Interview Frederick JEANNE à l’occasion de la parution de son livre Fontenay-Rauray, la 49th Division et la 8th Brigade face à la Panzer-Lehr et la Hitlerjugend, 13.6 – 1.7.1944 (Maranes, 2020)

A l’occasion de la parution de son livre chez Maranes sur les combats pour Fontenay-le-Pesnel et Rauray des 49th (West Riding) Infantry Division et 8th Armoured Brigade, Frederick JEANNE nous fait l’honneur de répondre longuement et dans le détail à quelques questions (grand merci à lui !). Un entretien essentiel pour comprendre les ressorts d’une passion et comment se construit un vrai travail historiographique. A découvrir…

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Entre Trois jours en enfer, Caen juillet 1944, Hold the OAK Line et votre dernier livre paru chez Maranes en juin 2020 Fontenay-Rauray, The Bear and Fox, Ready for the Fray, vous apparaissez comme un spécialiste des engagements canadiens et britanniques en Normandie. Pourquoi cet intérêt ?

Spécialiste est un bien grand mot. Je dirai plutôt passionné et chercheur. Je suis né près de Caen et j’ai grandi dans ce secteur d’engagement que j’étudie à travers mes ouvrages. Mon grand-père, à qui je rends hommage dans le livre, fait partie des enfants derrière le général de Gaulle lors de sa visite à Bayeux le 14 juin 1944. Il a été parmi les premières personnes à voir les Britanniques arriver à Bayeux le 7 juin au matin, et à voir les chars de la 8th Armoured Brigade dans les rues de la ville. Ma grand-mère a été libérée avec sa famille à Venoix par les Canadiens du North Nova Scotia Highlanders le 9 juillet pendant l’opération Charnwood.

Le 50ème anniversaire en 1994 a été une révélation. S’en sont suivies les histoires personnelles de mes grand-parents. Chaque enfant de notre génération, dont les grand-parents ont assisté à ces événements historiques, a entendu nos “anciens” en parler. De plus à cette époque, les 55ème, 60ème, 65ème, 70ème, plus toutes les années non considérées comme un “grand” anniversaire permettait de voir les vétérans et leurs familles de manière plus posée.

Le fait de travailler au musée de Tilly-sur-Seulles pendant cinq années consécutives sous la direction de Stéphane Jacquet, a été plus que formateur. Cela m’a aussi permis de rencontrer de nombreux vétérans ou enfants de vétérans. Par exemple en 2010, le fils du Lieutenant-Colonel Hanmer, commandant du 11th Bn. Durham Light Infantry. Nous avons gardé contact pendant tout ce temps. Il m’a envoyé le témoignage de son père, des photographies et des insignes lui ayant appartenu. Cette somme de contacts a été primordiale pour le livre Fontenay-Rauray. Ce travail m’a aussi permis de rencontrer de grands historiens et chercheurs britanniques tel que Simon Trew qui est maître de conférence à la Royal Military Academy de Sandhurst (l’équivalent de notre Saint-Cyr). Voyant mon implication personnelle, mon travail et ma sincérité, il m’a fourni un très grand nombre de sources qui sont indubitablement nécessaires à l’écriture d’un livre à vocation historique.

C’est une synthèse rapide, les exemples sont trop nombreux, néanmoins c’est l’addition de toutes ces rencontres qui m’a grandement aidé.

Le secteur anglo-canadien est-il historiquement plus complexe qu’il n’y parait d’un premier abord ? Comment les Britanniques perçoivent-ils eux-mêmes leur engagement en Normandie ?

Oui clairement le secteur anglo-canadien est historiquement plus complexe. Pour de nombreuses personnes, la Bataille de Normandie se résume au débarquement et aux opérations des Américains. Ces derniers, sans vouloir retirer leur mérite, n’ont pas l’apanage de la victoire. Les Britanniques ont déclaré la guerre le 3 septembre 1939, les Canadiens le 10.

