Qui a le meilleur matériel de combat ? Cette question obsède les industriels, les militaires et les historiens. Pourtant, apporter une réponse évidente et définitive relève d’une gageure. Un char ou un blindé peut se révéler particulièrement approprié dans un contexte et se retrouver en difficulté dans un autre. Les caractéristiques techniques ne suffisent pas pour établir un jugement définitif. Il faut y ajouter les aspects industriels, logistiques et l’adéquation avec le cadre d’emploi doctrinal. Ainsi, la masse blindée allemande de mai 1940 possède des qualités de protection et de puissance de feu qui la met en délicatesse avec ses adversaires français, mais elle se trouve particulièrement bien appropriée à l’emploi qui en est fait. Autre exemple, le Panzer V Panther est sans contexte supérieur en termes de puissance de feu, de protection et d’ergonomie à ses opposants alliés en Normandie, sauf dans le bocage normand qui annihile ses forces et accentue ses défauts. Il n’empêche, l’exercice promet toujours de savoureux moments de lecture !
Recension
Laurent TIRONE propose ainsi un épais dossier qui repose sur dix comparatifs :
- Panzer II Ausf. C versus 7TP (Pologne 1939)
- Panzer III Ausf. F versus Char B1 Bis (France 1940)
- Sturmgeschütz (StuG) III Ausf. B versus T-34/76 modèle 1940 (Opération Barbarossa)
- Panzer III Ausf. L versus Medium Tank M4A1 Sherman (Afrique du Nord)
- Panzer VI Ausf. E Tiger versus KV-1S (Koursk 1943)
- Nashorn versus Achilles (Ouest 1944/1945)
- Panzer IV Ausf. J versus T-34/85 (URSS)
- SdKfz 234/2 Puma versus AEC Armoured Car Mk. II (Ouest 1944/1945)
- Panzer V Ausf. G Panther versus IS-2 (Pologne 1944/1945, Allemagne 1944/1945)
- Heavy Tank T26E3 versus Panzer VI Ausf. B Königstiger (Allemagne 1944/1945)
L’auteur n’oublie pas d’introduire son propos en rappelant les études similaires qu’il a mené dans ce même magazine au sujet des chars et blindés de la Seconde Guerre mondiale en Europe. De quoi souligner que le podium évolue en permanence tout au long du conflit et que les engins de 1939 n’ont plus grand chose à voir avec ceux mis en ligne trois ou cinq ans plus tard.
La conclusion générale du dossier fournit de son côté un panorama en deux pages propre à bousculer quelques platitudes répétées à longueur de certaines publications. Le mythe de la supériorité absolue allemande dans le domaine des chars et des blindés a bel et bien vécu. De l’affirmation que les Allemands ne savent pas faire de chars à la palme décernée aux Soviétiques en passant par des Français dans la moyenne haute en 1940, ce dossier montre ô combien l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale est loin d’être figée malgré les immenses progrès réalisés ces dernières années.
Dans un domaine comparable, l’article étudiant la question des surblindages destinés au T-34 permet de comprendre que les Allemands ne sont pas les seuls à tirer rapidement des leçons des premiers affrontements consécutifs au déclenchement de l’opération Barbarossa. Là aussi, une historiographie très germano-centrée s’appesantit largement sur les enseignements tirés par Heinz GUDERIAN ou ceux qui aboutissent à la naissance du Tiger et du Panther. Au point d’occulter que l’Armée rouge se rend également compte de certaines faiblesses de son T-34 et initie des programmes d’amélioration en urgence comme la pose de surblindages et le développement de nouveaux matériels. Les maquettistes peuvent apprécier quelques vues en 3D des kits frontaux proposés.
