L’éditorial d’Yves BUFFETAUT revient sur la baisse année après année de la presse, mais annonce, malgré un contexte morose, le doublement des numéros hors-série du magazine Batailles. Cela pourrait être une bonne nouvelle, à condition de ne pas produire du volume pour du volume. En effet, la multiplication des supports, le rythmes effréné des publications et les différents projets éditoriaux menés en parallèle engendrent, pour à peu près tous les éditeurs, souvent du recyclage d’anciens textes avec un renouvellement iconographique limité. Un équilibre délicat entre rechercher du chiffre d’affaire à court terme à moindre coût sans désespérer sa base clients sur le plus long terme.
La lassitude d’avoir l’impression de relire toujours les mêmes choses, quand ce ne sont pas littéralement les mêmes textes, avec un niveau d’information sans beaucoup plus de valeur ajoutée que sur internet, est l’une des raisons de la baisse d’intérêt des lecteurs pour la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi, les plus anciens sont à la recherche de spécialisation. Car c’est l’espoir, pas toujours concrétisé, de payer pour avoir de l’orignal.
A titre d’exemple, la parution de Moscou 1941 par Ysec en 2015 reprenant le 39/45 Magazine n°17 près de trente ans après sa parution initiale montre la limite de repuiser dans d’anciens textes sans mettre à jour les données : le décalage avec l’avancée de l’historiographie est patent. Déjà fortement inspiré des écrits de Paul CARELL, le texte original et le concept paraissent encore intéressants en 1987. Beaucoup moins trois décennies plus tard, même en ouvrage de premier accès pour de jeunes lecteurs.
De plus, ces derniers ont une perception du poids du conflit dans l’actualité désormais différente. Ils ne seront pas captés avec les mêmes recettes que celles qui ont intéressé leurs aînés il y a dix, vingt ou trente ans, au plus grand bonheur des hors-série Militaria, de Champs de Bataille Seconde Guerre mondiale et de 2e Guerre Mondiale. Trois revues qui se sont d’ailleurs arrêtées pour des raisons économiques liées à la difficulté de se renouveler éditorialement et de s’adapter sur la forme aux exigences du marché. Une situation d’autant plus difficile quand les coûts de production et de distribution s’envolent.
Comme nous l’évoquions lors de la présentation du Batailles n°90, la voie est étroite pour une ligne éditoriale généraliste avec une approche narrative classique et une iconographie à l’originalité limitée tout en proposant un prix au numéro similaire à celui de la concurrence directe.
En creux, la conclusion de l’éditorial reconnaît cette difficulté de se renouveler : “un hors-série vraiment inédit sur la Normandie est en préparation”…
En attendant avec impatience ce rendez-vous donné et pour le moins ambitieux, deux thèmes principaux se dégagent de ce numéro.
Le premier concerne les combats en Norvège, abordés par le prisme de la guerre sur mer et du corps expéditionnaire français. La conclusion du premier établit un lien entre les pertes consenties par la Kriegsmarine avec l’incapacité allemande de débarquer en Grande-Bretagne. La logique est quelque peu osée mais repose en fait la question de l’opération Seelöwe : chimère ou volonté réelle ? Une fois la guerre enclenchée suite à l’invasion de la Pologne, le III. Reich fait pour la première fois un choix stratégique très questionnable : celui de se tourner vers l’URSS avant d’avoir définitivement neutralisé la Grande-Bretagne.
Les anciens lecteurs de 2e Guerre Mondiale retrouvent ensuite des sujets et articles plus ou moins retravaillés en profondeur. On pense notamment à l’article sur les diables verts de Cassino qui fait résonnance avec le dossier plus complet sur les parachutistes allemands en Italie paru dans 2e Guerre Mondiale n°67 ou celui sur le pont logistique établi avec la Tunisie traité aussi à plusieurs reprises avec des clichés peu ou prou identiques.