Ils combattent sur de nombreux fronts depuis le début : Atlantique, Asie, Afrique, Italie…
En ce qui concerne la Normandie, la vision des gens a été faussée par la littérature de l’après-guerre, les films et l’accessibilité des sources (photos, écrits, etc.).
En clair : Montgomery a piétiné devant Caen trop longtemps par incompétence tandis que les Américains enduraient la guerre des haies et tentaient de percer le bocage. NON ! Les Anglo-canadiens ne se sont pas croisés les bras dans la Plaine de Caen ou dans le bocage au sud de Bayeux, ou encore sur la route de Falaise. L’opération Goodwood en est le bon exemple. Certes, le combat dans les haies est propice à la défense et est très couteux en vies humaines mais 5 ou 6 canons de 88 allemands dans une plaine dégagée peuvent bloquer et détruire un grand nombre d’escadrons blindés à une grande distance… Sans parler du fait que les Anglo-canadiens ont affronté un grand nombre de formations blindées de la Waffen-SS et de très bonnes divisions de la Wehrmacht qui ne sont pas considérées comme des “unités d’élite” par les passionnés. Là aussi c’est une approche que des auteurs devront corriger dans le futur. Certaines formations allemandes dénigrées ou considérées comme “mauvaises” militairement parlant, se sont révélées être de redoutables opposants aux Britanniques et aux Canadiens, et savaient se servir tout aussi bien de leurs mortiers et de leurs MG42.

Le secteur anglo-canadien si décrié, tout comme leur stratégie soi-disant timorée, est une sorte d’image d’Epinal. Les puissantes contre-attaques allemandes des premiers jours ont été jugulées par ces derniers alors que les Américains étaient toujours empêtrés au sud d’Omaha Beach et devant Carentan.

Je pense sincèrement qu’il faut redorer le blason de ces unités anglo-canadiennes qui ont vaillamment lutté dans ce secteur. Comme dans toute armée, certaines unités se sont révélées être meilleures que d’autres en Normandie, mais les armées britannique et canadienne ont essuyé de très nombreuses pertes dans des opérations difficiles. De plus, elles ne pouvaient pas jouir de la puissance humaine et financière américaine et d’ailleurs elles en étaient tributaires. La Grande-Bretagne déjà exsangue à cette période, a servi de grande caserne militaire interalliée.

Les Britanniques sont les parents pauvres de la Bataille de Normandie. Même sur leurs propres plages, le rôle de leur armée régulière est minoré. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Sword Beach. Vous dites Sword Beach à n’importe quel passionné, il vous répondra les mots : “Commandos et Kieffer”. Sans rien enlever à ces soldats car ils ont durement combattu, Sword Beach ce n’est pas cela. Ce sont les 1st Bn. South Lancashire et 2nd Bn. East Yorkshire qui débarquent les premiers sur la plage, 45 minutes avant les commandos, et qui prennent d’assaut la batterie COD ainsi que les différents points d’appui, et ce, au prix de pertes extrêmement lourdes, plus de 200 morts et blessés par bataillon. L’autre exemple étant le fait que Gold Beach (Ver-sur-Mer et Asnelles) soit lésée. Personne n’en parle alors qu’une Victoria Cross est gagnée à Crépon, que les blindés de la 8th Armoured Brigade subissent de très lourdes pertes. Et pour couronner le tout, Gold Beach est devenu dans l’imaginaire collectif : le port artificiel d’Arromanches…

Fontenay-Rauray, The Bear and Fox, Ready for the Fray est pour vous l’aboutissement de longues années de passion et de travail, pouvez-vous nous expliquer ce long cheminement ?

L’idée d’un livre sur ce sujet a germé lorsque je travaillais à Tilly car il en est question au travers de la visite. Cela remonte donc à plus de 10 ans, sachant que j’étais déjà intéressé par les “Ours polaires” après avoir lu le superbe livre d’Albert Grandais aux Presses de la Cité plus jeune.

Ces livres des années 60/70 sont géniaux mais limités en quelque sorte. Les vétérans étaient en vie et certains étaient déjà revenus en Normandie, cependant, ce que j’entends par limité concerne la communication. Cela peut paraitre bête mais à l’époque internet n’existait pas et l’accès aux sources, aux vétérans, à leurs familles, à d’autres auteurs et historiens était relativement faible.

