Stalingrad 1942/1943

L’opération Barbarossa n’atteint aucun de ses objectifs. L’Armée rouge résiste toujours malgré les pertes abyssales concédées, Sébastopol, Rostov-sur-le-Don, Moscou et Leningrad restent aux mains des Soviétiques. Désormais incapable de relancer un assaut sur l’ensemble du front, l’effort allemand se porte en 1942 au Sud avec un objectif limité à la conquête de la boucle du Don et du Caucase avec l’opération Fall Blau. Alors que Stalingrad n’est qu’un objectif secondaire et intermédiaire, la ville attire l’attention des deux adversaires qui s’enkystent dans un intense combat de rues pendant plusieurs semaines. Piégée par l’opération Uranus qui fait voler en éclat ses ailes, la 6. Armee se retrouve prise au piège d’une lutte à mort dans des conditions dantesques…

Publicités

Temps de lecture estimé : 13 minutes

Historique

Contexte

Le Caucase et les champs de pétrole de Maïkop représentent les objectifs ultimes de la campagne d’été de la Wehrmacht en URSS pour 1942. A la différence de l’opération Barbarossa, les Allemands ne recherchent plus une victoire définitive sur l’Armée rouge, ils n’en ont alors plus les moyens. En coupant la voie qui relie les Soviétiques aux alliés occidentaux via l’Iran et surtout en s’appropriant la région, ils visent à asphyxier leur adversaire pour l’abattre définitivement en 1943.

L’offensive d’été allemande

Fall Blau démarre

Après les opérations préliminaires à Izioum et dans la péninsule de Kertch alors que les combats à Sébastopol s’achèvent, les Allemands lancent l’opération Fall Blau le 28 juin 1942. La première partie du plan vise à capturer Voronej et à détruire les forces soviétiques entre Koursk et le Don par une attaque en tenaille menée par les 4. Panzer-Armee et 6. Armee. Si Voronej finit par tomber, les Allemands ne parviennent pas à détruire les 13ème et 40ème Armées soviétiques qui se replient à temps. Ils perdent également beaucoup de temps à s’emparer de la ville et s’exposent à des contre-attaques incessantes de l’Armée rouge qui dépêche dont la 5ème Armée de Chars qui se sacrifie.

Fall Blau déraille

La seconde phase de l’opération Fall Blau consiste à s’emparer de la région entre le Donets et le Don devant Kharkov en cherchant là aussi la destruction des unités soviétiques présentes. Elle débute le 9 juillet 1942 avec l’entrée en scène de la 1. Panzer-Armee qui doit former l’une des pinces tandis que la 4. Panzer-Armee doit longer le Don à partir de Voronej. Les deux se rejoignent le 16 juillet 1942 à Millerovo, mais les 9ème et 37ème Armée soviétiques ont majoritairement réussi à se replier à temps. Déjà, l’opération Fall Blau connaît sa première altération avec un enveloppement plus réduit que celui prévu dans le plan de base, même si en avance sur le calendrier initial. Adolf HITLER limoge Fedor von BOCK qui souhaite rester fidèle aux dispositions initiales.

L’avance allemande vers Stalingrad

L’Armée rouge renforce Stalingrad

Le 12 juillet 1942, l’Armée rouge choisit de renforcer le secteur de Stalingrad pour prévenir toute avance en cette direction. Elle créé un nouveau front pour contrôler les unités du Front du Sud-Ouest réchappées des tentatives d’encerclement précédents et les renforts mis à disposition (62ème, 63ème, 64ème Armées, 1ère et 4ème Armées de chars).

La VI. Armee atteint enfin la Tchir

Le 11 juillet 1942, dans la foulée du repli du Front du Sud-Ouest, le XXXX. Panzer-Korps de la 4. Panzer-Armee atteint la Tchir à Bokovskaya avant de plonger vers le Sud. La 6. Armee atteint de son côté le 21 juillet 1942 au soir la rivière qu’elle parvient à franchir en plusieurs endroits. Il ne reste alors plus qu’à pousser jusqu’au fond de la boucle du Don, le franchir et parcourir les 70 kilomètres entre son point le plus à l’Est et la Volga à Stalingrad.

Adolf HITLER enterre définitivement Fall Blau et se disperse

La troisième phase de l’opération Fall Blau devait permettre de s’assurer du gigantesque coude du Don et de pousser jusqu’à Stalingrad pour former un glacis aux opérations prévues ensuite qui doivent aboutir à la prise du Caucase et des champs pétrolifères de Bakou. Mais le 23 juillet 1942, Adolf HITLER signe sa directive n°45 qui acte définitivement le reniement de la logique séquentielle de Fall Blau en imposant deux axes d’effort simultané : l’un en direction de Stalingrad et l’autre vers le Caucase (opération Edelweiss avec la Heeresgruppe A), ce dernier aspirant des forces et des ressources initialement prévues à la conquête totale de la boucle du Don et à la couverture de l’espace entre son point le plus oriental et la Volga à Stalingrad (Heeresgruppe B). La 4. Panzer-Armee rejoint ainsi la Heeresgruppe A tout en laissant quelques éléments à disposition de la 6. Armee.

