J’étais le pilote de Hitler (Perrin, 2020)

Perrin 2020 BAUR Hans J etais le pilote de HitlerAprès notamment les mémoire de GUDERIAN, celles de von MANSTEIN ou encore de Nicolaus von BULOW, les Editions Perrin continuent de proposer utilement de nouvelles éditions de témoignages parus dans les années 1950 et 1960. Agrémentées de commentaires contemporains, celles-ci fournissent un éclairage indispensable sur le III. Reich et la Seconde Guerre mondiale.

Dans le cas présent, il s’agit des mémoires de Hans BAUR, pilote personnel d’Adolf HITLER, commentées et annotées par Claude QUETEL. Les raisons de s’y plonger sont nombreuses…

Une parfaite présentation

Les années 1950 et 1960 voient pléthores de publications autobiographiques sortir. Evidemment, les témoignages ne sont pas toujours objectifs, loin de là ! Ils servent souvent à corriger une image ou écrire l’Histoire d’une façon bien orientée pour l’intéressé. Il n’empêche que ces écrits sont incontournables pour tous ceux que la Seconde Guerre mondiale intéresse. Généralement assez agréables à lire, parfois très vivants, comme celui-ci par exemple, ce sont de bons moments de lecture sauf quand la traduction n’est pas au niveau. A condition toutefois de prendre un peu de recul et de ne pas se laisser endormir par les propos quelque peu déformés et les oublis. La recherche historique ayant bien fait des progrès depuis leur parution (voir ainsi Être soldat de Hitler), il est aujourd’hui plus facile d’apporter quelques précisions ou corrections. Sans non plus abrutir les lecteurs contemporains de notes à n’en plus finir ou de casser absolument l’image que l’auteur souhaite donner, il est cependant indispensable d’encadrer les propos et de rappeler quelques faits fortuitement oubliés. Ce que fait ici très justement Claude QUETEL en une vingtaine de pages seulement (sur quatre cent) et quelques notes disséminées. Juste un petit regret : l’absence d’un carnet photos alors que Claude QUETEL fait mention d’un certain nombre d’entre elles pour illustrer son propos.

L’épopée des premiers temps de l’aviation

Les aventures vécues par Hans BAUR au cours de la Première Guerre mondiale et ensuite comme pilote pour la Lufthansa dans les années 1920 sont parfois rocambolesques. Comme il n’est pas avare de quelques détails techniques, elles rappellent en tout cas les débuts chaotiques et héroïques dans premières années de l’aviation, les risques associés et la vitesse des innovations technologiques dans le domaine aéronautique.

Nouveau monde…

Hans BAUR dresse un portrait saisissant de l’ascension d’Adolf HITLER. Il décrit parfaitement comment le futur chef du III. Reich manie les techniques modernes de l’époque pour communiquer et se construire son aura. L’opposition politique des nouveaux contre les anciens n’est pas nouvelle. En fait, à chaque renouvellement de génération c’est le cas. Hans BAUR décrit parfaitement le positionnement adopté par le futur maître du III. Reich.

Ainsi, l’avion est pour lui tout autant un moyen pratique et rapide de se déplacer qu’un vecteur d’image magnifiant à la fois la modernité, l’envol et la puissance.

A l’heure des campagnes électorales ultra médiatisées et désormais au rythme des réseaux sociaux, le regard porté sur celle d’Adolf HITLER semble remonter à des siècles. Et pourtant, c’était il y moins d’un siècle.

Comprendre le succès du nazisme en Allemagne

L’ascension d’Adolf HITLER est aujourd’hui totalement incompréhensible. Pourtant, elle répond à une certaine logique qui ne peut être comprise qu’en se sortant des postures et des modes de raisonnement actuels. La plume de Hans BAUR traduit parfaitement l’état d’esprit qui traverse l’Allemagne de cette époque. L’engagement dans l’armée au cours de la Première Guerre mondiale est magnifié, comme il le sera au début de la Seconde Guerre mondiale (voir les mémoires d’Otto CARIUS ou le témoignage d’un ancien de la 10. SS-Panzer-Division proposé par Maranes Editions). La défaite n’en est pas vraiment une aux yeux des anciens combattants et les révoltes communistes qui fleurissent dans ne nombreuses villes d’Allemagne et d’Autriche renforcent le besoin d’une main de fer pour diriger le pays, lui redonner stabilité et splendeur. On ne peut pas comprendre cette situation sans réaliser l’ampleur des soubresauts qui agitent l’Allemagne dans les années 1920. Décrites de façon très sereine, les révolutions de Fürth près de Nuremberg ou à Vienne sont pourtant bien des actes de guerre civile miroir de ce qu’il se passe plus à l’Est.

