De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas… Ainsi peuvent se caractériser les relations entre Allemagne et Russie puis URSS dans la première moitié du XXème siècle. Ce numéro de Ligne de Front en fournit une belle illustration ! Après la Première Guerre mondiale, les deux pays nouent rapidement des relations privilégiées dans le domaine militaire. Le régime soviétique n’est pas pour rien dans le réarmement de l’armée allemande, qui n’attend pas non plus l’arrivée au pouvoir d’Adolf HITLER. Celui-ci trouve d’ailleurs dans les cartons de nombreux projets de matériels et doctrinaux testés sur les terrains mis à disposition des Allemands par l’Armée rouge.
La répression anti-communiste menée par les nazis arrivés au pouvoir finit par mettre un terme à cette riche collaboration bilatérale. Au grand dam des militaires concernés des deux pays qui semblent regretter de devoir stopper ces échanges fructueux. Ceux-ci permettent à l’Allemagne de contourner très tôt les clauses du Traité de Versailles pour mettre au point son renouveau doctrinaire tant dans le domaine des chars que de l’aviation d’appui. L’article de Nicolas PONTIC est indispensable pour comprendre comment le réarmement allemande débute dès la mise en place de la Reichswehr (et non à partir de 1933). Les facilités accordées par les Soviétiques permettent de tester et de développer les futurs systèmes d’armes qui feront les premiers succès du Blitzkrieg. Adolf HITLER, Heinz GUDERIAN et consorts peuvent alors capitaliser et amplifier les bases mises en place dès le lendemain du Traité de Versailles sous l’impulsion de quelques visionnaires. La narration de la mise en place des contacts est passionnante, digne d’un roman d’espionnage.
La période de gel au milieu des années 1930 ne dure pas longtemps puisque les deux régimes concluent un pacte de non agression dont les conséquences (l’invasion puis le partage de la Pologne entre les deux puissances) déclenchent la Seconde Guerre mondiale en Europe. Mais ceci est une autre histoire.
Moins de deux plus tard, les relations sont de nouveau rafraîchies et le Troisième Reich avec ses alliés envahit l’URSS, déclenchant ainsi l’affrontement le plus titanesque de l’Histoire militaire. La bataille de Koursk en juillet 1943 symbolise en quelque sorte ce “choc des titans”. Si la bataille de Prokhorovka marque les esprits et bénéficie d’une couverture historiographique importante en raison de la propagande soviétique qui magnifiera sa victoire contre la Waffen-SS, symbole du régime honni, celle de Ponyri reste davantage dans l’ombre. Là aussi, les pertes allemandes apparaissent bien moins conséquentes que les proclamations affichées de l’Armée rouge. Il n’en reste pas moins que la Wehrmacht doit jeter l’éponge et ne sera plus jamais capable de monter une opération d’une telle ampleur. Encore une fois, comme à Stalingrad, les qualités défensives de l’Armée rouge déjouent les plans allemands. Une lecture à compléter d’un autre article du même auteur mais davantage centré sur les Soviétiques dans 2e Guerre Mondiale n°82). Les cartes sont originales avec partiellement de faux airs manuscrits.
Si les nouveaux Panzer V Panther connaissent le baptême du feu avec la pince Sud de l’opération Zitadelle, les Ferdinand, Surmpanzer IV et engins téléguidés Borgward B IV se concentrent sur la pince Nord. Dans cet affrontement du fort au fort, les Allemands s’avouent finalement vaincu.
Quand la Reichswehr repart d’une feuille presque blanche, ou plutôt se voit contrainte de repenser tout son corpus doctrinaire pour laver l’affront de la Première Guerre mondiale, la France doit composé avec cet héritage glorieux. Celui-ci se traduit par un actif conséquent qu’il parait difficile de remettre en cause car il a apporté la victoire. Sans pour autant rester figés, les programmes d’armement capitalisent sur les acquis. Ainsi, l’évolution des Chars D présentée par Loïc BECKER illustre parfaitement cette situation.
Alors que les prototypes allemands testés secrètement dans les bases mises à disposition par les Soviétiques donneront naissance à des concepts qui s’épanouiront au cours de la Seconde Guerre mondiale au point de préfigurer les Main Battle Tanks de l’après-guerre, les chars français de 1940 dans leur conception et leur configuration clôturent la seconde génération de chars née avec le révolutionnaire (pour l’époque) Renault FT dont le concept tourne radicalement le dos à celui de fortins mobiles des premiers chars. Les quelques pages de l’article permettent de se rendre compte que l’armée française ne reste absolument pas inactive durant l’Entre-deux-guerres. Elle ne fait tout simplement pas les bons choix, en dépit de la qualité intrinsèque de certains de ses matériels.
Egalement, on apprécié l’interview de Thomas RABINO sur son ouvrage consacré à la sœur de Jean MOULIN et son rôle auprès de son frère et dans la Résistance ainsi que le très intéressant article sur la bataille de Nungshigum en Birmanie. Plus classique, l’étude des Panzer III et Panzer IV en Afrique du Nord permet de replonger dans l’épopée de l’Afrika-Korps.
Un numéro donc solide, varié, avec des sujets que ne renierait pas Batailles & Blindés tellement les chars et leur emploi servent de fil conducteur à ce numéro…
Sommaire
- Actualités
- Thomas RABINO, Au nom du frère, Laure Moulin résistante
- Actus du livre (L’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, Dans les Tempêtes de l’Histoire, Le mystère Mussolini, Régiments d’infanterie, 1939-1945 la Seconde Guerre mondiale, le fil de l’Histoire raconté par Ariane & Nino, Edelweiss, le 4e Régiment de Chasseurs des Hautes Alpes au Sahara)
- Luc VANGANSBEKE, Le combat de Nungshigum, carabiniers sur la crête
- Loïc BECKER, La famille des chars D, la marque de la Grande Guerre : article de six pages décrivant les tâtonnements français pour faire évoluer ses chars Renault FT durant l’Entre-deux-guerres avec le projet de char Renault NC1, puis NC2 et NC3 qui aboutit à la production du char Renault D1 avant qu’il ne soit remplacé par le char Renault D2 et une version Renault D3 qui reste uniquement à l’état de projet – Texte, photos, profils couleurs.
- Nicolas PONTIC, L’idylle des parias, la coopération entre la Reichswehr et l’Armée rouge
- Nicolas PONTIC, La bataille de Ponyri, le cimetière des Elefant
- Nicolas PONTIC, SU-152 vs. Ferdinand, deux mastodontes face à face à Ponyri
- Laurent TIRONE, Les chars de l’Afrika-Korps au combat, Panzer III et Panzer IV en Afrique
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 7,50 € TTC