Panzer ! Le mot même symbolise la Seconde Guerre mondiale en Europe au point qu’une grande partie de l’historiographie s’y consacre exclusivement. Pourtant la genèse de l’arme blindée allemande et les raisons de ses victoires dans les premières années du conflit restent mal appréhendées. Nombre de légendes continuent même de prospérer dans des écrits reproduits sans cesse et sans réel esprit critique. Heureusement, le travail de certains historiens et auteurs, une plus grande distanciation par rapport aux évènements, permettent d’y voir désormais plus clair. L’éditorial de Yannis KADARI témoigne ainsi de cette évolution bénéfique quand il parle des Panzer de 1940 : ressources limitées, pénurie de cadres et de formateurs, matériels disparates et peu puissants, chars qui n’ont rien d’exceptionnels par rapport à leurs adversaires, présence encore limitée de la radio dans les engins… Les fadaises anciennes sur la supériorité numérique et qualitative absolue allemande en chars semblent désormais bien appartenir au passé !
Recension
Les clefs de la victoire allemande reposent donc sur autre chose que l’avantage technique et du nombre. Le différenciateur principal au niveau unités s’appuie notamment sur la maîtrise tactique et interarmes ainsi que le contenu et l’articulation des composantes des grandes unités blindées. Il ne faut pas oublier non plus les autres atouts qu’utilisent les Allemands lors de Fall Gelb : opérations aéroportées massives ou ciblées, actions commandos (voir Les commandos du Reich, tome 1), appui aérien tactique. Eclipsée par le succès octroyé aux Panzer, l’infanterie joue également un rôle essentiel dans les Ardennes (voir par exemple Sur les traces des Chasseurs ardennais de Bodange à Chabrehez) et en Hollande dès les premières heures de l’attaque. Il en est de même sur la Somme et sur l’Aisne lors du déclenchement de Fall Rot.
Le premier volet de l’étude consacrée aux tactiques des Panzertruppen aborde logiquement le développement et la mise en place des troupes rapides (blindées) allemandes. La clef des premiers succès allemands remonte en effet à l’immédiat après Première Guerre mondiale avec la mise en place d’une réflexion globale, d’une organisation permettant l’expérimentation de nouveaux concepts sans compter l’appui de l’URSS pour prêter ses terrains.
En Allemagne comme en France, en Grande-Bretagne, en URSS ou aux Etats-Unis, la révolution qui s’opère dans les affaires militaires autour de la motorisation et des blindés ne se fait pas sans tâtonnements, réticences et luttes d’influence.
Se concentrant exclusivement sur l’arme blindée allemande, ce premier article ne répond que partiellement à l’ouverture de l’éditorial. Faute d’un comparatif chronologique et thématique avec ses principaux adversaires, le lecteur doit interpréter les différences avec les adversaires en s’appuyant sur d’autres articles du numéro. C’est le seul moyens de saisir les facteurs réellement différenciants et disruptifs.
L’article sur la bataille de Flavion et le sacrifice de la 1ère Division Cuirassée peut ainsi servir d’illustration concrète. Autre bataille de rencontre à côté de celle de Hannut/Gembloux, elle symbolise l’impuissance tactique des grandes unités blindées françaises face à leurs homologues allemands. Malgré la pertinence de la réaction opérationnelle qui montrent qu’ils ne restent pas passifs et amorphes, les Français sont dominés sur l’ensemble de ce qui s’appelle désormais C3I (Command, Control, Communications & Intelligence). Dans ce domaine, la supériorité allemande est nette et leur permet de dominer leur adversaire. Une belle cartouche française est ainsi grillée inutilement. La faillite française n’est ni stratégique, ni opérationnelle, mais bien tactique.
Le manque de cadres allemands formés à l’arme blindée au début de la Seconde Guerre mondiale s’illustre parfaitement avec le portrait d’Otto von KNOBELSDORFF. Issu de l’infanterie, il incarne une nouvelle façon de commander en agissant de l’avant pour apporter un gain de temps ou prendre une décision critique au moment opportun. Ces qualités et ses facultés à penser interarmes lui permettent de se fondre sans difficulté dans la peau d’un commandant de division blindée puis de progresser jusqu’à commander une armée. Mais comme toutes les qualités ont leurs défauts, il sort brusquement de l’état de grâce lors des combats en Lorraine. Ses confrères ont beau jeu de souligner sa fatigue après après cinq ans de combat ininterrompus. Peut-être garde-t-il toujours cette qualité d’initiative qui fait la force du corps des officiers allemands au début du conflit et qui se perd au fur et mesure qu’Adolf HITLER resserre son contrôle sur les moindres détails. Son itinéraire, très différent de celui de George PATTON, rend cependant le parallèle entre les deux hommes assez hasardeuse.
L’article concernant les leçons de la guerre du Kippour pour les blindés démontre à nouveau l’intérêt de traiter des sujets post-1945 avec la même qualité et le même esprit que ceux ayant trait à la Seconde Guerre mondiale. L’analyse de la réaction des chars israéliens face aux missiles antichars égyptiens est passionnante. Un sujet à creuser et à élargir encore alors que les conflits de haute intensité reviennent à la mode !
En conclusion, un numéro intellectuellement piquant qui démontre les heureux progrès de l’historiographie concernant la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement la compréhension des succès allemands en ouverture du conflit.
Sommaire
Actualités
Actualité du livre (La bataille des Alpes 1940, La liste de Kersten, un Juste parmi les démons, L’armée de terre française du 10 mai 1940, De la guerre n°1, Richard Sorg un espion parfait, Les guerriers sans nom)
Loïc BECKER, Le sacrifice des B1 Bis, Flavion, 1940 : article de huit pages sur l’envoi de la 1ère Division Cuirassée sur Flavion en réaction à la traversée de la Meuse par les Allemands à Dinant en se focalisant sur les combats des chars B1 Bis des 28ème et 37ème Bataillons de Chars de Combat (BCC) face aux 5. Panzer-Division et 7. Panzer-Division – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
Sylvain FERREIRA, Les leçons de la guerre du Kippour pour les blindés : article de dix-huit pages analysant l’emploi des blindés durant la guerre du Kippour, leur réaction face aux défenses portées notamment par les missiles et roquettes antichars et l’évolution du combat chars contre chars – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
Yannis KADARI, Les tactiques des Panzertruppen (1ère partie), le combat interarmes : article de quatorze pages retraçant les origine et le développement de l’arme blindée allemande (Panzerwaffe) durant l’Entre-deux-guerres, soulignant les faiblesses des Panzer au début du conflit et le manque permanent de moyens mais aussi l’intégration interarmes particulièrement poussée des divisions blindées – Texte, photos.
Loïc BECKER, Otto von KNOBELSDORFF, le “Patton” allemand : article de huit pages dressant le portrait et le parcours militaire d’Otto von KNOBELSDORFF – Texte, photos.
Loïc BECKER, Janvier 1945, Herrlisheim, “Hellcats” dans la tempête : article de douze pages sur le combat entre la 12th US Armored Division et la 10. Panzer-Division à Herrlisheim durant lesquels intervient Erwin BACHMANN – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
Hans von LUCK, LRDG, El Alamein et Rommel, l’épopée du Major Hans von Luck en Afrique du Nord
Caractéristiques
- Nombre de pages : 82
- Langue : Français
- Reliure : brochée
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 7,50 € TTC