Les lecteurs de 39/45 Magazine le connaissent au travers de ses très nombreux articles publiés au fil des ans ou de ses ouvrages édités aux Editions Heimdal (avec lesquelles il ne collabore plus à la date de parution de ce livre). D’autres le connaissent pour ses livres sur les généraux et les maréchaux de la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai qu’au-delà des opérations elles-mêmes, François de LANNOY a beaucoup écrit sur ceux qui mènent la guerre. Il dissèque à la fois leur rôle, mais aussi pourquoi et comment ils se forment et se formatent, ce qui les anime… Le tout avec un style sobre et clair.
C’est donc une plume avertie qui se penche sur le général Pierre HERING. Grand inconnu du public, sa biographie révèle beaucoup de chose sur cette période maudite de 1919 à 1940 qui plombe encore de tout son poids les décennies qui suivent… Sans porter de jugement, sans s’engager, François de LANNOY réussit brillamment à sortir de l’Histoire imposée depuis 1945. A lire, à digérer et à comparer justement avec ce qui écrit et répandu depuis la fin de la guerre.
Il faut bien avoir en tête que la matière qui sert de base à l’ouvrage est privée, rédigée au moment des faits. Il n’y a donc pas dénaturation a posteriori.
Le parcours de l’homme est des plus intéressant pour celui qui cherche comment se construit un chef ou un visionnaire. Car à n’en pas douter, Pierre HERING professe des idées très avance pour son temps. Mais ce n’est ni un carriériste, ni un égotique, ni un courtisan. Toléré, bien plus qu’accepté, il doit son avancement certes à ses qualités intrinsèques, mais aussi à quelques bonnes fées qui veillent sur lui, dont notamment Philippe PETAIN.
Sa carrière dans l’Entre-Deux-Guerres montre bien les débats doctrinaires et stratégiques qui agitent l’armée française, tout comme son homologue allemande. A deux différence près, et de taille : d’une part, ceux qui ont le pouvoir de décision sont trop nombreux et ne sont pas alignés, d’autre part, la logique de caste prévaut, chacun défendant ses intérêts immédiats et pas ceux du collectif.
Au fil des pages du récit se croisent les grands chefs militaires en charge de la responsabilité des armées en 1940. Instructif et là aussi, loin des images d’Epinal habituellement véhiculées. Que dire de la courtisanerie d’un Charles de GAULLE ? Finalement Pierre HERING est l’un des seuls qui peut finalement faire fléchir dans une certaine mesure l’auteur de l’appel du 18 juin 1940 sur le jugement d’un certain nombre de leurs anciens collègues à la Libération. Car il sait de quoi il parle. Sa volonté de défendre PETAIN est méritoire : à la fois par fidélité personnelle et aussi par que tout n’est pas blanc ou noir, ça serait bien trop facile. Malheureusement, il n’est toujours pas possible de tirer les fils de cette Histoire française qui hante encore les débats politiques plus de soixante-dix après.
Le livre est également passionnant sur nombre d’aspects des événements de 1939 et de 1940. Le rôle des communistes et la menace qu’ils font peser au début du conflit apparaît très clairement. La mise en défense de Paris est une vraie découverte. La formation et les combats de l’Armée de Paris aussi.
C’est donc peu dire que ce livre est absolument indispensable. Facile d’accès, très lisible, loin de l’austérité apparente de la couverture. Quelques photos sont incluses au milieu de l’ouvrage. Il complète utilement les biographies des généraux français (CORAP, WEYGAND).
Voir aussi l’interview de l’auteur parue dans GBM n°126.
Sommaire :
- Introduction
- L’officier d’artillerie (1874-1914)
- La Grande Guerre
- Déjà entre Pétain et De Gaulle (1919-1928)
- Le général anti-conformiste (1928-1935)
- L’apogée : Strasbourg et le CSG (1935-1939)
- Gouverneur Militaire de Paris : l’ordre dans le chaos (1939-1940)
- L’armée de Paris se constitue dans la tourmente (10 mai – 25 juin 1940)
- En attendant de nouvelles responsabilités (1940-1945)
- Son combat pour Pétain (1945-1963)
- Conclusion
- Annexes
- Sources et bibliographie
- Index des noms des personnels
