S’il est relativement acquis que la Seconde Guerre mondiale est la suite de la première et forme une certaine continuité, le pont qui existe entre les deux est peu connu. Le prisme traditionnel franco-français ne permet pas de dépasser la seule relation franco-allemande qui n’est qu’une facette des conflits qui ensanglantent l’ensemble de l’Europe aux XIXème et XXème siècles.
Pari réussi pour Jean-Yves LE NAOUR. D’une plume alerte, il parvient à brosser un panorama global de cette période en Europe. Non, la guerre ne s’est pas achevée en Europe le 11 novembre 1918. Elle continue en Finlande, dans les pays baltes, en Pologne, en Russie… Les causes qui ont engendré la Première Guerre mondiale sont toujours là. Le conflit n’a rien purgé. Une puissance s’efface, une autre veut immédiatement prendre sa place… Impossible de comprendre les alliances et les postures de chacun dans les années 1930 sans connaître ces trois années critiques. Sur cet échiquier multidimensionnel et mouvant, la question relève moins de faire échec et mat que de préserver son influence qui s’émousse sur les intérêts des autres.
Trois acteurs majeurs tirent les manettes : l’Américain WILSON, le Britannique LLOYD-GEORGE et le Français CLEMENCEAU. Mais chacun voit le monde de sa façon. Le messianisme intéressé du Président américain n’est pas sans rappeler celui de certains de ses lointains successeurs. La Grande-Bretagne poursuit sa stratégie continentale habituelle de division ou d’équilibre entre les grandes puissances européennes. Finalement, la France parait bien en difficulté au sortir de la guerre : financièrement très affectée, elle dépend de ses alliés qui savent utiliser ce levier pour obtenir ce qu’ils veulent. La politique française n’est pas non plus linéaire. CLEMENCEAU apparaît véritablement comme au-dessus de la mêlée, mais doit composer du fait de sa position de faiblesse internationale. FOCH n’apparaît pas forcément à son avantage, ou en tout cas, semble manquer de finesse pour correctement évaluer les rapports de force internationaux. CLEMENCEAU doit faire avec des alliés qui souhaitent désormais ménager l’Allemagne, un pays meurtri et financièrement exsangue, une population qui n’est pas prête à reprendre le combat pour dépecer définitivement l’héritage bismarckien, d’autant plus que la France serait bien seule dans cette aventure.
La question de la Sarre et de la Rhénanie est passionnante. Et renvoie aux questions de la frontière française en 1814, ou 1815 ou 1870, ou… A découvrir également le positionnement et le revirement d’un certain Konrad ADENAUER. Tout comme le rôle de Maxime WEYGAND auprès de l’armée polonaise face à la Russie.
L’Allemagne est ensuite loin d’avoir abdiquée. Elle se débat, elle résiste et envoie même quelques contingents guerroyer au Nord et à l’Est. Il est plus facile de comprendre l’injustice ainsi ressentie, le soutien ensuite apporté au nazisme et le choix de lutter jusqu’au bout.
Près de la moitié du livre est consacrée à la construction du Traité de Versailles, un tiers à la poursuite des combats à l’Est (Pologne, Russie) et au Proche-Orient. Le reste revient sur les conséquences nationales de la révolution bolchevique en France et en Italie. Car si le Traité aboutit à des solutions qui ne conviennent finalement à personne mais, elles sont le fruit d’un laborieux compromis, ce n’est pas la seule conclusion de la Première Guerre mondiale… Et donc pas la seule cause de la Seconde.
Brièvement évoquée, la sortie du Japon du Traité devant l’intransigeance américaine annonce également la montée du ressentiment antiaméricain nippon.
Un livre qui éclaire explicitement le décor qui se met en place pour le second volet du drame européen…
Sommaire :
- Introduction générale : Wilson ou Lénine ?
- Comment la France a perdu la paix
- Après la guerre, la guerre continue
- De la guerre à la révolution
- Conclusion , la faute à Versailles ?
- Notes
- Index