Fidèle à ses principes (format, champ éditorial, angle de vue et thèmes), le magazine Batailles propose ici quelques articles qui ne peuvent qu’aiguiser la curiosité au milieu d’un sommaire diversifié. En décortiquant des documents d’archives ou en remplaçant des faits connus dans leur contexte pour s’extraire de quelques interprétations subjectives trop souvent reprises sans réel esprit critique, les lecteurs peuvent ainsi découvrir qu’il est toujours utile de se replonger dans quelques grands classiques de la Seconde Guerre mondiale. A condition d’éviter bien sûr les redites généralistes et de produire un véritable travail de recherche et/ou d’analyse.
Recension
Ainsi, l’iconique bataille de Montcornet en mai 1940, ou plutôt la contre-attaque de la très gaullienne 4ème Division Cuirassée, passe en premier à la moulinette. Son auteur, Yves BUFFETAUT, suit déjà plusieurs décennies le sujet puisqu’il est l’auteur d’un livre paru chez Heimdal en 1990, De Gaulle, chef de guerre, sans compter ses nombreuses contributions dans différents magazines (dont une étude très critique sur le char R35 parue dans Batailles n°82.
Plus synthétique que l’excellente somme de Jean-Robert GORCE parue dans Histoire de Guerre n°24 en 2022, l’article présente une vision réellement pondérée qui s’affranchit de la légende gaullienne sans pour autant chercher à démonter systématiquement le mythe. Oui, l’engagement de l’unité française est hardi compte tenu de sa récente et incomplète formation. Non, la contre-attaque n’est pas une victoire historique puisque Montcornet ne retombe pas dans les mains françaises et qu’elle ne pèse en rien sur les opérations allemandes en direction de la Manche. Non, son objectif n’est pas de percer le flanc allemand. Oui, son objectif est bien de contribuer à masquer Paris, mais la poussée ennemie ne s’orientant alors pas dans cette direction, il est impossible de mesurer son efficacité. Oui, cet engagement apporte de nombreux enseignements tactiques pour les Français qui ont cependant peu de temps pour en tenir compte.
Comme pour la 1ère Division Cuirassée à Flavion, la non maîtrise de la contrainte du ravitaillement en essence expose les chars et leurs équipages à rompre le combat ou à s’exposer immobiles au mauvais moment. Un exercice que maîtrise déjà la Panzerwaffe, mais pas encore la toute nouvelle arme blindée française.
Cet article représente donc une synthèse équilibrée sur le sujet, courte et précise. Sa seule limite consiste à négliger dans le récit la prise de Montcornet par le raid de la 6. Panzer-Division en provenance de Monthermé. Cette action provoque la panique des états-majors français alors que la situation devant Sedan parait encore relativement sous contrôle. D’où l’attention des états-majors qui se concentrent immédiatement sur ce secteur.
Bref, vivement le futur article annoncé sur Crécy-sur-Serre !
Le deuxième sujet particulièrement intéressant concerne cette fois la bataille de Normandie. Il n’est pas question de décrire pour une énième fois un engagement déjà bien connu, mais d’éplucher les subtilités d’un rapport rédigé par Gerd von RUNDSTEDT après seulement deux semaines de combat. A dessein ou par erreur d’appréciation, les conclusions du maréchal sur les opérations du Débarquement peuvent apparaitre comme erronées ou manquant d’objectivité. Pour autant, à ce moment-là de la bataille, le commandant-en-chef peut avoir certains sujets de satisfaction. Les Alliés appliquent une stratégie à peu près conforme aux attentes. Que le Débarquement se produise sur la côte normande ne représente pas une réelle surprise comme en témoignent les débats qui agitent les états-majors germaniques les semaines précédentes et l’accélération de l’envoi de renforts dans ce secteur avant le Jour-J bien que les Allemands restent dans l’expectative quant au point d’effort allié et redoutent un second assaut sur le Pas-de-Calais.
S’adressant aux unités qui se dirigent vers le front normand, Gerd von RUNDSTEDT met logiquement l’accent sur la domination aérienne alliée. Les Allemands ne possèdent à l’évidence pas de remède miracle pour reprendre possession du ciel. Ils s’organisent néanmoins pour compenser cet handicap. Essentiel pour comprendre le choc opérationnellement ressenti et décrit par de nombreux témoignages, mais également la capacité de résistance allemande pendant plusieurs semaines.
L’article rappelle également que celui qui assume la responsabilité du front Ouest est bien von RUNDSTEDT auquel reporte Erwin ROMMEL qui se concentre davantage sur les engagements tactiques. Ce rapport montre que le “vieux maréchal” et son état-major restent très au fait des réalités du terrain.
Dans la même veine, Benoît RONDEAU s’appuie sur un rapport du XXXXVII. Panzer-Korps dans les Ardennes daté du 3 janvier 1945 pour analyser la perception allemande sur l’ordre de bataille allié. Un sujet passionnant. Comme les questions logistiques, industrielles, de circuit de décision, il mérite d’être bien plus souvent mis en avant dans l’historiographie.
