Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021)

Un numéro monstrueux grâce à son formidable dossier sur la bataille des Ardennes qui manie avec talent l’art de l’uchronie ! Un excellent comparatif entre plan et réalité. La volonté seule ne suffit pas…

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Recension

De l’art et de l’utilité de l’uchronie en Histoire

Plus d’un tiers de ce numéro de Ligne de Front est donc consacré à l’échec allemand dans les Ardennes. Yann MAHE imagine le déroulement parfait de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel sur la base des projections de l’époque. Contrairement à la réalité, les Allemands atteignent leur premier objectif opérationnel (la Meuse) au troisième jour de l’offensive. Puis leur ultime but stratégique (Anvers) tombe comme un fruit mûr. Le 21st Army Group (1st Canadian Army, la 2nd Army, la 9th US Army et une partie de la 1st US Army) se retrouve pris au piège.

Un vrai travail d’analyse et non de copiste à l’inverse de nombre d’écrits sur la bataille des Ardennes qui puisent aux mêmes historiques américains d’après-guerre (cf. l’interview de Hughes WENKIN).

Par sa construction et son contenu, l’article souligne d’autant plus la méticuleuse préparation allemande. Les Allemands se donnent le maximum de chances pour réussir. Les commandos de l’opération Greif, la Panzer-Brigade 150 ou encore l’opération Stösser semblent moins ainsi anecdotiques en cas de victoire. Mais entre les souhaits et l’exécution il y un pas. Avant même le début de l’assaut, plusieurs unités manquent déjà à l’appel. Et encore, l’auteur n’insiste pas trop sur les effets de l’offensive américaine sur Kesternich dans les jours qui précèdent. Rien ne peut donc se dérouler comme prévu.

Le dossier ne s’arrête pas sur les seules unités au sol. Dans les airs, les Allemands effectuent des préparatifs exceptionnels. Mais le report de l’opération Bodenplatte a un impact double. D’une part, les moyens aériens alliés ne sont pas altérés. D’autre art, la Luftwaffe en garde sous le pied dans l’optique de son grand coup. Certes, les conditions climatiques limitent l’activité aérienne dans les premiers jours de la bataille. Mais le ciel est âprement disputé à la moindre éclaircie. Un sujet souvent laissé de côté dans l’historiographie (voir cependant 39/45 Magazine hors-série Historica n°93 et n°94) dont il faut souligner l’importance.

La 5. Panzer-Armee est toute autant fautive que la 6. Panzer-Armee dans le retard pris dès le démarrage de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel. Le fait qu’elle progresse plus loin et atteigne presque Dinant ne change rien. Le succès est déjà hypothéqué par les échecs du premier jour (Ligne de Front hors-série n°29).

Sur le front des 6. Panzer-Armee et 5. Panzer-Armee tout se joue dans les toutes premières heures. En effet, pour pouvoir bousculer sérieusement les Américains et éventrer la centaine kilomètre de front, il faut immédiatement pulvériser le rideau défensif de la 1st US Army. La réalité est toute autre. La succession de retards qui s’accumulent devant le front des deux armées chargées de percer est catastrophique. Plusieurs raisons expliquent cette mauvaise performance initiale. Le secret impose l’absence de reconnaissance et une arrivée tardive des unités sur la ligne de front. Pour ménager la surprise, la préparation d’artillerie est limitée. La baisse qualitative des troupes et de leur encadrement en cette période du conflit est patente. Certains matériels d’appui font défaut. Enfin, les unités américaines s’accrochent globalement à leurs positions. Elles n’hésitent pas à contre-attaquer (cf. La percée allemande, bataille des Ardennes, Bastogne, tome 1). La progression ne dépasse donc pas quelques kilomètres…

Les heures perdues pour les Allemands sont des heures gagnées par les Alliés. Elles permettent ainsi aux premiers renforts d’arriver à temps d’autant que la réaction est plus que rapide. La 7th US Armored Division peut atteindre Saint-Vith. Et la 10th US Armored Division se charge de Bastogne en attendant d’autres moyens plus conséquents.

Le retard pris par les Allemands dès le 16 décembre 1944 permet à la 7th US Armored Division de se faufiler jusqu’à Saint-Vith (cf. Loss and Redemption at Saint-Vith).

L’article n’oublie pas l’engagement d’armes spécifiques tels que les V2, V3 et Mörser Karl Gerät.

