Quelques mois seulement après avoir proposé un tapuscrit inédit d’un vétéran de la 57. Infanterie-Division sur la bataille d’Abbeville, les Editions Heimdal récidivent avec celui d’un vétéran de la Fallschirmjäger-Brigade Ramcke lors des combats d’El Alamein et de la retraite qui s’en suit. Acquis aux enchère chez Hermann Historica, un véritable trésor de plus de cent dix pages !
Le témoignage a tout d’abord une très forte valeur historique. Écrit juste après les combats entre deux tours d’opérations en Afrique du Nord, c’est un texte dans son jus qui est proposé, non retouché après-guerre. Un témoignage brut de décoffrage qui illustre les impressions et les opinions du vétéran au moment où il écrit. Ce qui frappe encore une fois dans les témoignages écrits et photographiques allemands de la Seconde Guerre mondiale, c’est la grande liberté qui est accordée aux hommes de figer ainsi leurs souvenirs. Même si beaucoup de documents sont détruits dans la défaite et au fil des années, il est toujours surprenant de voir surgir du passé de telles traces.
Trésor historique aussi parce qu’il décrit le quotidien d’un soldat de l’Afrika-Korps, les affres de la vie du désert, le quotidien sur la ligne de front, la misère et les angoisses de la retraite. Ce n’est pas un récit héroïque sublimé, mais la thérapie d’un soldat qui couche sur le papier son vécu. Les maux de ventre, les mouches, le froid sont des épreuves partagées quels que soient les grades. Sans fioriture, le lecteur est plongé dans le contexte primitif des hommes en guerre. Etonnement, la mort et la blessure se font relativement discrètes ou pour le moins aseptisées.
Les anecdotes des premières pages témoignent d’une sincère camaraderie entre soldats italiens et allemands sans pour autant minimiser les barrières de la langue et des différences culturelles.
Le narrateur procure également un intéressant portrait de Bernhard RAMCKE, plein d’admiration sincère pour le chef qu’il est. Assurément, les hommes ne sont pas des repentis de l’idéologie de leur époque et les propos ne trahissent aucune amertume ou remise en question de fond. Les préoccupations sont bien plus terre à terre : le ravitaillement qui ne traverse pas correctement la Méditerranée, le choc climatique entre l’URSS et l’Afrique du Nord, la recherche de repère pour tenter de comprendre la situation militaire d’ensemble… Mais aussi la grande fierté de servir des chefs visiblement admirés et respectés en qui le soldat place sa confiance : Erwin ROMMEL ou Bernhard RAMCKE. La précarité de la situation militaire ne semble pas échapper au narrateur qui fait preuve d’une certaine lucidité.
Journaliste, l’auteur propose un texte vivant, même si le style est parfois un peu tortueux. Il faut rappeler que le récit est vraiment brut, notre parachutiste étant capturé lors de son retour en Afrique du Nord sans avoir l’opportunité de pouvoir le retoucher.
D’un point de vue opérationnel, le récit couvre la période du 23 octobre à la mi-novembre 1942 offrant une vue incomparable de la perception de la bataille d’El Alamein et de la retraite jusqu’en Tunisie.
Le travail éditorial est particulièrement bien fait. Le choix est de proposer le texte tel quel en y apportant quelques précisions par des notes qui permettent d’apporter quelques précisions sur des lieux, des événements ou des personnes évoquées. Bien vu également les quelques vues du document original qui permettent de visualiser son état initial et de mesurer également le travail nécessaire à sa publication. L’iconographie est de bonne qualité, même si elle provient d’archives officielles. Les reproductions d’objets et d’uniformes d’époque sont également bienvenues.