L’étude sur le tankiste britannique par Benoît RONDEAU complète ses précédents travaux sur les équipages de chars allemands et sur l’armée britannique axés plus spécifiquement sur la vie quotidienne des combattants. Un élément intéressant apparaît, celui des pertes en Normandie et la nécessité de transférer du matériel en provenance des stocks américains pour maintenir la force de frappe des divisions blindées britanniques émoussée par les offensives lancées successivement contre le front allemand.
Les articles sur Kurt MEYER dans les Balkans ou le raid Doolittle demeurent des grands classiques dans l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale. L’article sur les derniers assauts massifs des meutes des U-Boote dans l’Atlantique en 1943 montre que la guerre est loin d’être facilement gagnée et que les Alliés doivent être vigilants jusqu’au bout. Ce sera également démontré lors des combats à l’Ouest en 1944 et 1945.
Le sommaire conforte Batailles dans son rôle de magazine généraliste d’accès à la Seconde Guerre mondiale qui a le mérite de proposer dans un même numéro des sujets aussi variés, de couvrir l’ensemble des dimensions terrer / air / mer ainsi que de balayer les principaux théâtres d’opérations (Europe, Pacifique, Atlantique) montrant ainsi le caractère véritablement mondial des conflits qui se juxtaposent durant cette période. Par contre, les lecteurs ayant déjà quelques milliers d’heures de lecture dans les yeux n’y trouveront rien de vraiment neuf.
Sommaire
- Actu
- Yves BUFFETAUT, Norvège 1940, la Kriegsmarine perd la guerre sur mer, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de huit pages sur les affrontements navals au large de la Norvège entre les flottes britanniques et allemandes et le massacre des destroyers allemands à Narvik – Texte, carte, photos.
- Yves BUFFETAUT, 1940, le corps expéditionnaire français en Norvège centrale, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de huit pages sur le Corps Expéditionnaire Français en Scandinavie, sa composition et son transfert en Norvège avant d’être finalement évacué suite à la tournure des évènements en France – Texte, photos.
- Nicolas PONTIC, Kurt “Schneller” Meyer et la campagne de Yougoslavie, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de dix pages présentant les grandes lignes et les effectifs engagés dans l’opération Marita ainsi que le parcours de Kurt MEYER et de la Leibstandarte SS Adolf Hitler – Texte, carte, photos, profils couleurs.
- Benoît RONDEAU, Être tankiste de Sa Majesté, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article desix pages sur la vie quotidienne des équipages des chars britanniques – Texte, photos.
- Yves BUFFETAUT, “30 secondes sur Tokyo”, le raid de Doolittle contre le Japon, avril 1942, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de six pages sur le raid de bombardement mené sur Tokyo le 18 avril 1942 mené sous le commandement de James DOOLITTLE – Texte, photos.
- Nicolas PONTIC, Pont aérien en Tunisie, exploit ou sacrifice inutile de la Luftwaffe, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de dix pages sur le pont aérien mis en place par les Allemands pour alimenter en troupes et en ravitaillement la tête de pont germano-allemande en Tunisie et l’ampleur de l’engagement du transport militaire aérien – Texte, photos, profils couleurs.
- Nicolas PONTIC, Hiver/printemps 1943, le basculement du conflit ?, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de dix pages sur les conséquences stratégiques, diplomatiques et psychologiques des défaites allemandes à Stalingrad et en Tunisie – Texte, photos.
- Benoît RONDEAU, La bataille de Cassino, les diables verts en action, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de six pages sur l’engagement de la 1. Fallschirmjäger-Division à Cassino – Texte, carte, photos.
- Benoît RONDEAU, 1943, la dernière offensive des U-Boote, in Batailles n°92 (Ysec, 2021) : article de huit pages sur l’attaque des convois alliés HX 229 et SC 122 par les sous-marins allemands dans l’Atlantique en mars 1943 – Texte, photos.