Dans la continuité du précédent numéro, Yves BUFFETAUT revient sur le parcours de la 4ème Division Cuirassée (DCR) lors des combats de mai et juin 1940 avec cette fois-ci la contre-attaque de Crécy-sur-Serre. Là encore, l’auteur parvient à s’extraire de la légende ou de la critique trop facile pour aboutir à une analyse équilibrée. L’opération est assurément plus ambitieuse, mais aussi plus complexe, que le reconnaissance en force de Montcornet. Dans tous les cas, les objectifs restent dans les mains des Allemands.
Cette bataille illustre aussi cruellement les faiblesses françaises. Certes, ses chars possèdent des qualités, notamment en termes de puissance de feu de protection. Certes la France possède également ses propres unités blindées entre les Divisions Légères Mécaniques (DLM) et les Division Cuirassées (DCR). Mais posséder le matériel et les unités est une chose, savoir les utiliser dans une opération en pleine guerre en est une autre. La coopération interarmes est déficiente. Les contraintes logistiques en essence et en munitions sont mal appréhendées. Sans parler des transmissions qui relèvent d’un autre âge. Bref, l’armée française paye au prix fort son manque de vision prospective des dernières années, pas tant dans le domaine des matériels, mais dans leur emploi opérationnel à la grande différence de son adversaire (voir en complément l’analyse des propositions de Charles de GAULLE dans GBM n°134 et la vision de Heinz GUDERIAN dans Achtung Panzer !).
La recherche du bon équilibre entre les contraintes subies et les capacités disponibles (industrielles, humaines, etc.) pour y répondre est probablement l’exercice le plus compliqué dans le conduite des opérations militaires. Si la France ne parvient jamais à trouver la bonne alchimie en 1940 entre ses matériels, ses unités, sa doctrine d’emploi et ses plans de guerre contrairement à l’Allemagne, celle-ci se confronte assez vite également à cette difficulté. A ce titre, l’opération Barbarossa et l’invasion de l’URSS marquent un tournant. Ayant fait des choix en termes de matériels qui compensent certaines de ses faiblesse (puissance de feu, protection) mais qui obèrent des qualités clefs dans ses victoires (simplicité logistique, souplesse d’organisation, facilité d’emploi, mobilité et vitesse), la Wehrmacht se retrouve face à de nouvelles contraintes pour lesquelles elle ne trouve pas de solution gagnante par rapport à des adversaires nouveaux et/ou qui évoluent aussi.
A ce titre, l’article de Benoît RONDEAU sur les options stratégiques prises par l’OKW au printemps 1944 pour tenter de se prémunir d’un Débarquement à l’Ouest et d’une offensive soviétique à l’Est apporte un très intéressant éclairage sur les arbitrages pris en termes de positionnement des réserves et d’allocation des chars. Une hauteur de vue qui manque souvent dans l’explication du positionnement des divisions blindées allemandes et débat entre états-majors sur leur emplacement près des côtes ou plus à l’intérieur des terres. Sur le papier, la vision qui s’en dégage parait alors assez cohérente avec les moyens disponibles et la structure de la Panzerwaffe. Le problème est que ni les Soviétiques, ni les alliés occidentaux ne vont permettre au Troisième Reich de mettre en œuvre ces dispositions qui apparaissent finalement inappropriées par rapport au contexte stratégique global et toujours en retard d’un coup.
Et quand rien ne fonctionne comme prévu, il est facile de considérer que les exécutants comme fautifs. Ainsi, parmi tous es témoignages recueillis après-guerre par l’armée américaine pour les besoins de ses services historiques, Yves BUFFETAUT extrait les rarement usitées interviews d’Alfred JODL et Wilhelm KEITEL sur la conduite des opérations en Normandie. Avec quelques surprises à la clef !
Les autres articles du numéro valent également le détour avec une très intéressante analyse des plans d’invasion de l’Egypte par Erwin ROMMEL, la montée en puissance de l’aviation australienne et l’assaut américain sur Tarawa.
Comme promis dans l’éditorial, ce numéro de Batailles offre en effet de l’analyse et de vraies découvertes en évitant les sempiternelles redites et en évitant les critiques trop faciles, mais tout en offrant de pistes de réflexion intéressantes. Bref, le parfait équilibre.
Sommaire
- Biblio
- Actu
- Benoît RONDEAU, La Grande Evasion de John Sturges
- Yves BUFFETAUT, Crécy-sur-Serre : article de douze pages sur la contre-attaque de la 4ème Division Cuirassée (DCR) sur Crécy-sur-Serre le 19 mai 1940 avec l’appui de l’artillerie de la 3ème Division Légère de Cavalerie (DLC), décrivant le déroulement des combats et analysant les carences françaises (manque d’accompagnement d’infanterie et de moyens de transmissions) qui ne permettent pas d’exploiter l’avantage que représente le rassemblement d’une telle force de frappe blindée – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
- Benoît RONDEAU, La RAAF pendant la Seconde Guerre mondiale (1ère partie), organisation et montée en puissance
- Benoît RONDEAU, Le Caire 1942, le plan de Rommel : article de quatorze pages sur les plans et travaux préparatoires allemands pour la conquête de l’Egypte par l’Afrika-Korps sous les ordres d’Erwin ROMMEL, sa sécurisation, son exploitation économique ainsi que la mise en œuvre de la Solution finale – Texte, photos.
- Christophe PRIME, Tarawa, opération Galvanic, 20-23 novembre 1943
- Benoît RONDEAU, Printemps – éét 1944, des Panzer contre l’invasion ou une « Angriffs-Panzerarmee » face aux Russes ?
- Yves BUFFETAUT, L’OKW et la bataille de Normandie, d’étonnantes révélations sur la conduite des opérations
- Benoît RONDEAU, Crailsheim 1945, les Waffen-SS repoussent la 10th Armored Division
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 8,20 € TTC