Il ne faut pas s’arrêter aux apparences. Si ce numéro de Batailles & Blindés semblent brasser beaucoup de sujets ultra classiques de la Seconde Guerre mondiale en Europe, il met le doigt sur ce qui fait la différence entre perceptions et réalités…
Recension
La sage des Panzer VI Ausf. E Tiger et Panzer VI Ausf. B Königstiger représente l’un des sujets les plus emblématiques du cette période et l’un des plus traités. Pourtant, que de sottises ont bien pu être écrites au cours de décennies d’historiographie pléthorique. Entre le mythe de l’invincibilité et celui des centaines de carcasses fumantes dans les plaines surchauffées de Koursk, les auteurs montrent qu’il est malheureusement bien plus facile de parler des perceptions que d’analyser les faits avec de vraies données.
Quand il apparait sur les champs de bataille, le char lourd allemand bouscule le rapport de force sur le terrain, même s’il est en définitive engagé au compte-gouttes. En termes de puissance de feu et de protection, il rebat les cartes que ce soit en URSS ou en Tunisie, ses premiers terrains de chasse. Produit et engagé en nombre insuffisant, son impact reste pourtant essentiellement tactique. Il n’empêche, ses adversaires directs n’en sont pas moins effrayés et les statistiques de victoires de ses as démontrent l’efficacité du système de combat.
D’un point de vue protection, le char lourd fait logiquement des compromis même s’il est davantage blindé que ses homologues du moment. Les essais de tirs menés sur des exemplaires capturés. Dans le présent numéro, il s’agit de tests rapportés et analysés par les Forces Français Libres (FFL). Les photos en gros plan qui illustrent l’article sont assez spectaculaires. Les points de fragilité ne sont pas forcément les plus évidents en apparence. Alors, certes, les chars américains sont bien incapables en Tunisie de le détruire en un seul coup au but, sauf circonstances exceptionnellement favorables. Mais pas impuissants à lui causer des dégâts significatifs qui peuvent le rendre impropre au combat.
Si le Tiger n’est pas invincible, il contient un certain de fragilités intrinsèques. Techniques d’abord, puisque nombre de chars sont finalement perdus pour des pannes. Logistiques ensuite, soit faute d’essence dans le réservoir, soit par manque de moyens de dépannage appropriés, soit tout simplement par manque de moyens de transport pour l’amener sur le champ de bataille. Car pour préserver les mécaniques, les déplacements doivent se limiter le plus possible aux espaces de combat. Les longues étapes de transition hypothèquent la disponibilité des matériels pour le combat alors que sa valeur ajoutée se situe justement à e moment-là.
Pour comprendre cette situation, il faut bien lire l’article de Max STEIN sur l’engagement des chars lourds allemands et de leurs dérivés (Jagdtiger et Sturmtiger) dans les Ardennes. Après avoir déjà remis en cause sa gloutonnerie en carburant (voir Tiger de la 503, Normandie, Vexin normand, juin – août 1944) par rapport au Medium Tank M4 Sherman, il passe en revue les différentes unités prévues d’être engagées.
Et là, ô surprises. Plusieurs d’entre elles ne sont littéralement pas en mesure de rejoindre les premières lignes. Quand elles le peuvent, nombre d’engins sont perdus faute d’essence ou de moyens pour les dépanner. Cela veut-il dire que les Allemands ne possèdent plus de carburant ? Non, les stocks existent et sont plutôt confortables.
Produire des chars lourds n’est donc pas suffisant. Il faut également pouvoir disposer des moyens de déplacement et d’entretien qui vont avec, au risque de gaspiller ses précieux moyens de combat. Si l’essence est en effet rare en première ligne, cela ne veut pas dire que les stocks soient épuisés. La puissance aérienne allié interdit par sa présence et les destructions occasionnées sur les axes de transport son déplacement sachant que les moyens de transport palliatifs viennent également à manquer du fait de la priorité donnée à la production d’engins de combat.
Bref, en négligeant les aspects logistiques à la différence des Américains, les Allemands se privent de la capacité d’engager réellement leurs moyens de combat. Les meilleurs engins sont donc bien inutiles s’ils ne peuvent être utilisés faute d’essence, de moyens de transport pour les amener au front, pour les entretenir ou les dépanner.
Dans le même genre, l’article sur l’opération Fall Blau apporte un certain nombre d’éclairages bienvenus sur cette dernière offensive allemande réellement stratégique. Alors que les effectifs et la logistiques sont déjà soumis à de fortes contraintes en raison de l’immensité du front en URSS et des pertes concédées au cours de l’opération Barbarossa puis de l’hiver qui suit, les Allemands conçoivent une opération qui ne peut qu’accentuer leurs difficultés : extension du front et divergence des axes d’effort. Outre des choix opérationnels contestables, la menace à l’Ouest se fait déjà ressentir. De quoi perturber la prise de décision allemande et fragiliser un peu plus une offensive qui n’en demandait pas tant pour échouer.