Assez vite abandonnée, la question des blindages supplémentaires resurgit à la fin du conflit dans les combats au cœur des grandes agglomérations urbaines allemandes ou hongroises. Les lecteurs peuvent découvrir des improvisations prises en unités comme la pose de protections de type “Schürzen” récupérées sur des chars allemands et remontées sur des engins soviétiques. Sans oublier un étonnant prototype de coffrage en béton armé qui ne dépasse le stade du prototypage…
Etablissant un pont entre le présent et le passé, Thomas SEIGNON revient sur le projet Azur qui apporte des capacités spécifiques de combat urbain au Leclerc, au VAB et au VBL Soulignant la rapidité du développement des démonstrateurs, l’auteur insiste sur la collaboration des différents acteurs entre militaires, bureaux armements et industriels.
En conclusion, un numéro bien intéressant qui sait proposer des angles d’approche renouvelés, même sur le thème pourtant maintes fois éculés des blindés de la Seconde Guerre mondiale en Europe et Afrique du Nord.
Sommaire
- Brèves d’actualités
- Actualité des médias (German Tanks in Normandy 1944, Les chars d’assaut de la Grande Guerre, Panzergrenadier, La révolution militaire napoléonienne tome 2, La lune en héritage tome 10, La grande saga des vikings, Armored Warfare)
- Alain ADAM, AMX 38, un étude du char léger du futur : article de deux pages sur le projet d’AMX 38 illustrant les travaux français en vue de remplacer les Renault R35 et Hotchkiss H35 – Texte, photos, plans.
- Przemyslaw SKULSKI, Les T-34 surblindés de l’Armée rouge, une histoire complexe : article de dix pages étudiant les surblindages appliqués d’une part aux T-34/76 suite au déclenchement de l’opération Barbarossa et pour faire face au renforcement de la puissance de feu des chars allemands et d’autre part aux T-34/85 à la fin du conflit en vue des combats dans les grands centres urbains comme Berlin ou Budapest – Texte, photos, profils couleurs, vues 3D des kits de surblindage.
- François PELISSIER, Blindés et véhicules du 1er Régiment Etranger de Cavalerie (2ème partie), du cheval au Jaguar : article de six pages sur les matériels du 1er Régiment Etranger de Cavalerie (REC) au cours de la Seconde Guerre mondiale à travers la 7ème Division d’Infanterie Nord-Africaine (DINA) lors des combats à l’Ouest en mai et juin 1940, de la Division Marocaine en Tunisie puis de la 5ème Division Blindée (DB) – Texte, photos, profils couleurs.
- Laurent TIRONE, La Seconde Guerre mondiale en 10 comparatifs, quelle nation avait les meilleurs blindés ? : article de trente-huit pages constitués de dix duels (Panzer II Ausf. C versus 7TP, Panzer III Ausf. F versus Char B1 Bis, Sturmgeschütz (StuG) III Ausf. B versus T-34/76 modèle 1940, Panzer III Ausf. L versus Medium Tank M4A1 Sherman, Panzer VI Ausf. E Tiger versus KV-1S, Nashorn versus Achilles, Panzer IV Ausf. J versus T-34/85, SdKfz 234/2 Puma versus AEC Armoured Car Mk. II, Panzer V Ausf. G Panther versus IS-2, Heavy Tank T26E3 versus Panzer VI Ausf. B Königstiger) représentatifs des principaux théâtres d’opérations de la Seconde Guerre mondiale en Europe et en Afrique du Nord et des principales générations de chars ou d’engins blindés – Texte, photos, profils couleurs.
- Nico SGARLATO, Le Cannone-Mitragliera Breda da 20/65 mod. 1935, une arme qui sort du lot : article de quatre pages sur le Cannone-Mitraliera Brada da 20/65 – Texte, photos.
- Santiago RIVAS, Les M51 & M50 chiliens, les Sherman du bout du monde : article de quatre pages sur les M5 et M51 chiliens – Texte, photos.
- Thomas SEIGNON, Le projet Azur, le RETEX comme vecteur initial de l’évolution des engins de combat : article de quatre pages sur les prototypes de kits de combat urbains Azur pour Char Leclerc, VAB et VBL – Texte, photos.
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 7,50 € TTC
Liens externes