Avec cette uchronie, le lecteur prend la pleine mesure de l’ampleur des préparatifs allemands. Les moyens prévus sont à la hauteur des ambitions de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel. Si la théorie est parfaite, les conditions de fin 1944 ne sont plus les mêmes que celles de 1940. Trop de frictions s’imposent avant même le lancement de l’assaut…

Les premiers jours de la bataille des Ardennes côté réalité… A relire dans Ligne de Front hors-série n°37.

Troisième et dernier volet sur la 1. Skijäger-Division

Ce numéro conclue l’étude sur la 1. Skijäger-Division. L’article démarre avec le début de l’opération soviétique Vistule-Oder. Le front allemand s’effondre. Malgré la déliquescence ambiante, la guerre continue. Seule une discipline de fer permet de retarder l’inéluctable.

Le T-54, symbole et héritier de l’évolution des chars au cours de la Seconde Guerre mondiale

La quasi-totalité des modèles de chars engagés en 1939 et en 1940 sont retirés des premières lignes avant 1943. En 1945, seuls les T-34 et les Panzer IV font d’exception. Mais leur potentiel de développement est déjà plus qu’atteint.

En moins de cinq ans, une page s’est tournée. L’article sur la filiation T-34 / T-44 / T-54 donne une illustration flagrante de cette accélération technologique et conceptuelle. Le char né de la Première Guerre mondiale parvient à maturité. Il laisse la place à un engin plus polyvalent, le Main Battle Tank.

A noter le secret entourant le T-44 alors que la Guerre froide se lève. Un épisode qui rappelle celui du T-34. Les Allemands ne le découvrent qu’après le déclenchement de l’opération Barbarossa. Dans les tous domaines, la Seconde Guerre mondiale irriguent pour plusieurs décennies le contexte géopolitique et le modelage des forces armées.

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Et aussi…

Deux articles complètent le sommaire. L’un détaille l’offensive allemande en direction de Touapsé dans le Caucase. Il complète l’article paru sur les combats sur le Terek dans Batailles & Blindés n°95. Fall Blau n’est pas uniquement Stalingrad. Les lecteurs peuvent aussi compléter avec l’article sur la 97. Jäger-Division paru dans Ligne de Front n°85.

L’autre évoque le 555th US Parachute Infantry Battalion. Celui n’est pas engagé en première ligne au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais il lutte contre les incendies de forêt déclenchés par les ballons Fu-Go. A compléter avec l’article sur l’arsenal secret d’Hiro-Hito paru dans Ligne de Front n°63. Etonnant et avec de splendides photos couleurs !

Ce numéro comprend ses habituelles rubriques d’actualité tirées du site Zone militaire. La rubrique livre commentent cinq livres dont La Luftwaffe en France tome 2 et Le colonel Charles Michon au sujet du chef des Cadets à Saumur en juin 1940.

Les Japonais ont eux-aussi leurs armes miracles : à découvrir dans Ligne de Front n°63 . Les ballons Fu-Go nécessitent l’intervention de parachutistes américains pour éteindre les feux de forêt qu’ils déclenchent !

Sommaire

  • Actualités
  • Actus du livre
  • Yann MAHE, 1. Skijäger-Division, division d’élite et d’exception (3ème partie), in Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021) : article de huit pages sur les derniers combats de la 1. Skijäger-Division face à l’opération Vistule-Oder et notamment à Ratibor – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
  • Laurent TIRONE, Du T-44 au T-54, la naissance d’une légende, in Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021) : article de dix pages sur le T-54, sa parenté avec le T-44 et encore avant avec le T-34 – Texte, photos, profils couleurs.
  • Yann MAHE, Ardennes 1944, 7 jours pour tout changer, le plan d’Hitler pour gagner sa dernière offensive, in Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021) : uchronie de trente pages relatant ce qu’aurait dû se passer pour aboutir à une victoire stratégique allemande suite au déclenchement de l’opération Wacht am Rhein / Herbstnebel avec la réussite des opérations Bodenplatte, Stösser et Greif, et à la traversée des Ardennes puis de la Meuse dans les délais impartis – Texte, cartes, photos, profils couleurs.
  • Luc VANGANSBEKE, Voir Touapsé et mourir, une bataille décisive dans l’ombre de Stalingrad, in Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021) : article de seize pages sur les combats pour Touapsé lors de l’opération Fall Blau en direction du Caucase – Texte, cartes, photos.
  • Loïc BECKER, Le 555th PIB, les “pompiers” parachutistes, in Ligne de Front n°90 (Caraktère, 2021) : article de quatre pages sur le 555th US Parachute Infantry Battalion et ses actions contre les feux de forêt déclenchés par les ballons japonais Fu-Go – Texte, photos.

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