L’article sur les combats pour Kesternich s’attarde sur les détails tactiques en s’appuyant sur des rapports établis par l’armée américaine et quelques témoignages allemands. Malheureusement, cet angle de vue fait perdre de vue l’importance stratégique de la bataille qui s’y déroule quelques heures seulement avant le déclenchement de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel dans les Ardennes. Le mordant allemand s’explique également par la crainte de voir les Américains s’emparer d’un point de vue sur les préparatifs de l’assaut à venir. Au point d’engager des moyens destinés à l’offensive elle-même qui manqueront cruellement au matin du 16 décembre 1944 pour ouvrir la voie à la 12. SS-Panzer-Division et plus globalement à la 6. Panzer-Armee dont l’une des racines de l’échec se trouve dans les ruines de Kesternich…
Profils couleurs
- Jagdpanzer 38(t), 272. Volksgrenadier-Division, Allemagne, Kesternich, 15 décembre 1944
- Medium Tank M4A3 Sherman, 736th US Tank Battalion, Allemagne, Kesternich, 31 janvier 1945
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “105”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, Stavelot, 18 décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “332”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, Coo, 18 décembre 1944
- Sturmpanzer VI Sturmtiger, Sturmmörser-Kompanie 1001, Allemagne, décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “313”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “1+03”, schwere Panzer-Abteilung 506, Ardennes, Bastogne, décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “104”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, La Gleize, 18 décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “105”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, Trois-Ponts, 18 décembre 1944
- Panzer VI Ausf. B Königstiger “222”, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Kampfgruppe Peiper, Ardennes, Stavelot, 19 décembre 1944
- T-60, URSS, Rostov, juillet 1942
- Panzer IV Ausf. F2 “1233”, 24. Panzer-Division, URSS, été 1942
- KV-1 modèle 1942 “6/2”, URSS, septembre 1942
- Panzer IV Ausf. F2 “431”, 14. Panzer-Division, URSS, Stalingrad, automne 1942
- Sherman VC Firefly “T 212728”, 7th Armoured Division, France, Normandie, Villers-Bocage, 13 juin 1944
- Tank Cruiser Mark VIII Cromwell (A27M) “T187798”, 7th Armoured Division, France, Normandie, juin 1944
- Tank Cruiser Mark VI Cromwell, 7th Armoured Division, Allemagne, mai 1945
- Tank Cruiser Comet (A34) “Iron Duke”, 7th Armoured Division, Allemagne, 7 septembre 1945
Cartes
- Attaque américaine sur Kesternich, 15 décembre 1944 à 7h00
- Contre-attaque allemande sur Kesternich, 15 décembre 1944
- La seconde bataille de Kesternich, 30 janvier au 1er février 1945
- Position des Tiger II perdus entre Stavelot et La Gleize
- Le chaudron de La Gleize, 24 décembre 1944
- Opération Fall Blau, juin à novembre 1942
- Les combats pour Rostov, juillet 1942
Sommaire
- Actualités
- Actualité du livre (Edelweiss, le 4ème Régiment de Chasseurs, des Hautes Alpes au Sahara, La guerre du Rif, L’armée australienne en guerre, L’épopée du désert (I), la 8ème armée britannique, Le dernier carré, La guerre d’Indochine, dictionnaire)
- Franck SEGRETAIN, L’armée française face au Tiger en Tunisie : article de huit pages sur l’engagement du Panzer VI Ausf. E en Tunisie avec la schwere Panzer-Abteilung 501 et la schwere Panzer-Abteilung 504, son impact auprès des Alliés et l’analyse de ses forces et faiblesses par l’armée française sur des chars capturés – Texte, photos.
- Loïc BECKER, Kesternich, deux batailles pour un village : article de huit pages sur l’assaut de la 78th US Infantry Division contre Kesternich face à la 272. Volksgrenadier-Division juste avant le déclenchement de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel dans les Ardennes puis en janvier 1945 – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
- Max STEIN, Tiger en Ardennes, quand le mythe dépasse la réalité : article de vingt-deux pages sur l’engagement des Sturmpanzer VI, Jagdpanzer VI, Panzer VI Ausf. B et Panzer VI Ausf. E dans les Ardennes lors de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel, les unités impliquées ou prévues de l’être (schwere Panzer-Abteilung (Fkl.) 301, schwere Panzer-Abteilung 506 avec également la schwere Panzer-Kompanie Hummel, schwere SS-Panzer-Abteilung 501, Sturmmörser-Kompanie 1000, Sturmmörser-Kompanie 1001, 1./schwere Panzerjäger-Abteilung 653), l’analyse de leur emploi, le parcours de la Kampfgruppe Peiper ainsi que le point de vue allié – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
- Sylvain FERREIRA, Fall Blau, le mirage de l’or noir : article de quatorze pages sur la planification de l’opération Fall Blau en direction du Caucase et du Don, les trois premières phases opérationnelles jusqu’à la Directive n°45 qui conduit à l’éclatement de l’effort allemand en renforçant l’importance de Stalingrad alors que des renforts doivent être envoyés en France pour parer déjà à toute menace d’intervention alliée à l’Ouest – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
- Luc VANGANSBEKE, Les “Rats du désert”, de la Normandie à Berlin avec la 7th Armoured Division : article de dix pages sur l’engagement et le parcours de la 7th Armoured Division à l’Ouest et en Allemagne dans la dernière année de la Seconde Guerre mondiale en Europe – Texte, photos, profils couleurs.
- Vasiliy KRYSOV, Tueur de Panzer, massacre à Golenki ! : extrait de six pages du livre Tueur de Panzers, les mémoires de Vasiliy KRYSOV qui se concentre sur son engagement à bord d’un SU-122 lors de l’offensive sur la Dniepr – Texte, photos.
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 7,50 € TTC
Très bon article sur les Tiger engagés en ardennes.
Bien intéressant que l’auteur, Max Stein ait décrypté les noms de codes des unités allemandes et qu’il ait mi en avant le fait que les allemands avaient constitué un confortable stock à 80km du front sans avoir les moyens de les transporter.
Vivement le prochain article.