En outre, la 11. Armee part pour Leningrad avec plusieurs divisions tandis que plusieurs grandes unités sont retirées du front à l’instar de la Leibstandarte SS. Non seulement les Allemands n’ont pas réussi à éliminer toutes les forces soviétiques du Front de Briansk et de celui du Sud-Ouest, mais ils dispersent leurs ressources déjà limitées, Adolf HITLER prenant le pari que l’Armée rouge n’a plus les capacités de résister.

La fin de la conquête de la boucle du Don

Friedrich PAULUS à la tête de la 6. Armee prévoit également ici une attaque en tenaille. Le XIV. Panzer-Korps doit longer le Don par le Nord tandis que le XXIV. Panzer-Korps doit le faire par le Sud. Au Nord, les 14. Panzer-Division et 16. Panzer-Division parviennent à encercler une partie de la 62ème Armée en atteignant Kamenskiy sur le Don au Nord de Kalatch. Au Sud, le XXIV. Panzer-Korps s’en prend à la 64ème Armée dont Vassili TCHOUÏKOV vient de prendre le commandement.

Le manque de ravitaillement des Allemands dont les approvisionnements rejoignent en priorité l’effort en direction du Caucase conjugué au raidissement de la résistance des Soviétique, qui ne reculent plus et contre-attaquent, empêchent les deux pinces d’aller plus loin.

A partir du 27 juillet 1942, le Front de Stalingrad tente une opération elle aussi en tenaille pour prendre au piège le XIV. Panzer-Korps et le VIII. Armee-Korps en partant de la tête de pont de Kalatch (62ème Armée et 1ère Armée de chars) et celle de Kremenskaya (21ème Armée et 4ème Armée de chars). De son côté, la 64ème Armée parvient à bloquer l’avance des XXIV. Panzer-Korps et LI. Armee-Korps à partir de Nizhnechirskaya.

HITLER change encore de priorité

Alors que les combats font rage dans la boucle du Don où les XIV. Panzer-Korps et le VIII. Armee-Korps tentent de résister aux assauts soviétiques, Adolf HITLER ordonne de rattacher de nouveau la 4. Panzer-Armee moins le XXXX. Panzer-Korps à la Heeresgruppe B et Division Grossdeutschland mise au repos.

De nouveau irrité par le ralentissement de l’offensive, Hitler revient au plan original selon lequel la Quatrième Armée blindée devait assister la Sixième Armée pour la prise de Stalingrad. On ne fit nulle mention de la perte de temps et de carburant qui était intervenue ainsi. Les divisions blindées de Hoth réagirent rapidement […] mais le 2 août, s’appuyant sur des rapports de reconnaissance aérienne, le général von Richthofen notait dans son journal : « Les Russes envoient de toutes les directions des renforts vers Stalingrad ».

Antony BEEVOR, Stalingrad (444 pages) [de Fallois, 1999], page 106.

Ce changement de rattachement permet à la 4. Panzer-Armee de se recentrer sur Stalingrad et de profiter de son avance au-delà du Don pour déborder le bouchon soviétique devant Kalatch qui bloque la 6. Armee et met en difficulté son aile gauche. Le XXXXVIII. Panzer-Korps bouscule la 51ème Armée soviétique et franchit l’Aksaï le 3 août 1942. L’avance met en péril toute l’aile gauche de la 64ème Armée et potentiellement la tête de pont soviétique de Kalatach.

Cette avance entraine la décision de Joseph STALINE de scinder en deux le Front de Stalingrad en créant un nouveau Front du Sud-Ouest aux ordre d’Andreï IEREMENKO le 4 août 1942. Celui-ci envoie les renforts envoyés contre les pointes du XXXXVIII. Panzer-Korps obligé de ralentir puis de stopper son avance.

Les Allemands prennent Kalatch

Les contre-attaques menées par les Soviétiques contre le XIV. Panzer-Korps et le VIII. Armee-Korps ont épuisé la 62ème Armée et la 1ère Armée de chars qui ne reçoivent plus de renforts, la priorité étant désormais donné à l’arrêt de l’avance de la 4. Panzer-Armee. La 6. Armee en profite le 7 août 1942 pour raviver l’attaque de ses deux pinces. Le lendemain 8 août 1942, les XIV. Panzer-Korps et XXIV. Panzer-Korps font leur jonction devant Kalatch, emprisonnant les deux armées soviétiques. Enfin une poche qui n’est pas vide !

Le 15 août 1942, la 6. Armee entame la réduction de la tête de pont de Kremenskaya repoussant ainsi le 4ème Armée de chars et la 21ème Armée au-delà du Don sans toutefois nettoyer toute la rive.

