Trucks & Tanks Magazine n°88 (Caraktère, 2021)

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le mythe de la supériorité absolue des Panzer irrigue en continu l’historiographie. Il débute grâce à l’ampleur et à l’impact sur les contemporains des victoires en Pologne mais surtout à l’Ouest en mai et juin 1940. Il se poursuit avec la course à la puissance qui donne naissance aux Tiger, Panther, Königstiger, Jagdtiger, Sturmtiger et autres projets de plus en plus démesurés. La publication de quelques autobiographies comme celle de Heinz GUDERIAN et des études, officielles ou non, réalisées avec d’anciens responsables militaires allemands parachèvent la légende, au sens propre comme au sens figuré.

Publicités

A l’inverse, la propagande soviétique dénigre ouvertement le mythe, notamment au sujet de Prokhorovka. Pas de quoi cependant réellement remettre en cause l’image que peuvent donner certains as ou certaines batailles comme Sedan ou Villers-Bocage

Au point qu’il faille attendre la fin du XXème siècle pour voir l’historiographie commencer à bouger quand la littérature finit par épuiser les historiques fournis par les services officiels américains abondamment alimentés par leurs adversaires et déjà imprégnés des contraintes de la Guerre froide. Depuis une vingtaine d’années, le mythe de la supériorité absolue s’effrite, ou tout cas, ce qui fait la force de la Panzerwaffe n’est peut-être pas ce qui était mis en avant jusque là.

Ainsi, un certain renouveau de l’historiographie de la bataille de France et plus globalement des combats de mai et juin 1940, finit par montrer que le nombre de matériels est sensiblement équivalent et que le parc allemand est très majoritairement doté d’engins légers (Panzer I et Panzer II). Si le Panther parait toujours être un compromis réussi, de plus en plus d’études pointent du doigt les défauts de l’alourdissement de la Panzerwaffe. Si le choix de compenser le nombre par la qualité, repris et défendu ensuite par les Occidentaux au cours de la Guerre froide, parait une option qui peut tenir la route d’un point de vue du combat seul, il est plus questionnable sur un plan plus global quand il faut tenir compte des contraintes industrielles, économiques (coûts de développement, de production et de maintien en condition opérationnelle), logistiques et opérationnelles.

Grâce aux travaux de revues comme Trucks & Tanks, Batailles & Blindés, GBM et Mook 1944 ainsi que de nombreux auteurs depuis quelques années, une palette de nuances apparaît à condition de bien vouloir s’extraire des mythes prédigérés, sans pour autant verser dans une critique systématique. L’Histoire prend du temps à s’écrire et le recul est son meilleur allié tandis que la paresse intellectuelle ou la propagande politique / idéologique ses pires ennemis.

L’article consacré aux préconisations de Heinz GUDERIAN lors de son retour aux affaires en 1943 montre ainsi que le sujet est complexe et ne peut se juger aux seules performances intrinsèques des matériels. Recherche et développement, matières premières, capacités industrielles, possibilités logistiques, doctrine d’emploi, organisation et composition des unités, formation, tout est bien lié. A côté des considérations sur les canons d’assaut par rapport aux chars, non dénuées d’arrière-pensées politiciennes, le débat porte aussi sur la posture à adopter par le Troisième Reich en 1943 : défensive ou offensive ?

L’exercice de prospective, théorique cependant, fait sur la base d’une posture défensive en URSS, donc sans opération Zitadelle est intellectuellement intéressante. Elle touche cependant ses limites en ne parlant que de nombre d’engins et de performances de combat. En 1940 comme en 1944 dans les Ardennes avec les mouvements de rocade des divisions blindées américaines rendus possibles par la souplesse et la fiabilité du Medium Tank M4 Sherman, la possibilité de faire évoluer rapidement sur de longues distances des grandes unités blindées décide du sort des batailles tandis qu’un affrontement statique front contre front (Koursk, Normandie) peut niveler, voire inverser, les écarts de performance de combat dans certaines conditions.

En parallèle de son article paru concomitamment dans Ligne de Front n°94, Loïc BECKER revient sur le char Renault D2 en y détaillant davantage ses caractéristiques techniques. Bien plus original, Jean TETARD présente la version nippone du Renault FT modernisé avec le projet de Renault NC1 (voir aussi l’article de Loïc BECKER paru dans Ligne de Front n°94).

Rappelant ses numéros hors-série n°26 et 27, Laurent TIRONE explore de nouveau les bricolages allemands et les conversions réalisées par le Baukommando Becker sur la base des chars FCM 36 utilisés par la 21. Panzer-Division en Normandie (voir aussi Trucks & Tanks Magazine hors-série n°39 paru peu avant). Sujet “un peu” éculé…

Très appréciable, la troisième partie de l’étude sur les blindés et véhicules du 1er Régiment Etranger de Cavalerie (REC) se pose cette fois-ci sur la période indochinoise. Outre des matériels hérités de la Seconde Guerre mondiale, le lecteur y découvre l’utilisation de trains blindés et d’une marine fluviale…

Enfin, le concept de char antiaérien ne s’arrête pas avec la disparation des Flakpanzer de la Seconde Guerre mondiale comme le montre l’original AMX 13 bitube de 30 mm, ce qui permet d’évoquer brièvement l’évolution des régiments d’artillerie antiaérienne français. Un sujet qui mériterait de plus amples développements !

Dans la rubrique actualités, l’article original (et non une reprise de brèves déjà publiées sur internet) de Pierre GRASSER explique succinctement mais sûrement les premiers enseignements à retenir du conflit dans le Haut-Karabakh, ou le retour en force des conflits de haute intensité…

Sommaire

  • Brèves d’actualités
  • Pierre GRASSER, Guerre dans le Haut-Karabakh, regards sur 44 jours de conflit
  • Loïc BECKER, Le musée de Diekirch, la bataille des Ardennes… mais pas que
  • Actualité des médias (Atlas géopolitique mondial 2022Panzer IVDodge WC54, connaissance et restauration)
  • Des maquettes et des lecteurs
  • Jean TETARD, Renault NC 27, Otsu Gata Sensha
  • Loïc BECKER, Le Renault D2
  • Laurent TIRONE, 1943, Guderian pouvait-il sauver la Panzerwaffe ?
  • François PELISSIER, Blindés et véhicules du 1er Régiment Etranger de Cavalerie (3ème partie), l’Indochine (1947-1956)
  • Laurent TIRONE, Les bricolages allemands sur base de FCM 36, reconstructions réussies !
  • Thomas SEIGNON, AMX 13 bitube de 30 mm

Caractéristiques

  • Nombre de pages : 82
  • Langue : Français
  • Reliure : brochée
  • Dimensions : 21 x 29,7 cm
  • Prix conseillé France à la date de parution : 7,50 € TTC

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.