Dans les ventres d’acier (ADA, 2018)

Sur la vie quotidienne au front des soldats allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale, il y avait les romans de Sven HASSEL ou les ouvrages romancés de Jean MABIRE. Il faut maintenant compter avec celui de Gabriel THERIAULT. Aussi passionnant, prenant et poignant qu’Eclairs lointains écrit dans un camps de prisonnier dans les mois qui suivent la chute de Stalingrad par l’un de ses témoins directs.

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Dans les ventres d’acier se lit comme on regarde un film de guerre moderne. C’est Fury en version littéraire, côté germanique et sur le Front de l’Est. Le lecteur est plongé dans l’action, dans l’horreur des combats, dans l’habitacle d’un char, dans la tête, les yeux, le nez et la bouche- bref dans la peau – des hommes qui livrent combat.

L’action principale se situe à partir du printemps 1942 dans les centres d’entrainement de la Panzerwaffe puis dans les forêts et marais autour de Leningrad en plein hiver 1942/1943. Après le choc qui suit les premiers affrontements avec les chars soviétiques T-34, KV-1 et autres KV-2 dont le héros est l’un des rescapés miraculeux de l’été 1941 (opération Barbarossa), l’armée allemande cherche la riposte. La première est le Panzer VI Ausf. E Tiger dont les premiers exemplaires sortent au compte compte pour être engagés au sein de bataillons autonomes. L’un de ceux-ci est la schwere Panzer-Abteilung 502 dont le lecteur suit les premiers engagements d’abord laborieux, voire désastreux.

Les plus dantesques se passent en janvier 1943 quand les Soviétiques repoussent les Allemands appuyés sur le Lac Ladoga et brisent l’encerclement de l’ancienne capitale des Tsars de Russie. Dans des conditions d’engagement défavorables, le blindé lourd montre pourtant tout son potentiel.

L’auteur choisit une approche à trois voix pour son récit. A la narration indirecte se mêlent des courriers et des extraits du journal du héros principal. Le lecteur bénéficie ainsi de plusieurs angles de vue. Efficace. L’influence d’Ernst JÜNGER est aussi très présente. L’illustre auteur d’Orages d’acier est plusieurs fois cité et sert de fil conducteur pour expliquer l’attitude, les sentiments des soldats au combat. Quelle que soit sa nationalité, sa cause, sa période, la guerre transforme ceux qui la font. L’abnégation, la solidarité, la camaraderie, le dépassement de soi, l’esprit de sacrifice pour une cause qui dépasse l’individu sont des qualités indispensables. La soif de combattre, de tuer, de vaincre aussi. Tout pour dominer la peur et canaliser l’énergie dévastatrice (voir Sous le feu, la mort comme hypothèse de travail). Loin de porter un jugement avec les yeux du moderne, l’auteur fait évoluer ses personnages et permet aux lecteurs de comprendre ce qui peut se passer dans leurs esprits. C’est aussi l’un des atouts de ce livre de montrer les personnages dans leur contexte et en les faisant penser, parler comme cela devait être le cas à l’époque (voir par exemple Nous les barbares).

La vie à l’intérieur du char, le rôle de chaque membre d’équipage, les procédures d’engagement sont parfaitement illustrés. On devine également le rôle des états-majors et des officiers sur le terrain. Ce livre montre ce qu’aucun livre ou article d’Histoire ne propose. Il illustre parfaitement la guerre au niveau individuel et tactique.

Captivant de la première à la dernière page, le livre témoigne d’un très bon travail préalable de recherche. Le seul regret peut-être est l’absence d’une annexe plus historique permettant de replacer les événements dans leur contexte, car à la différence de Sven HASSEL, le décor historique est ici bien réel.

A lire absolument !

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