Internet, Facebook et d’autres médias ont permis de désenclaver ces sources. Certains vétérans ou leurs enfants ont pu se faire connaitre autrement qu’en les rencontrant par hasard en cérémonie ou devant une stèle. Malheureusement, et c’est là que nos livres sont aussi limités, cette ouverture est arrivée tardivement. Et si les vétérans n’avaient pas pris soin d’écrire ou n’avaient pas été interrogés par des pionniers de la recherche à l’époque, leurs témoignages s’en sont allés avec eux dans la tombe.

Pour revenir à la question, j’ai d’abord publié Hold the Oak Line, Histoire illustrée de la 7th Canadian Infantry Brigade, car ce projet était plus avancé et je voulais le mener à terme avant le 70ème anniversaire. Ensuite, j’ai continué à accumuler dans mon coin toutes les informations à propos de la 49th (West Riding) Infantry Division et la 8th Armoured Brigade. Il existait quelques livres en français mais rien de très précis, mis à part le livre d’Albert Grandais. J’ai donc appliqué la même méthodologie que pour Oak Line, trouver les sources primaires. C’est clairement la base. Sans journaux de marche, les livres ne sont pas rigoureux ni précis. D’ailleurs, il faut voir les unités dans leur entièreté, pas uniquement les bataillons d’infanterie. Ces bataillons sont commandés par une Brigade qui est elle-même sous commandement de la Division. La Division est commandée par un Corps etc. De plus une division est constituée d’unités de service qui sont souvent délaissées par les chercheurs. Sans elles, l’infanterie ne peut rien faire, pas de munitions, pas de soins, pas de carburant etc.

Avec ces War Diaries viennent les appendices (annexes) dans lesquels se trouvent les descriptions des futures opérations, des compte-rendus de patrouilles, des pertes etc. Ces unités sont des entités, pas de vulgaires points que l’on place sur une carte.

Il y a aussi les rapports de situations (Sitreps) des Brigades qui sont en un sens plus précis que ceux du Corps car ils donnent à la minute près une vision générale des choses au niveau de la Brigade (3 bataillons d’infanterie), tandis que ceux du Corps sont édités avec parfois du retard, le temps que l’information remonte la chaîne de commandement.

Baser le livre sur le Log du 30 Corps aurait été une erreur puisqu’il fallait absolument le recouper avec les Sitreps et autres sources diverses et variées.

Des livres édités par des bataillons ou des vétérans eux mêmes ont été primordiaux. Par exemple, j’ai obtenu l’appui du fils du Lieutenant-Colonel (Brigadier) Trevor Hart Dyke, commandant du Hallamshire Bn. avec l’autorisation d’utiliser le livre écrit par son père. Même chose avec les enfants du Major David Lockwood, commandant de la ‘B’ Company du Hallamshire Bn. qui tombe au combat dès les premiers instants de l’attaque. Les lettres qu’il a écrites à sa femme pendant la guerre et plus spécifiquement en Normandie, dans la période qui précède l’attaque sur Fontenay sont particulièrement poignantes. Le plus intéressant dans ce genre de livres, c’est la position de l’humain dans la guerre, pas uniquement les mouvements d’unités et la ferraille laissée sur site après les combats.
Au final, je voulais que mon ouvrage soit une immersion totale dans ces combats dantesques mais dont la portée a été minorée pendant trop longtemps.

Dans Hold the OAK Line et Fontenay-Rauray, The Bear and Fox, Ready for the Fray, vous mettez à disposition des lecteurs une impressionnante documentation d’origine britannique (témoignages, photos, archives), une véritable particularité qui est le fil conducteur de vos travaux. Comment faites-vous et comment expliquer que paradoxalement, les sources britanniques soient bien moins exploitées par les historiens et amateurs que celles d’origine américaine et allemande ?

Les Américains sont très forts pour la communication. Hollywood a fonctionné plein pot et pour certaines personnes, il semblerait que seuls les Américains ont débarqué et libéré la France. La réalité est tout autre, sans les Britanniques, ils auraient été impossible de monter l’une des opérations amphibies les plus colossales de l’histoire.

