Ligne de Front hors-série n°42 (Caraktère, 2021)

Près de trente ans après l’ouvrage de Jean-Paul PALLUD, près de vingt ans après celui de Jean-Yves NASSE, l’historiographie francophone s’enrichit d’un nouvel ouvrage sur l’opération Merkur en Crète en 1941 sous la plume cette fois-ci de Sylvain FERREIRA. Par rapport au premier, le saut qualitatif sur la forme est particulièrement marquant, montrant ainsi les énormes progrès réalisés en la matière. De plus, le fond est lui aussi en progrès avec une approche plus complète et globale. Par rapport au second, ce numéro est nettement moins germano-centré et pas uniquement focalisé sur les actions des parachutistes en rétablissant l’importance des dimensions aériennes et terrestres. Ligne de Front propose donc ici une très utile et agréable synthèse.

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Vue d’Europe, cette opération aéroportée fait partie des grands moments de la Seconde Guerre mondiale. Souvent qualifiée de “tombeau des paras allemands”, l’image d’une victoire bien trop coûteuse qui condamne ensuite toute action d’envergure allemande par la voie des airs lui colle à la peau.

Pourtant, cette perception issue des propos de mérite d’être pondérée. Il faut d’ailleurs bien lire la conclusion de l’auteur. Si les Allemands arrêtent les opérations aéroportées d’envergure qu’ils ont entamé en Norvège et poursuivi en Hollande, ce n’est pas tant à cause des pertes qui sont à chaque fois élevées en hommes et en moyens de transport. La raison est d’ordre plutôt stratégique avec désormais la difficulté d’obtenir les conditions d’une surprise totale. Effectivement, sans parler du décryptage par ULTRA de ses communications, le III. Reich ne rentrera plus dans cette configuration. En outre, la guerre en URSS ne prête ensuite pas tellement à ce type d’action comme les Soviétiques vont le découvrir sur le Dniepr, mis à part le renforcement des troupes de partisans.

En Crète, les deux camps commettent un nombre d’erreurs que ce soit sur terre, dans les airs et sur mer. C’est finalement le camp qui en commet le moins qui l’emporte. Car la bataille concerne véritablement les trois dimensions qui sont pour la circonstance particulièrement liées et entremêlées. C’est tout le mérite de cette étude qui décrit également pourquoi la Crète se retrouve au centre des enjeux germano-italiens d’un côté et britanniques de l’autre en mai 1941 pour amener le lecteur à suivre en parallèle les préparatifs des deux camps puis les combats eux-mêmes.

Ces derniers sont l’exemple même qu’un plan ne se déroule jamais comme prévu, que de multiples frictions (ou opportunités) font basculer la victoire d’un côté ou de l’autre et que la maîtrise de la conduite des opérations est essentielle.

Dans les deux camps ou à tous les niveaux de la hiérarchie, la question du leadership est cruciale. C’est elle qui au final décide de l’issue de la bataille.

Bien conçu, clair, non centré uniquement sur les actions aéroportées allemandes, ce numéro est assurément la nouvelle référence francophone en la matière. Quelques planches de dessins et des reproductions couleurs d’objets d’époque auraient idéalement complété l’ensemble. Il complète parfaitement les numéros hors-série consacrés aux troupes aéroportées durant la Seconde Guerre mondiale. Car l’opération Merkur montre une nouvelle étape dans le potentiel de cette arme : l’assaut d’une île par la voie des airs. Un concept qui sera repris plus tard, notamment en Sicile, mais combiné avec une action de débarquement quasi simultanée.

Sommaire

  • Introduction
  • Mare Nostrum ? L’Italie à l’assaut de la Grèce
  • “Merkur” un plan trop audacieux, la genèse de l’opération
  • La défense de l’île, un piège pour qui ?
  • 20 mai, le jour J, une journée en enfer
  • 21, 22 mai, le Schwerpunkt de Maleme, l’arrivée des renforts de la 5. Gebirgs-Division
  • Echec et mat, de la conquête à l’évacuation (23 mai – 1er juin)
  • Crète, tombeau des parachutistes allemands, le bilan de l’opération Merkur

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