Histoire de Guerre, Blindés & Matériels n°75 (Histoire & Collections, 2007)

Quelle stratégie adoptée face à la menace allemande en 1940 ? Faute d’avoir pu aider la Pologne envahie par l’Allemagne puis par l’URSS en septembre 1939, la France se retrouve désormais dans la ligne de mire. Quand les Allemands déclenchent leur opération Fall Gelb le 10 mai 1940, la France et la British Expeditionary Force (BEF) réagissent promptement en partant à la rencontre de l’adversaire avec la manœuvre Dyle-Breda… Une attitude réactive qui montre qu’avoir une posture défensive ne signifie pas être totalement passif.

Publicités

Recension

Dyle-Breda, l’erreur coupable de tous les maux ?

L’avance en Belgique semble être, après-coup, un piège. Le point d’effort principal allemand permet en effet de cisailler l’ensemble des unités alliées aventurées en Belgique. L’historiographie devient donc rapidement très critique sur l’opportunité d’une telle stratégie et sur son initiateur, Maurice GAMELIN. Depuis, peu d’acteurs défendent les options retenues. Et pourtant, elles reflètent une certaine logique et tiennent compte de l’expérience encore présente de 1914.

Choix éditorial audacieux

De façon originale, ce numéro de GBM publie une “interview” du général en chef des armées alliées sur les raisons et les objectifs de son plan. Pour se faire, le magazine puise dans les propos tenus par l’intéressé lors d’une audition à l’Assemblé Nationale en 1947 au cours de laquelle il se positionne également sur l’emplacement choisi des réserves. Alors que ses mémoires sont devenus quasiment introuvables, cet article permet de pondérer des jugements quelque peu hâtifs et de prendre un peu de hauteur.

En résumé…

En fin d’article, GBM résume distinctement les quelques arguments qui militent en faveur du plan Dyle-Breda :

  • Eloigner industrie et mines de fer de la ligne de front
  • Raccourcir cette ligne de front
  • Recueillir l’armée belge et, si possible, l’armée hollandaise
  • Protéger les côtes britanniques
  • Encadrer l’ensemble du dispositif allié

Il faut noter que l’argument de protéger les centres économiques vitaux sont repris à plusieurs reprises par les différents belligérants au cours du conflit. A l’inverse, ils sont également ciblés en priorité. Ce sera le cas de la Ruhr par les Alliés occidentaux, des pétroles roumains ou de la Silésie à la fin de la guerre. Un quart de siècle après l’occupation de ces régions par les Allemands au cours de la Première Guerre mondiale, ce choix tient compte également de l’expérience des choix de 1914.

A propos des réserves, GBM résume ainsi les choix de Maurice GAMELIN :

  • La position centrale et groupée des divisions cuirassées
  • L’existence d’un état-major d’armée disponible
  • La capacité à prélever et déplacer sans délai des divisions d’infanterie de la partie inactive du front

Une carte pédagogique complète le texte en positionnant les armées belligérantes au 13 mai 1940 avant la percée sur la Meuse de Dinant à Sedan. Elle précise le positionnement des réserves françaises et rappelle que le maintien en Belgique permet aussi de protéger les côtes britanniques.

Cet article ne peut qu’aiguiser la curiosité et inviter à se plonger des ouvrages plus contemporains que ce texte de 1947 et analytiques comme Mai 1940, fallait-il entrer en Belgique ou La défaite française, un désastre évitable (tome 1).

Ce n’est donc pas tellement le plan d’ensemble qui pose problème, mais plutôt la façon dont il est exécuté par rapport aux moyens mis en œuvre par l’adversaire.

Une armée française en pleine évolution

Si l’armée française ne reste pas passive même dans sa posture défensive, elle ne demeure pas non plus immobile d’un point de vue doctrinal et des matériels. La création de la sa première grande unité blindée, la 1ère Division Légère Mécanique (DLM) précède de trois mois celle des premières divisions blindées allemandes. L’essentiel de son parc blindé est comparable à celui allemand. Les chars lourds sont minoritaires dans les deux camps. Et l’armement des chars légers est bien loin des engins qui se développent à partir de 1941 avec des canons longs.

La cavalerie blindée française se trouve donc effectivement à son apogée en mai 1940 d’un point de vue unités et matériels. Comme les Allemands, un certains nombre de chars et de blindés peu propices aux combats modernes malgré leur conception récente sont complétés par des engins désormais bien mieux conçus. La question des transmissions fait également son chemin.

Cependant, la mue n’est pas totalement achevée, les Divisions Légères de Cavalerie (DLC) étant transformées au pas de charge en Divisions Légères Mécaniques (DLM) pour la seconde partie de la bataille de France. Partis plus tard, dans la créations d’unités légères, les Allemands corrigent néanmoins plus tôt leurs défauts. Les leichte Divisionen sont ainsi transformées en Panzer-Divisionen à l’issue de l’invasion de la Pologne.

Ce numéro donne donc une image de l’armée française bien plus nuancée que de nombreux jugements hâtifs et souvent contradictoires : une stratégie réfléchie et motivée, une posture défensive mais non passive et un bouillonnement doctrinal et technique similaire au camps d’en face. Un régal !

Sommaire

  • Le Manifeste français
  • François VAUVILLIER, Manœuvre Dyle-Breda, le général Gamelin explique, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • Stéphane BONNAUD, Le 9ème Bataillon de chars de Combat Renault R35 (2ème partie), face aux Waffen-SS à Saint-Hilaire-Cottes, 23 mai 1940, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • François VAUVILLIER, La voiture de liaison tous terrains Laffly S 15 R, 1934-40, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • Tribune libre
  • François VAUVILLIER, Notre cavalerie mécanique à son apogée le 10 mai, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • Aimé SALLES, Fer de lance des transmissions de la cavalerie, l’ER 26 ter ou un précurseur français du SCR 193, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • Pascal DANJOU, Nos Chevrolet ex-espagnoles, les automitrailleuses du dernier quart d’heure, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • François VAUVILLIER, Notre plus gros calibre en août 1914, le mortier de 270 modèle 1885 de Bange, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • François VAUVILLIER, 1918-1940, la formidable artillerie à chenilles du colonel Rimailho (2ème partie), les pièces longues, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)
  • François VAUVILLIER, Monstre sacré de la voie sacrée, le Berliet CBA 1913-1918, in GBM n°75 (Histoire & Collections, 2007)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.