Blitzkrieg ! L’invention de la guerre mécanisée (Pierre de Taillac, 2018)

A travers ce titre éminent germanique, relevé par les illustrations en couverture qui ne représentent que des chars allemands, se cache en fait une analyse fort pertinente de la façon de conduire la guerre durant la première moitié du XXème siècle par les principales puissances militaires européennes. En abordant de façon simultanée la conduite des opérations militaires par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et l’URSS, Hugues WENKIN renouvelle quelque peu la perception que peut avoir le grand public durablement inspiré par les écrits d’après-guerre.

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C’est d’abord la révolution industrielle qui est à l’origine d’un certains d’évolutions déjà perceptibles au XIXème siècle durant la Guerre de Secession ou celle de 1870 entre la France et ce qui va devenir ensuite l’Allemagne. La puissance de feu s’accroît tout d’abord de façon exponentielle, transformant en réaction le champ de bataille en une longue ligne retranchée. Le transport ferroviaire révolutionne les mouvements stratégiques tandis que le moteur à explosion fait son apparition ouvrant de nouvelles possibilités opérationnelles (les taxis de la Marne par exemple) ou tactiques sans parler de l’essor de la l’aviation.

Chacun des grands acteurs du conflit réagit en fonction de sa culture et de ses influences. La Grande-Bretagne invente le tank grâce à sa culture de l’innovation, la France le produit en masse avec le Renault FT en s’appuyant sur la centralisation des décisions, l’Allemagne s’en remet à l’initiative individuelle que lui permet par ailleurs une grande discipline et l’URSS tient compte de sa propre géographie pour développer et utiliser la notion de profondeur.

La Première Guerre mondiale est globalement une impasse pour l’ensemble des belligérants. Faute d’une solution décisive, les armées y puisent nombre de leçons… qui sont également différentes en fonction des expériences et des propres prismes culturels. Avec grande justesse, Hugues WENKIN étudie ainsi pendant un tiers de l’ouvrage les origines avant 1918 de la révolution dans les affaires militaires dont le résultat explose au grand jour en 1940.

Au cours de l’Entre-deux-guerres est également, chacun de ces pays suit des voies différentes. Avec une constante : les débats sont multiples et passionnés. La lecture des écrits laissés par LIDDELL HART, GUDERIAN et même DE GAULLE est parfois trompeuse. La paternité du concept de l’emploi des blindés n’est pas l’oeuvre exclusive de ces trois là qui s’appuient et exploitent les travaux d’autres. GUDERIAN n’en réalise cependant pas moins une excellente synthèse et a pour lui ses succès opérationnels notamment en France. Les racines de la doctrine allemande remontent à l’immédiat après Première Guerre mondiale. DE GAULLE est également bien inspiré, mais incomplet. Sachant que sa façon de se mettre en avant et de provoquer crispent plutôt qu’agrègent les volontés (cf. GBM133). La seconde partie de l’ouvrage permet d’avoir une vision plus complète de l’évolution des concepts entre les deux guerres mondiales. A noter quelques paragraphes sur l’utilisation de substances dopantes au sein de la Wehrmacht et plus particulièrement de ses divisions blindées.

La troisième partie se concentre sur la Seconde Guerre mondiale. Les opérations à l’Ouest en mai et juin 1940 sont bien entendu décrites. La percée de la Meuse et du canal Albert par la combinaison de l’assaut aéroporté et de la 4. Panzer-Division à la hauteur de Maastricht est justement mis en avant. Le récit de la percée du même fleuve entre Dinant et Sedan rappelle l’ampleur de la déchirure du front français qui ne s’arrêt pas au seul secteur de Sedan. L’analyse des opérations est ensuite plus succincte et s’arrête au débat du Haltbefehl devant Dunkerque.

Le dernier chapitre survole la déclin militaire allemand qui commence avec l’opération Barbarossa.

Les quatre pages de conclusion offrent une synthèse des plus intéressantes rappelant qu’aucune armée ne peut elle seule prétendre à la paternité de ce nouveau type d’opérations…

En 270 pages agréables à lire, ce livre est accessible au grand public qui est aidé dans sa compréhension par des schémas et des cartes simples mais bien faits. De quoi comprendre comment évoluent les armée (voir aussi S’adapter pour vaincre). Les deux premières parties sont assurément les plus intéressantes et les moins convenues.

Sommaire :

  • Introduction
  • Première partie : la Grande Guerre, un sanglant laboratoire
    • L’impasse tactique
    • La Grande Guerre, laboratoire de la guerre moderne
    • Une révolution militaire est en marche
  • Deuxième partie : de la théorie à la pratique
    • La paternité contestée du Blitzkrieg à l’allemande
    • L’enlisement conceptuel franco-britannique
    • Pendant ce temps de l’autre côté du Rhin…
    • La vision soviétique
    • La troisième dimension et la bataille terrestre
    • La tactique d’assaut germanique
  • Troisième partie : l’épreuve de la bataile
    • L’éclatante démonstration
    • Les limites du système
  • Conclusions

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