Les sources américaines, surtout les photos, sont gratuites et libres d’accès, ce qui facilitent grandement leur diffusion dans l’édition et la presse spécialisées. Ce qui n’est pas le cas pour les Britanniques ou les Allemands.

Les sources allemandes sont certes exploitées mais il y a encore beaucoup de matières inédites qui demeurent souvent difficilement accessibles.

Les sources allemandes sont souvent fragmentaires. Elles sont beaucoup moins faciles d’accès que les américaines. Pour citer un exemple, Hubert Meyer, l’historien de la 12.SS-Pz.Division, avait écrit que toutes les archives de la division avaient été détruites. Le travail de recherche de Stephan Cazenave montre bien que ce n’était pas exactement le cas… Il a retrouvé et publié les journaux de marche des deux régiments de grenadiers et ceux des bataillons du régiment de chars, agrémentés d’une multitude de témoignages car il a connu un très grand nombre de vétérans, sans parler du fait qu’il travaille sur le sujet depuis plus de 25 ans.

Oui, les sources britanniques sont nombreuses et malheureusement peu exploitées. Et lorsqu’elles sont exploitées, faut-il encore qu’il n’y ait pas de mauvaises interprétation/traduction de ces dernières par les chercheurs/historiens.
Un livre ne s’écrit pas avec des bribes de sources et grâce à l’interprétation de quelques autres ouvrages.

Pour ce livre, j’ai compulsé et épluché plus de 4 500 pages d’archives.
La méthodologie est simple mais efficace. D’abord connaitre les sources primaires et les étudier, les comprendre puis les mettre en perspective avec les sources allemandes. Viennent ensuite les témoignages des vétérans, matière tout aussi brute et parfois subjective. Il faut absolument garder à l’esprit que le point de vue du soldat ou même de l’officier au combat n’est pas le même pour tous. Pour cela, le récit du Lieutenant-Colonel J. Hanmer (11th Bn. Durham Light Infantry) est crucial puisqu’il l’a écrit seulement 4 jours après les combats du 1er juillet sur Rauray. Tous les événements sont encore frais dans sa tête, surtout qu’il est le chef de bataillon et possède les cartes, les comptes-rendus de ses officiers au sein des compagnies. Obligatoirement, il n’aura pas la même approche qu’un Lieutenant Platoon Leader ou qu’un Private auprès de son canon antichar. Il a une vision globale des événements.

Je pars aussi du principe qu’il est très important d’avoir des visages à mettre sur les noms de soldats. Cela est très difficile et demande énormément de recherches mais pour ce faire, j’ai créé des groupes facebook en rapport avec la 49th Division pour l’un et la 8th Armoured Brigade pour l’autre, sur l’idée d’un ami qui fait des recherches sur une autre division. Cela s’est révélé payant puisque ces groupes rassemblent beaucoup d’enfants ou petit-enfants de vétérans et parfois des vétérans eux-mêmes.

Dévoiler ainsi les portraits des soldats qui ont combattu et déjà en soi une marque de respect. D’ailleurs, comme certains ont pu me le reprocher, “collectionner” ces portraits n’a rien de voyeur ou de morbide. Cette injonction ne leur sert qu’à masquer leur propre incompétence à trouver ces mêmes portraits de soldats, par manque de recherches et d’investissement. Ces hommes sont en quelque sorte immortalisés dans le livre et rend la corrélation, entre les listes de pertes ou les noms sur les tombes, moins abstraite.

Pourquoi avoir choisi un champ chronologique plus large que les stricts combats pour Fontenay et Rauray lors de l’opération Martlet ? En quoi ce secteur est-il finalement si stratégique pour les deux camps et l’objet d’âpres affrontements ?

La raison est simple et cela parait totalement logique. Le spectre chronologique se devait d’être élargi car les ouvrages sont toujours focalisés sur les grandes dates, les dates officielles des opérations. J’ai voulu proposer aux lecteurs une approche différente, un angle plus terre à terre, l’opération Dauntless avec Martlet comme première partie n’est pas une opération “hors sol”. Elle fait partie d’un tout et était programmée bien plus tôt mais la résistance dans le Parc de Boislonde puis la tempête, l’ont retardée de plus d’une semaine. La 49th Division débarque entre le 10 et le 13 juin, date à laquelle les premiers bataillons, ceux de la 146th Brigade, se mettent en branle afin d’alléger la 50th Division qui se bat depuis le 6 juin.

