles de chapelles. Sa grande erreur est de ne pas trancher et de rechercher un compromis impossible entre les différentes sensibilités et les capacités industrielles. Une vision dont ne s’embarrassent pas les Allemands, même si les choix effectués leur porteront ensuite préjudice quand le conflit prendra une autre dimension avec l’invasion de l’URSS.

Faute de savoir trancher, Maurice GAMELIN ne met pas ses œufs dans le même panier. Il répartit ses chars entre unités de cavalerie (DLM et DLC), divisions cuirassées (DCR) et bataillons de chars de combat (BCC) en appui de l’infanterie. Avant le déclenchement de Fall Gelb, les Allemands ont déjà abandonné les divisions légères qui peuvent s’apparenter à celles de la cavalerie mécanisée et n’ont pas encore de solution à l’appui des divisions d’infanterie. Les canons d’assaut avec le Sturmgeschütz (StuG) III en sont à leurs premiers pas, bien freinés d’ailleurs par Heinz GUDERIAN qui sera néanmoins trop content de les retrouver à son retour aux affaires en 1943 à la tête de la Panzerwaffe.

Pourtant le besoin des trois est bien réel. Seuls les Etats-Unis parviendront à appliquer ce compromis. Leur puissance industrielle et logistique n’explique pourtant pas tout. Partis après toutes les autres grandes puissance militaires de l’époque, ils bénéficient à plein des observations des constats qu’ils font en direct. Les judicieux choix industriels qu’ils effectuent favorisent également cette aisance capacitaire qui n’est pas dû au hasard (ceci est une autre histoire malheureusement trop dans l’ombre de l’historiographie).

L’article fait également apparaître deux notions importantes. La première est que les divisions blindées allemandes initiales sont entièrement d’active. Cela leur permet, certes, d’être opérationnelles immédiatement en cas de mobilisation, mais surtout de forger rapidement un atout cohérent, même novateur. Sur cette capacité à favoriser l’apprentissage, Charles de GAULLE a raison de pousser à des unités « de métier » quand bien même sa perception de l’emploi des grandes unités blindées avec l’ensemble de leurs contraintes semble moins poussée que celle de certains de ses contemporains allemands et même français (cf. GBM n°134).

La seconde est que Maurice GAMELIN conçoit un plan, la manœuvre Dyle-Breda, où il engage toutes ses forces dans une manœuvre défensive, même si elle démarre par un bond en avant allant jusqu’à deux cent kilomètres. Littéralement, il « fait « tapis » pour reprendre une expression de joueur de poker, avant même de cerner plus précisément les intentions ennemies et surtout sans garder dans sa manche le moindre atout en réserve. Son incapacité à conduire la bataille et à décider en plein combat ne fera qu’accélérer la chute.

GBM se penche un nouvelle fois sur le 1er GRDI après mis la main sur de nouvelles archives qui permettent de lister l’ensemble de son parc d’AMD 35 (ou Panhard 178).

Le traditionnel historique d’une unité se penche cette fois sur le 44ème Bataillon de Chars de Combat (BCC) dont l’auteur du témoignage quelques-uns des chars est issu. Voilà de quoi documenter ce récit autobiographique par une analyse un peu plus large des événements de l’unité. Outre la période de Drôle de guerre, l’article se concentre sur le début de la vraie guerre. Quelques bombardements allemands puis enfin une première rencontre au sol avec l‘ennemi dans la région d’Amiens. Affecté à la 4ème Division Cuirassée (DCR), le bataillon prend part à la contre-attaque de cette dernière contre la tête de pont d’Abbeville après avoir effectué un long mouvement de glissement à partir de l’Aisne le long de la Somme. Le récit des combats est à hauteur d’homme. Moteur, poudre, essence. Un cocktail explosif qui témoigne de l’engagement des soldats français durant ces mois de mai et juin 1940…

Enfin, Laurent DEMOUZON revient sur la bataille des Alpes pour accompagner la sortie de son nouvel ouvrage après Maurienne 1940 paru l’année précédente. Au menu, les combat de la Redoute Ruinée face aux Italiens…

En conclusion, une ligne éditoriale toujours aussi vivante, riche en découvertes… grâce à la passion du moteur et au moteur de la passion !

Sommaire

  • Le manifeste français
  • Jean-Yves MARY, Du béton et beaucoup de canons au Musée de l’ouvrage de Fermont
  • Philippe ROBIN, Mon père, tringlo sous l’Etoile filante
  • Geir IVERSEN, Un Matford F1917WS de chez nous retrouvé en Norvège
  • François VAUVILLIER, Secrets de fabrication : interview de trois pages présentant la collection Vauvillier, le lancement de la collection Le grand album ainsi que les exigences de la conception des numéros de GBM – Texte, photos.
  • Guy FRANCOIS, Le 340 modèle 1918 de Saint-Chamond, un chef d’œuvre issu de l’expérience de la Grande Guerre
  • François VAUVILLIER, Les tracteurs d’artillerie Citroën-Kégresse
  • Christophe AKNOUCHE, Gamelin et la mécanisation de l’armée (2ème partie), 1936-1939 : article de quatorze pages sur les positions de Maurice GAMELIN à propos de l’arme et cavalerie blindée française, sa vision des divisions blindées allemandes, des Divisions Légères Mécaniques (DLM), des Divisions Cuirassées (DCR), ses hésitations doctrinales entre accompagnement de l’infanterie avec les Bataillons de Chars de Combat (BCC) autonomes et les grandes unités blindées – Texte, photos.
  • François VAUVILLIER, L’escadron AMD du 1er GRDI
  • Stéphane BONNAUD, Le 44ème BCC au combat (1ère partie), quelques-uns des chars, de l’attente dans la vallée du Rhône à la bataille d’Abbeville : article de vingt-quatre pages sur la création du 44ème Bataillon de Chars de Combat (BCC), son rattachement à la 4ème Division Cuirassée (DCR) et son transfert vers le front, son parcours le long de la Somme, son baptême du feu près d’Amiens puis son engagement contre la tête de pont d’Abbeville – Texte, cartes, ordre de bataille, profils couleurs.
  • Laurent DEMOUZON, La Redoute Ruinée, isolée mais invaincue, au cœur du 70ème Bataillon alpin de forteresse

Caractéristique

  • Nombre de pages : 82
  • Langue : Français
  • Reliure : brochée
  • Dimensions : 21 x 29,7 cm
  • Prix conseillé France à la date de parution : 12,50 € TTC

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.