10-11 mai 1940, une défaite annoncée (Sutton, 2018)

La défaite militaire française de 1940,  l’effondrement de la première puissance militaire de l’époque, ne cesse d’interroger, même quatre-vingts ans plus tard. Pour décrire et comprendre l’enchaînement des faits, Yves CHARPY replonge dans les écrits et les déclarations d’un certain nombre de protagonistes ainsi que dans quelques documents d’archives. Rien de bien nouveau, si ce n’est pas la mise en ordre des différentes pièces du puzzle (au demeurant édifiant…) et le soulignement de quelques faits largement sous-évalués ensuite dans la littérature consacrée au sujet. Joli travail de synthèse !

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Recension

Ainsi, la citation de larges extraits de livres déjà parus, mais parfois anciens, permet de mettre à disposition une matière première condensée. Un bel exemple de prise de recul historique tout en exploitant des témoignages et écrits réalisés plutôt à chaud. Les évolutions des versions sont d’ailleurs très illustratives des erreurs que les acteurs de l’époque cherchent à camoufler.

Analyse comparée des décisions de commandement

L’autre avantage du livre est de proposer une analyse parallèle de la démarche alliée (française, luxembourgeoise et belge principalement) et allemande. Une bonne leçon à enseignement tant dans les écoles militaires que de management, de sciences politiques et d’administration… L’absence de leadership sur l’ensemble de la chaîne de commandement est le seul dénominateur commun à tous les manquements qui conduisent successivement à cette défaite plus que cinglante. Evolution doctrinaire, conception et mise en oeuvre des plans d’opérations, conduite opérationnelle et tactique : les carences sont identiques (passivité, absence de décision, retard dans les réactions, dénie des réalités, aveuglement). C’est l’ensemble des chefs et des états-major qui reste figé alors qu’en face c’est tout le contraire – la dynamique est globale.

GAMELIN est évidemment le grand responsable, mais il n’est pas le seul. GEORGES, HUNTZIGER, CORAP et même PRIOUX partagent le fardeau de la défaite. Se borner à décrire ce qui ne va pas n’est pas suffisant à ces niveaux de responsabilité : il y a obligation de résultat, pas de moyen.

Les Divisions Légères de Cavalerie n’atteignent pas leurs objectifs

Le livre analyse l’action de l’ensemble des Divisions Légères de Cavalerie dans les Ardennes. La 2ème Division Légère de Cavalerie (DLC) est la première à être au contact dès le 10 mai 1940. Le lendemain, elles le sont toutes. Plus grave, aucune n’atteint ses objectifs de déploiement et toutes reculent plus vite que ce qui est prévu. Pourtant, le XIX. Armee-Korps (mot.) offre généreusement son flanc devant les 2ème et 3ème DLC alros que la 5ème DLC prend le choc de trois divisions blindées allemandes… Focalisées sur leur mission de couverture, sans ordre contraire, les Divisions Légères de Cavalerie ne cherchent ni à forcer le passage, ni à résister et encore moins à prendre l’initiative de contre-attaquer.

Poids des décisions politiques et stratégiques

Les politiques ont également leur part de responsabilité. Qu’ils soient belges ou français. Seuls les Luxembourgeois sortent grandis. Malheureusement, ils ne sont pas pris en considération et leurs bonnes intentions avant le conflit restent sans réponse côté français.

Passionnant est le récit des opérations allemandes et de la réaction française au Luxembourg dans les deux premiers jours de l’opération Fall Gelb. L’auteur a raison d’insister sur ces quelques heures et sur cet endroit car ce qui s’y passe aurait dû finir d’ouvrir les yeux aux Français qui ne peuvent plus affirmer ne pas savoir. Les services de renseignement, les rapports de combat des unités engagées, tous convergent. Que dire aussi de l’attitude belge (voir à ce sujet, La déroute française de 1940, la faute aux Belges ?) qui a d’autant plus de conséquences que les Français se montrent incapables de forcer la coopération dès lors que l’agression allemande est évidente ?

Les pages consacrées  à l’attitude française durant l’invasion de la Pologne sont également très intéressantes. Et les leçons tirées, ou plutôt non tirées, sont navrantes. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir envoyé des observateurs sur place. Le contraste est encore une fois saisissant avec ce qui se passe côté allemand (voir aussi 1940, la Wehrmacht de Fall Gelb).

Si l’auteur aborde de façon conventionnelle le rôle des chars et de l’aviation dans la défaite, il oublie quelque celui de l’infanterie (cf. L’infanterie française a-t-elle fait son devoir ?, les fantassins dans la débâcle de mai/juin 1940, in Ligne de Front n°79), grande absente des débats sur le sujet et pourtant au moins toute aussi impliquée dans la défaite que les autres armes. Le fait de se focaliser sur le Luxembourg et les Ardennes peut néanmoins faire penser que la victoire allemande ne tient qu’à la percée de Sedan. Or, la rupture du canal Albert dès le 10 mai 1940 refroidit déjà les espoirs français de pouvoir couvrir à temps la trouée de Gembloux en plein centre de son dispositif défensif allant de Longwy à Anvers.

A découvrir car indispensable à la compréhension des heures tragiques de 1940.

Sommaire

  • Le début de la Seconde Guerre mondiale : l’écrasement de la Pologne
  • Les combats de Pologne et leurs enseignements
  • Les chars : cause de la défaite ?
  • L’aviation : une autre cause de la défaite ?
  • La réorganisation du haut commandement
  • Le plan de guerre français
  • Le plan français pour le Luxembourg
  • Le plan allemand
  • Le plan allemand pour le Luxembourg
  • L’alerte
  • Le 10 mai 1940 au Luxembourg, les prolégomènes d’un désastre
  • Les 11 et 12 mai 1940 à la frontière luxembourgeoise
  • Les 10 et 11 mai 1940 dans l’Ardenne et le Luxembourg belges
  • Conclusion
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