Les changements d’interprétation et la découverte de nouveaux éléments font le charme inusable de l’Histoire. La Seconde Guerre mondiale ne fait pas exception, bien au contraire, tant son historiographie reste imprégnée de la propagande d’époque et de la guerre froide ainsi que des interprétations politiques d’après-guerre. Heureusement que des historiens plongent dans les archives pour y découvrir de nouvelles preuves ou au contraire se rendre compte qu’aucun élément concret n’étaye des faits couramment admis. Modifier ses appréciations est donc logique. C’est d’ailleurs l’un des plaisirs de tout amateur d’Histoire. Il faut cependant prendre garde à être explicite sur ce qui évolue ou non et faire preuve de modestie dans ses élans éditoriaux au risque de rendre confus son message.
Recension
Normandie 1944 Magazine propose donc à nouveau un numéro trapu articulé de seulement cinq articles particulièrement denses avec un niveau de finition plutôt élevé. Centrés uniquement sur les combats terrestres, ils couvrent trois périodes des combats :
- Le Jour-J et les jours qui suivent immédiatement avec les dossiers sur Graignes et les Sturmgeschütz (StuG) III de la 352. Infanterie-Division,
- Le temps de la rupture du front allemand par les Alliés avec la suite de la percée de la 2nd US Armored Division lors de l’opération Cobra et celle de la Guards Armoured Division durant l’opération Bluecoat,
- La fin des combats sur le sol normand avec la libération d’Evreux.
Massacre ou pas ?
Dans 39/45 Magazine hors-série Historica n°95 paru en 2019, Denis van den BRINK parle de bien de quelques crimes de guerre commis à l’encontre de quelques civils et d’Américains à Graignes par des hommes de la 17. SS-Panzergrenadier-Division. S’appuyant sur les travaux d’un historien américain, le même auteur remet ici en cause l’image d’un massacre de masse de civils et de parachutistes de la 82nd US Airborne Division.
Voilà de quoi perdre tout lecteur un tant soit peu attentif, même si l’article permet de mieux cerner cette étrange bataille. Il aurait été utile de revenir sur les précédents écrits pour clarifier ce qu’il fallait ou pas en retenir plutôt que de partir sur quelques considérations tenant davantage de la promotion éditoriale.
Des réserves bien mal employées
L’historiographie retient généralement la résistance de la 352. Infanterie-Division à Omaha Beach, en oubliant souvent que plusieurs compagnies de la 716. Infanterie-Division sont également de la partie.
Pourtant, les Allemands ratent dans ce secteur une opportunité majeure dans les premières heures du Débarquement. La double contre-attaque de la 21. Panzer-Division (contre la tête de pont aéroportée britannique et jusqu’à la cote à Luc-sur-Mer) est plutôt bien connue. Celles dans le Cotentin aussi (Fallschirmjäger-Regiment 6 et 91. Infanterie-Division). Celle de la Kampfgruppe Meyer de la 352. Infanterie-Division l’est beaucoup moins.
Pourtant, cette unité représente la seule réserve à disposition directe du LXXXIV. Armee-Korps face au centre de la zone d’invasion alliée. Elle bénéficie des moyens antichars motorisés de la 352. Infanterie-Division qui sont conséquents avec Marder III et Sturmgeschütz (StuG) III. Après avoir analysé l’engagement des premier dans le précédent numéro, Frédéric DEPRUN se penche cette fois-ci sur les seconds engagés notamment à Crépon, Bazenville, Villiers-le-Sec et Creully face à la 50th Infantry Division et à la 8th Armoured Brigade. Comme d’habitude, l’article regorge de détails avec une iconographie conséquente. Il démontrer comment il est possible de plonger dans le détail d’un engagement d’une unité dont les archives ont globalement disparu en mobilisant celles de l’adversaire (films, photos, interrogatoires de prisonniers, appréciations de l’ennemi).
Notre-Dame-de-Cenilly, troisième partie
Une fois la percée obtenue dans les premières lignes allemandes le second jour de l’opération Cobra, le chaos règne sur les arrières du LXXXIV. Armee-Korps. Notre-Dame-de-Cenilly illustre parfaitement les raisons du succès de l’exploitation américaine avec la 2nd US Armored Division et la confusion qui s’empare des unités allemandes. Un article qui repose essentiellement sur des témoignages américains.
Nouvelle illustration ici après les articles parus dans les numéros 25 et 29.
Et aussi…
Le succès de l’opération Cobra ne signifie pas la fin de la bataille de Normandie. Plus d’un mois de violents combats se poursuit encore au milieu desquels militaires et civils payent un lourd tribut. Les articles sur l’action de la Guards Armoured Division sur Le Tourneur et la libération d’Evreux le rappellent.
C’est donc un numéro particulièrement appréciable que gâche un peu le sentiment de confusion qui se dégage de la façon est construit l’article sur Graignes, au demeurant très intéressant d’un point de vue tactique.
L’iconographie reste recherchée, mélangeant photos d’archives, reproductions couleurs d’objets d’époque qui ne se limitent pas aux seuls uniformes et tenues de combat, ainsi que vues contemporaines des liens.
Sommaire
- Denis van den BRINK, Graignes, entre mythes et réalités, la légende bousculée !, in Normandie 1944 Magazine n°39 (Heimdal, 2021)
- Frédéric DEPRUN, Les StuGe de la KG Meyer, 2./Pz.Jg.Abt. 352, 6 juin 1944, in Normandie 1944 Magazine n°39 (Heimdal, 2021)
- Jean TORCHIO, La “Hell on wheels” dans le secteur de Notre-Dame-de-Cenilly (3ème partie), in Normandie 1944 Magazine n°39 (Heimdal, 2021)
- Stéphane JACQUET, 1er août 1944, objectif Le Tourneur par la Guards Armoured Division, in Normandie 1944 Magazine n°39 (Heimdal, 2021)
- Stéphane JACQUET, 23-24 août 1944, la libération d’Evreux par la 30th US Infantry Division (1ère partie), in Normandie 1944 Magazine n°39 (Heimdal, 2021)
Caractéristiques
- Nombre de pages : 96
- Langue : Français
- Format : broché
- Dimensions : 21 x 29,7 cm
- Prix conseillé France à la date de parution : 11,50 €