En tant que lecteur, j’aurais aimé savoir ce qui s’est passé entre le 13 et le 24 juin, veille du lancement de l’opération, savoir comment se prépare une opération, comment les unités ont-elles mis à profit cette période, etc.

L’élargissement chronologie a aussi permis de couvrir les combats d’Audrieu, de Saint-Pierre et de Cristot. Vient ensuite la bataille du Parc de Boislonde qui est connue pour avoir déjà été en partie décrite dans quelques livres, bien que nous ayons encore poussé les détails avec le concours de Stephan Cazenave. Néanmoins, quid de la semaine qui précède l’attaque? Il devait bien s’être passé quelque chose. Le chapitre 3, l’attaque du 25 juin sur Fontenay, ne débute qu’à la page 184. Ce cheminement mène donc le lecteur jour après jour, dans le quotidien des soldats qui attendent la grande attaque, le baptême de feu divisionnaire en Normandie.

De plus pour ces jours entre le 13 et le 24 juin et même le 1er chapitre, les points forts sont une cartographie très précise jour après jour, des témoignages, des lettres de soldats, tout ce qui concerne les identifications d’unités avec les codages (Unit Mobilization Serial Numbers) et les insignes, les portraits et autres photos d’identités qui humanisent le livre.
Et pour revenir sur la cartographie, nous avons avec Stephan Cazenave eu accès à énormément de sources et travailler et valider les positions exactes des deux belligérants. D’ailleurs, quelques-unes de ces pages d’époque sont reproduites dans le livre afin de montrer aux lecteurs qu’il n’y a pas d’affabulation.

Si le fil conducteur est bien la 49th (West Riding) Infantry Division et la 8th Armoured Brigade, les adversaires sont plutôt plus nombreux que la seule 12. SS-Panzer-Division avec un rôle assez méconnu de certains éléments des 2. et 9. SS-Panzer-Divisionen. Vous revenez également dans le détail sur l’engagement des Tiger de la schwere SS-Panzer-Abteilung 101 pour établir une vérité qui semble assez définitive. La fin de quelques décennies de débats et parfois de légendes ?

Oui, cela fait partie des choses que de nombreux passionnés ne connaissaient pas et qui grâce à notre travail de fond, a pu être mis en avant. Cela va aussi dans le sens des Britanniques qui ne se sont pas tournés les pouces autour de Caen. Faire face à ces unités n’a pas été une mince affaire.

La suprématie aérienne revient sans arrêt dans les différents ouvrages sur la Bataille de Normandie mais lorsqu’il pleut les troupes au sol se peuvent pas jouir de cet appui. Ce qui a été décisif sur Fontenay et Rauray, c’est la Royal Artillery.

Qui a parlé de l’immense rôle qu’elle a joué lors de la campagne ? Deux AGRA, Army Group of Royal Artillery, sont impliqués dans la défense des positions de la 49th et de la 15th Scottish sur Rauray Spur (le saillant de Rauray) et sur les positions écossaises. Ce sont des formations de régiments d’artillerie moyens et lourds stationnées sur les arrières des divisions.

Chez les Britanniques, l’artillerie est la reine des batailles. Eux-mêmes en rigole en disant que l’infanterie ne sert qu’à une seule chose : protéger et escorter les observateurs avancés de l’artillerie.

L’artillerie c’est aussi les antichars. Dans le livre, je reviens de nombreuses fois sur le rôle joué par le 73th A/T Regiment RA, le régiment antichar du 30 Corps. Ses TD M10 “Achilles” sont engagés sur le Parc de Boislonde et sur les combats de Rauray, l’un d’eux est même détruit sur le carrefour de Rauray.

Cette formidable concentration d’unités de la Royal Artillery a permis de juguler les efforts allemands et les tentatives de contre-attaques blindées ou non sur le front britannique de Rauray.