Témoin du premier cercle

Très vite, Hans BAUR devient un membre du premier cercle d’Adolf HITLER. Quand il écrit ces lignes, il est évident qu’il est encore plein de respect et d’admiration pour son « papa » qui en paraîtrait presque sympathique dans l’intimité.

Les pages concernant l’arrestation d’Ernst RÖHM présentent la version officielle nazie corroborée par la relation que lui en fait Adolf HITLER qui n’a pas hésité à s’impliquer personnellement dans l’action.

De nombreux autres épisodes sont ainsi décrits et ont d’ailleurs servi d’informations pour les historiens qui se sont penchés sur la période. La rivalité entre HITLER et MUSSOLINI prend un tour presque guignolesque que ne renierait pas Charlie CHAPLIN dans son excellente parodie, Le dictateur. Le pilote ayant eu à convoyer nombre de personnalités alors encore peu habituées à prendre l’avion, c’est une galerie de quelques grands de l’époque qui est présente. Sont évoqués aussi le désaccord avec Franco, les nombreux accidents d’avions qui tuent des personnalités (TODT, HUBE…), Stalingrad, l’attendant du 20 juillet 1944. Un résumé du III. Reich en quelque sorte, de son essor à sa chute.

La chute

La fin de la troisième partie et le début de la quatrième partie sont consacrés aux derniers moments dans le bunker avec Adolf HITLER et la tentative de percée avec Martin BORMANN. Las, l’auteur perd de vue ce dernier dans les tous derniers instants ! Le témoignage n’apporte donc rien de bien sensationnel, mais il confirme de ce que d’autres témoins rapportent également. Le récit de la captivité en URSS est par contre plus intéressant. Il éclaire sur les conditions terribles qui attendent les Allemands qui doivent attendre plus de dix ans avant de revoir leur pays. L’épisode concernant les femmes de diplomates allemands capturées en Asie révèle également une facette peu connue de l’histoire des prisonniers allemands en URSS. Dans les débats actuels sur les responsabilités diverses dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il serait également bon de revoir aussi la façon dont fut gérer l’après-guerre.

La « question juive »

Comme la plupart de ses contemporains, Hans BAUR est particulièrement taisant sur les crimes commis par le III. Reich et son armée. L’auteur parle de la « question juive ». Doux euphémisme pour six millions de morts… Cela rappelle également les propos d’Otto CARIUS dans ses mémoires. Là aussi, il ne faut pas voir le sujet uniquement avec nos yeux contemporains. Il est évident que la « question juive » ne choque pas tellement en Allemagne, ni en Europe en général, notamment à l’Est où les pogroms ne sont pas actes isolés. L’horreur des camps mis à jour à la fin de la guerre sert néanmoins de prise de conscience. C’est pourquoi la présentation préliminaire de Claude QUETEL est d’autant plus essentielle. Le voile que l’Europe s’impose sur ce sujet dans les décennies qui suivent 1945 en dit long finalement sur la mauvaise conscience des uns et des autres, entre ceux qui furent actifs ou témoins plus ou moins approbateurs, ceux qui détournèrent les yeux et ceux qui ne firent et dirent strictement rien alors qu’ils savaient. L’historiographie de l’historiographie est toute aussi parlante que les faits en eux-mêmes…

Dans le même genre, les pages concernant son voyage en Afrique témoignent à la fois des sentiments de supériorité et de condescendance qui habitaient les Européens de cette époque.

Par conséquent, une lecture chaudement recommandée à plusieurs titres !

Sommaire :

  • Présentation
  • Pilote mais pas seulement
  • Avant-propos
  • Les débuts de ma carrière d’aviateur
  • Au-dessus de l’Allemagne avec Hitler
  • Entre les Pyrénées et Stalingrad
  • Pérégrinations à travers la Russie

Boutique :

Perrin 2020 BAUR Hans J etais le pilote de Hitler          

Crédits photos :

Les visuels présentés appartiennent à leurs éditeurs respectifs.


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