C’est la première bataille d’encerclement menée à bien depuis le déclenchement du plan Blau : c’est aussi la dernière. Depuis le 23 juillet, la 6e Armée a capturé 57000 hommes, détruit 1000 chars, 750 canons et 650 avions. A ce prix très élevé, les Soviétiques ont réussi à s’accrocher près de trois semaines dans la boucle du Don.

Jean LOPEZ, Stalingrad, la bataille au bord du gouffre (490 pages) [Economica, 2008], pages 161 et 163.

La percée de la ceinture fortifiée de Stalingrad

Les faubourgs

La ville

La bataille pour le contrôle du gigantesque complexe urbain et industriel que représente alors la ville de Stalingrad dure un peu plus de deux mois : du 13 septembre au 19 novembre […]. Pendant cette période, se livre une des plus grandes batailles de matériels et d’usure de l’histoire militaire. Plusieurs dizaines de milliers de soldats vont s’affronter dans des combats d’une intensité rarement atteinte jusqu’ici pour chaque rue, pour chaque usine, chaque maison, pour chaque îlot d’immeuble, chaque cave, chaque escalier, chaque trou et tas de débris.

François de LANNOY, La bataille de Stalingrad [Heimdal, 1996], page 29.

Entrée dans la ville (12 au 23 septembre 1942)

Nettoyage des cités ouvrières (27 septembre au 6 octobre 1942)

Lutte pour les usines (6 octobre au 10 novembre 1942)

Ultimes assauts (11 au 20 novembre 1942)

Encerclée, laissée à elle-même après l’échec de l’opération Wintergewitter, seule réelle tentative de dégagement, elle ne peut que tenter de résister le plus longtemps possible afin de laisser à la Wehrmacht de sauver ses unités engagées dans le Caucase et reconstituer un front cohérent. Si Stalingrad n’est pas le premier échec allemand de la Seconde Guerre mondiale en Europe, c’est assurément la première du conflit que l’un de ses armées se retrouve totalement encerclée et détruite. Cette défaite n’a pas que des impacts militaires.

La poche

Conséquences

D’un point de vue international, le III. Reich est désormais en délicatesse avec ses alliés italiens, roumains et hongrois dont les pertes sont également énormes et qui sont rendus responsables de la défaite. La défaite de Stalingrad a également des répercussions internes. La guerre totale est déclarée entraînant la mobilisation de toutes les ressources à l’effort de guerre. L’opposition à Adolf HITLER se renforce du fait des défaites qui s’accumulent et de l’absence de perspectives de victoire.

Paulus a manqué sa chance d’une victoire rapide. La bataille a dégénéré en une conquête épuisante, immeuble par immeuble, rue par rue, usine par usine, dans laquelle la Wehrmacht perd ses avantages traditionnels : mobilité, manœuvre, soutien aérien tactique, tirs d’artillerie précis.

Jean LOPEZ (sous la direction de), L’Armée rouge, innovatrice, libératrice, prédatrice (400 pages) [Perrin, 2023], page 180.

Bibliographie

Repères bibliographiques

Eclairs lointains, percée à Stalingrad est le témoignage magistral côté allemand du quotidien vécu dans l’enfer du chaudron. A lire absolument. Côté soviétique, son pendant est l’oeuvre de Vassili GROSSMAN, qui reste néanmoins une approche plus engagée et surtout autorisée par le régime soviétique.

D’un point de vue opérationnel le numéro de Batailles & Blindés hors-série n°36 fournit une synthèse très plaisante à lire et à regarder. C’est un point de départ facile d’accès pour toute personne qui s’intéresse à la bataille de Stalingrad, du pourquoi au comment.

La référence d’un point de vue description tactique est la trilogie rédigée par David M. GLANTZ. Disponible en Anglais, les quatre volumes de textes qui composent cette bible ne sont réservés qu’à un public déjà bien au fait du sujet et désireux d’en appréhender les moindres détails.

Livres

Magazines et périodiques

Ludographie

Advanced Squad Leader

Au cœur du combat urbain

Quand Squad Leader parait en 1977, il met immédiatement l’accent sur les combats de rue à Stalingrad. Les premiers scénarios s’y déroulent et participent au succès de son concept. Streets of Fire, le premier module historique, parait en 1985 et se déroule également au bord de la Volga.

Reprenant le flambeau, Advanced Squad Leader (ASL) suit également le même chemin. Outre les règles, le module de base Beyond Valor se focalise immédiatement sur les combats entre Allemands et Soviétiques. Le premier module historique Red Barricades se concentre sur l’affrontement pour l’usine Barricades (Krasny Barrikady).

En 1989, Multi-Man Publishing (MMP) qui a repris la licence d’exploitation publie Red Factories, le dixième module historique officiel du jeu qui réunit Red Barricades et Red October en une seule boîte qui peuvent également se jouer sous forme d’une campagne géante. Plus que tous les autres systèmes de jeu tactique, Squad Leader puis Advanced Squad Leader (ASL) représentent le nec plus ultra pour simuler les combats dans les rues de Stalingrad !

Scénarios

Historique de la page

  • Dernière mise à jour : 26/02/2024