Oui, la Kampfgruppe “Weidinger” de la Division Das Reich, la Division Hohenstaufen, la 2.Panzer-Division ainsi que la 276. Infanterie-Division viennent épauler puis supplanter la Hitlerjugend-Division et la Panzer-Lehr-Division dont le front craque de toute part suite aux avancées britanniques. Qui savait que le boucher d’Oradour-sur-Glane, Diekmann, avait été tué non loin des positions de la 49th ? Ou qui était au courant que les premières pertes de la 2.Panzer-Division se trouvaient au Haut-le-Bosq, charnière du 30 Corps et du 8 Corps par des canons antichars du 49th Reconnaissance Regiment ?

Là aussi, un apport non négligeable de sources inédites, allemandes ou britanniques, nous a permis de mettre en relief ces imbrications d’unités allemandes. Les compte-rendus divisionnaires comprenaient des interrogatoires de prisonniers qui sont d’excellents apports pour le lecteur. Ils permettent aussi de “casser” le mythe du guerrier SS prêt à mourir à tout prix pour son Führer.

Il est néanmoins plus facile pour certains de rester sur des clichés alors que la réalité est tout autre.

En ce qui concerne la schwere SS-Panzer-Abteilung 101, cela fait plusieurs années que nous savions qu’un Tiger avait été détruit dans Fontenay (oui oui dans le village et non pas au sud). Nous avons d’ailleurs été les premiers à sortir cette information.
Nos sources ont permis de justement délier cet imbroglio qu’étaient les combats avec les Tiger entre Fontenay et Rauray et d’expliquer au lecteur le fait que les Tiger ne sont pas détruits le même jour (26 juin) mais bien sur deux jours.

Il en va de même avec le pseudo affrontement du Panther avec le numéro de tourelle « 217 » et du Sherman du SRY sur les photographies iconiques des combats de Fontenay. Ces deux blindés sont en fait détruits à 3 heures d’intervalle par des canons antichars, l’un vers 7h00 et l’autre vers 10h00. Là encore, ce sont les sources qui le prouvent.

Malgré l’immense production historiographique concernant la bataille de Normandie, votre livre montre qu’il y a encore plein de choses à découvrir et à partager avec les passionnés. Mais ces travaux demandent du temps, des moyens. Dans un contexte de crise du livre et plus généralement de l’édition, quelle est la clef du succès pour ce type d’ouvrages ?

Il faut un éditeur courageux et un auteur passionné s’investissant sans compter pour la réalisation d’un livre. Sources authentiques irréprochables et toutes vérifiables par tous lecteurs avides de véracités historiques ! Et outre l’investissement économique, celui du temps : un ouvrage ne se fait pas en deux ans : mon livre est le fruit d’un travail de recherches de près de 15 ans.

Sachant que notre démarche s’inscrit dans le local : l’éditeur et l’imprimeur sont situés à Bayeux.

En somme, un livre scientifique et rigoureux fabriqué en Normandie pour un public demandeur mais aussi très exigeant, ce qui est normal étant donné la pléthore de publications de diverses qualités.

Lorsque vous avez des vétérans ou des familles de vétérans qui vous félicitent sur l’ouvrage et vous témoignent de la gratitude, il s’agit là d’une des meilleures reconnaissances qui vous font dire que le livre est un succès. Le devoir de mémoire est accompli.

Vous contribuez également au nouveau trimestriel de Maranes Editions intitulé Bataille de Normandie 1944 Magazine. Quelles sont vos premières impressions ?

Stephan Cazenave et moi n’en sommes pas à notre coup d’essai pour avoir lancer et travailler pendant plusieurs années.

Ce nouveau magazine chez Maranes Editions « Bataille de Normandie 1944 Magazine » a une ligne éditoriale bien définie et développe trois dimensions : Terre-Air-Mer avec des sujets à 50% alliés et 50% allemands. Les articles concis n’excédent pas les 20 pages pour pouvoir être suffisamment en immersion sans être overdosés par davantage de pages.
L’implication des auteurs qui maîtrisent leurs sujets, qu’ils soient connus ou à découvrir, définira et validera le sérieux et la qualité de ce magazine qui ravira les lecteurs.
Cela me semble être un bon équilibre.

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