Côté matériel, l’étude sur le Rhino Ferry permet de sortir des habituels navires de débarquement alliés. Il valorise surtout un instrument essentiel de l’apport des renforts alliés sur la tête de pont normande dans les semaines qui suivent immédiatement le Débarquement.
La rubrique des actualités contient également un petit nombre de sujets originaux et de détails à connaître. Ainsi, le contentieux entre la Pologne et la Biélorussie concernant le choix de la date de l’invasion de la Pologne par l’URSS pour une fête nationale ou l’ouverture du centre de documentation sur le déplacement, l’expulsion et la réconciliation de Berlin rappellent que les perspectives historiques sont grandement influencées par le côté d’où l’on se place et l’époque dans laquelle on vit. Un sujet sans fin !
Les autres articles apportent également des éclairages intéressants et variés puisqu’ils couvrent autant les Philippines, que l’Italie, Berlin et la fin méconnue de la guerre en Allemagne (en l’occurrence sur la Weser). De quoi faire de ce numéro un objet de lecture que s’adresse tant aux passionnés assidus de la Seconde Guerre mondiale qu’aux amateurs moins chevronnés.
Sommaire
- Biblio
- Actu
- Benoît RONDEAU, Croix de fer de Sam Peckinpah
- Yves BUFFETAUT, 17 mai 1940, la vérité sur la bataille de Montcornet : article de douze pages décrivant la constitution de la 4ème Division Cuirassée, le plan français pour couvrir Paris en cas de poussée allemande dans cette direction, le rôle de couverture dévolu aux forces commandées par de GAULLE, les combats de Montcornet proprement dits auxquels participent aussi quelques éléments de la 3ème Division Légère de Cavalerie (DLC), soulignant les faiblesses intrinsèques des divisions cuirassées françaises, tirant les enseignements notamment tactiques et sur les chars R35, D2 et B1 bis – Texte, carte, photos, profils couleurs.
- Benoît RONDEAU, Philippine 1942, Bataan et Corregidor : article de six pages sur l’invasion japonaise des Philippines et plus particulièrement les batailles de Bataan et Corregidor – Texte, carte, photos.
- Benoît RONDEAU, Anzio, février-mars 1944, Tanks Destroyers face aux Tiger : article de six pages sur l’engagement du Tank Destroyer M-10 Wolverine à Anzio/Nettuno du 601st US Tank Destroyer Battalion face notamment aux Panzerjäger VI(P) Elefant de la schwere Panzerjäger-Abteilung 653 et Panzer VI Ausf. E Tiger de schwere Panzer-Abteilung 508 – Texte, carte, photos.
- Yves BUFFETAUT, 20 juin 1944, l’incroyable rapport de von Rundstedt : article de douze pages analysant un rapport établi par Gerd von RUNDSTEDT sur la situation en Normandie et insistant particulièrement sur les conséquences de la maîtrise aérienne alliée et les mesures à mettre en œuvre pour y faire face en termes de camouflage, de gestion du trafic, de maintien des axes de circulation et de ravitaillement – Texte, photos.
- Yves BUFFETAUT, Le Rhino Ferry (RHF), illustre inconnu du D-Day : article de six pages sur le Rhino Ferry et son importance dans le transfert des renforts alliés les premiers jours de la bataille de Normandie – Texte, photos, plans.
- Nicolas PONTIC, Berlin 1945, chars lourds contre Panzerfaust : article de huit pages décrivant les caractéristiques de l’engagement des chars soviétiques dans les combats de Berlin soulignant le choix volontaire de l’Armée rouge d’engager massivement des forces blindées pour compenser son manque d’infanterie à ce stade du conflit – Texte, photos.
- Benoît RONDEAU, Ardennes 1945, le renseignement du 47. Panzerkorps : article de six pages comparant un rapport de renseignement du XXXXVII. Panzer-Korps daté du 3 janvier 1945 dans les Ardennes à l’ordre de bataille réel allié – Texte, carte, photos.
- Benoît RONDEAU, 1945, diables rouges contre Tiger et Panther sur la Weser : article de six pages sur les combats sur la Weser et plus particulièrement entre la 6th Airborne Division et la Kampfgruppe Schulze – Texte, photos.
- Benoît RONDEAU, Le champ de bataille d’El Alamein (2ème partie), cimetières et vestiges
Cartes, plans et profils couleurs
Cartes
- Montcornet, 17 mai 1940
- Philippines, 8 décembre 1941 – 8 janvier 1942
- Bataan, 23 janvier – 1er février 1942
- Anzio, tête de pont alliée au 1er février 1944
- Normandie, 20 juin 1944 (reproduction d’un document américain)
- Ardennes, opérations du 26 décembre 1944 au 16 janvier 1945
Plans
- Rhino Ferry (reproduction d’un document américain)
Profils couleurs
- Char D2 “Jupiter”, 19ème Bataillon de Chars de Combat (BCC), 1937
- Panzerjäger VI(P) Elefant “102”, schwere Panzerjäger-Abteilung 653, Italie, Anzio, 1944
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 8,20 € TTC